mardi 1 novembre 2016

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Travaillant en psychiatrie comme coordinateur d'ateliers thérapeutiques et moi-même thérapeute en ateliers thérapeutiques à médiations artistiques et par le travail manuel, je suis également docteur de l'université, Lettres et Arts, Histoire de l'art et archéologie et titulaire d'un DIU inter-universitaire de la faculté de Médecine de Lille, dans le cadre du CCOMS/OMS.
Sur Google 
"Les budgets aidants..".
http://www.ccomssantementalelillefrance.org/sites/ccoms.org/files/Memoire-Peynaud.pdf.

Depuis longtemps je vois les psy rendre des discours sur l'art au nom de la psyché, au nom de titres de docteurs, aux noms de DEA de psychologie qui donnent le droit à des personnes même pas titulaires de thèses doctorales d'enseigner en université des sciences qui vont faire autorité en art; au nom de labels d'art-thérapeutes dont les DU n'étaient encore pas qualifiants jusqu'en 2015 et aux cours dispensés par des psy qui n'ont jamais mis les pieds dans des ateliers thérapeutiques à médiations artistiques, ou dans des ateliers d'art. Et ces gens délivrent des diplômes ! Et des diplômes universitaires !
Dans certain(s) établissement(s) on parle même, sous prétexte de manque de personnels qualifiés, de donner la responsabilité d'encadrement des services infirmiers (donc médicaux) à des psychologues issus des formations en Sciences Humaines, sous prétexte qu'ils ont un statut cadre A. Les dérives peuvent être très inquiétantes pour les usagers qui subissent ou peuvent subir ces élucubrations sans en être seulement informés. Que font les ARS et préfectures face à la prévention des risques et au respect des qualifications garantes d'un service public fiable et de qualité ?
Plus,
ici et là, ces personnes peuvent avoir et ont parfois la prétention d'enseigner les arts, de s'instituer en arbitres de la création artistique et de la personnalité artiste, alors que les spécialistes des arts, les travailleurs des arts laissent faire.
Et au nom de quoi ?
Nous vivons dans une société très inquiétante d'abus de pouvoirs et de compétences, par le vecteur de directions en poste. 

Personnellement je suis aussi docteur, titulaire d'une thèse doctorale dans les sciences des arts; et je ne vois pas pourquoi je ne répondrais pas à ces clivages socio-économiques de pleins pouvoirs médicaux et Psy sans compétence médicale, dans une société en perte de ses repères artistiques et de ses valeurs et niveaux culturels jusqu'à la soumission des langues, comme si les langues commerciales devaient nécessairement devenir des langues culturelles.
Position pour le moins curieuse, néocolonialiste et impérialiste s'il en est sur dérives des marchés de l'art.

Je commence par produire ici un petit historique de la psychiatrie, m'étant rendu compte maintes fois que même les professionnels de la psychiatrie ne connaissent pas les repères essentiels nécessaires pour comprendre ce qu'est d'un point de vue culturel la psychiatrie en France en 2016.
Ce premier texte est une réponse que j'ai faite à un compte-rendu ou étude récemment demandée à des étudiants Assistants Sociaux dans l'établissement où je travaille, et que j'ai reçus et qui par ailleurs ont rendu un beau travail.
Je ne reprends pas l'histoire de la folie de Michel Foucault. Je me situe plus sur cette prise de conscience que l'art est affaire d'artistes, de personnes spécialisées en arts, et non pas de médicaux, de psy, de commerciaux de grandes ou petites écoles, de politiques et notables hâtivement appelés à la rescousse par les préfectures et conseils généraux pour avoir des points de vues dont on sait ce qu'ils sont et où ils entraînent la culture de notre pays, voire les budgets de la culture, ce qui est encore plus grave dans un pays en pleine déconvenue politique, culturelle et financière.

Ce bref historique est conçu pour être alimenté par vos remarques et autres apports pouvant l'enrichir, voire l'infirmer ou le nuancer. Disons que c'est une trame de base,
nécessaire cependant pour réfléchir sur notre société contemporaine et sa situation sanitaire.
(c'est une contribution citoyenne)

Bref historique de la psychiatrie en France et ses incidences internationales
(une réponse)

                                                                  Dans l'antiquité on ne parle pas de religions dans le sens moderne des définitions des doctrines religieuses. Dans l'art antique il faut attendre le 4° siècle avant J.C. pour voir les sculptures exprimer des sentiments humains de souffrance ou de réjouissance, monstrueux ou sympathiques. L'expression humaine, celle de ses états d'âme, est née dans les arts avec la période hellénistique grecque, juste après le siècle classique de Périclès (5° siècle avant J.C), alors que Psyché, à l'origine simple mortelle, inspire une violente passion à Cupidon qui veut l'épouser (en fin d'article vous découvrirez une autre version de Psyché texte N° 24). Contre l'avis de Vénus opposée à ce mariage, Cupidon va se plaindre à Jupiter qui ordonne à Mercure d'enlever Psyché pour la monter au ciel parmi les Dieux de l'Olympe où elle prit sa place. De cette union de Psyché et de Cupidon naquit une fille qu'on appela Volupté. Le mot Psyché en Grec signifie "âme" et cette "âme" est donc la qualité d'une mortelle devenue déesse éternelle par amour, enfantant la volupté. Les Dieux d'Homère seront ceux fondateurs de l'Olympe gréco-romain en un vaste poème épique, l’Iliade et l'Odyssée, qui ignore les couleurs. Dans l'antiquité on vénère des Dieux, des divinités, ce sont des cultes et des croyances polythéistes, animistes, voire épiphaniques (monarques épiphanes du Moyen Orient antique, ce qui sera la reconnaissance de Jésus Roi des Juifs - La fête des Rois). Des minorités monothéistes qui mettent en danger le pouvoir impérial autour de l'an 0, voire le pouvoir des tribuns, sont appelées "sectes". A son origine le christianisme est une secte parmi d'autres. 

                                                                       A la Renaissance même une grippe n'est pas prise en charge par la pharmacopée. La Fontaine, au XVII° siècle, dans Le lièvre et la tortue écrit "Ma commère il vous faut purger. Avec quatre grains d’hellébore". En référence au soin spécifique de la folie par les anciens (Cette référence à un soin médicamenteux de la folie n'apparaît pas dans le texte d'Esope dont s'est inspiré La Fontaine). La Renaissance est également la seconde période de l'art occidental où l'âme, le sentiment humain, est pris en compte - après toutefois une première avancée aux XII° et XIII° siècles occitans de l'amour courtois des troubadours, contemporains de la création apocryphe de la cour des Saints Martyrs au XIII° siècle - sur terrain d'éclosion de l'humanisme depuis Pétrarque (XIV° s, 1304-1374), de la peinture de Masaccio (1401-1428) et de ses suivants, de crises religieuses et sociales (Réforme et Contre-Réforme) avec la toute première histoire de l'art de Giorgio Vasari (1511- 1574), avec une installation très forte de la pensée néoplatonicienne en concurrence de la Scolastique et l'arrivée dans la pensée occidentale des traités du médecin philosophe musulman Averroes de la cour de Cordoue au XII° siècle. Du XVI° au XVII° siècles, Mélancolia est une gravure d'Albrecht Dürer (1514), la famille Brueghel par ses divers représentants peint la folie mêlée aux enfers,  et Frans Halls vers 1634 peint Barbara la Folle (Malle Babbe) dans une scène aussi appelée La sorcière de Haarlem. Diableries et folie font bon ménage à l'aube de l'art et de la pensée modernes et du siècle des lumières.
                                                                                   A la Révolution Française, les progrès sur les approches psychologiques sont certains, puisqu'avant 1789 on avait déjà défini des "caractères". A la Révolution on ouvre les prisons du pouvoir monarchique et en ouvrant ces prisons on rend la liberté aux fous qui y étaient jusque là enfermés lorsqu'ils n'étaient pas exécutés, brûlés vif ou livrés à des vies de bêtes sauvages dans les forêts, voire dans les cours des miracles des faubourgs des grandes agglomérations. D'autres cas de figures existaient comme "le fou du village" qui servait de "catalyseur" ou de "modérateur de la folie collective". Le Roi, le Monarque, avait son fou. C'est en fait le docteur Philippe Pinel (1745-1826) qui, en conséquence de la Révolution Française, fait avancer l'approche de la folie par son "Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale". Les médecins psy sont des médecins aliénistes jusqu'à l'ouverture des premiers asiles avec la loi du 30 juin 1838; loi issue du code napoléonien pour la protection de l'ordre public. L'emprisonnement jusque là réservé aux fous se transforme en "enfermement" (privation des libertés) dans des asiles d'aliénés par la première loi sur les "placements volontaires" et "placements d'office".
                                                                                       Le concept de "malade" - au sujet d'artistes pour lesquels l'écrivain rejette cette qualité - en remplacement de celui de "fou" apparaît pour la première fois sous la plume de l'écrivain George Sand dans son roman Pauline dont la rédaction commence dans les années 1830/34. En 1859, par son roman Elle et lui George Sand donne la première description clinique d'une pathologie mentale en détaillant les conversions hystériques d'Alfred de Musset. Les travaux de Jean-Martin Charcot (1825-1893) sur l'hystérie (à une époque où 70 à 80 % des personnes internées le sont sous le diagnostic d'hystérie) se situent sur le dernier quart du XIX° siècle, période pendant laquelle on place le conscient dans le cerveau et l'inconscient - dont on commence à prendre conscience - dans la moelle épinière. Sigmund Freud (1856-1939) fera un stage de six mois dans le service de Charcot en1885. L'apport de la psychanalyse sera le grand bouleversement de l'approche de la psyché et de ses dérèglements.
                                                                                            En 1937, avec Le Front Populaire la définition des maisons des fous en termes "asiles d'aliénés" est abandonnée au profit d'appellation en "hôpitaux psychiatriques". La Psyché fait une entrée officielle dans l'étude scientifique des composantes médicales de la personne et on ébauche les premières perspectives de guérisons. L'historique des prises en charge demeure cependant bien distinct entre infirmiers du Secteur Psychiatrique issus des gardiens d'asiles et infirmières Généralistes issues des hôpitaux gérés par le clergé, les bonnes sœurs infirmières de Saint Vincent de Paul. C'est en 1984, avec la Réforme Hospitalière de Maurois, qu'on voudra faire table rase de ces différences mais il faut bien reconnaître que c'est un échec par-delà le mérite et la bonne volonté du corps médical et infirmier.
                                                                                                     Dès les premières années qui suivent la Seconde Guerre Mondiale (1945), l'accroissement des assurés sociaux transforme le regard porté sur la prise en charge psychiatrique. Les personnes internées ne sont plus considérées comme des assistés sociaux mais comme des "payants", des "clients". La personne hospitalisée doit bénéficier du produit de son travail en institution spécialisée. Effets thérapeutiques également reconnus depuis l'ordonnance du 18 décembre 1939, reprise par le règlement modèle de 1957 et 1958.
                                                                                                         Entre deux, c'est autour de 1951 que la première molécule de neuroleptique (le médicament spécifique du soin des états délirants et psychotiques) est utilisée à l'hôpital Sainte-Anne à Paris (Henri Labory et Pierre Huguenard).
                                                                                                              C'est la circulaire du 4 février 1958 signée par Houphouët-Boigny qui, tout en établissant le travail thérapeutique en équivalence des soins somatiques en institution spécialisée, donne définitivement le statut de travailleur rémunéré aux personnes maintenues en hôpital psychiatrique.
                                                                                                               En 1960 apparaissent les mesures sur l'humanisation des hôpitaux psychiatriques. Le soin en psychiatrie est structuré en secteurs géographiques de 80 000 habitants. Des hôpitaux spécialisés sont créés sur tout le territoire. Le malade mental est reconnu comme citoyen usager à part entière sur montée de ses droits associatifs et participatifs (voir l'histoire des Croix Marines depuis 1947). Des dispensaires spécialisés et des hôpitaux de jour également spécialisés vont apparaître. En Italie est en train de naître l'anti-psychiatrie institutionnelle avec la fermeture des centres spécialisés : c'est l'hospitalisation sans hôpital (Giorgio Antonucci, Franco  Basaglia).
                                                                                                                         La loi du 11 février 2005 complète et redéfinit les fiscalités liées aux handicaps et repositionne l'usager atteint de troubles mentaux dans un exercice citoyen plein et entier, ainsi que dans une fiscalité reconnue par la Cour des Comptes, de même nature citoyenne.  
                                                                                                                               Une nouvelle loi sur les hospitalisations sous contrainte est promulguée : loi du 5 juillet 2011, modifiée le 27 septembre 2013 et re-modifiée le 27 janvier 2016.
                                                                                                                                   La loi du 26 janvier 2016 sur la modernisation du système de santé prévoit à son article 69 la création des Conseils Locaux en Santé Mentale en partenariat avec les municipalités (Projet Territorial de Santé Mentale). En observant la mise en place de cette loi sur certaines localités, on assiste plus à un dévoiement de l'esprit de la loi qu'à son application, au bénéfice d'un renforcement de la présence politique de gauche dans la communauté y compris sur les municipalités de droite. Cette mise en oeuvre de la loi est structurée par des récupérations locales de personnels en postes de directions administratives de gauche sans équité de démocratie sanitaire ni de pluralité citoyenne et pas d'avantage professionnelle. Ces récupérations locales ou comités de pilotages élus à huis-clos transforment l'esprit de la loi pour en faire un instrument de pure organisation quasi privée et politique de division de la communauté par la gestion de la santé mentale, où les associations d'usagers ou de familles d'usagers ne sont pas forcément impliquées, ou alors pour le principe et filtrées sans pouvoir indépendant décisionnel réel. Grosso-modo, cette loi qui aurait pu être une réelle avancée pour la reconnaissance citoyenne des usagers et leurs capacités décisionnelles à se gérer (GEM), une fois mise en oeuvre ne répond en rien à une avancée sociale mais plus exactement à un nouvel outil de main mise de la gauche sur le secteur de la santé élargi à la communauté. En fait ce n'est qu'un tissage ou un maillage politico-politique supplémentaire, rien de plus pour l'instant mais obligatoire par la loi. D'heureuses perspectives restent toutefois ouvertes si les dérives sont réajustées et si les auteurs et officiants de ces dérives sont repris par des contrôles d'autorités de tutelles à partir du ministère, voire par des ONG.
                 Pour les très nombreux lecteurs étrangers - même français - qui s'intéressent à cet aspect de l'avancée de la prise en charge du handicap mental, j'enrichis mon commentaire sur la mise en place des C.LS.M. (Conseils Locaux en Santé Mentale) sur le territoire en vous présentant ce compte rendu à titre d'exemple constructif et positif d'une séance C.LS.M. de Nice que je reçois en courriel et qui bien sûr peut s'inscrire dans ce formidable espoir représenté par la mesure si la démocratie sanitaire est respectée sur les sites.

                                    Ce petit récapitulatif n'est certes pas exhaustif
mais il montre clairement que la prise en charge de la pathologie mentale ainsi que la reconnaissance citoyenne de la personne atteinte de ces troubles dans notre société contemporaine est principalement l'effet des travaux de Pinel sur des bases médico-philosophiques, puis de Charcot dans un contexte culturel et social d'ouvertures d'institutions spécialisées et de lois spécifiques à l'aliénation mentale auxquelles participent des prises de conscience de l'existence d'un inconscient, d'écrivains révolutionnaires à leur époque comme George Sand (et même encore) avant le grand bouleversement de la psychanalyse. C'est bien le XX° siècle qui fait avancer la prise en charge médicale et la reconnaissance citoyenne des personnes atteintes de troubles mentaux. Actuellement les concepts évoluent vers la nette distinction entre la pathologie et la personne, en ces termes "personnes atteintes de troubles schizophréniques" et non plus "c'est un schizophrène". Des concepts de stabilisation durable, voire de guérison sont avancés par les collaborateurs de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Il est évident que de tels concepts sur l'avenir de la psychiatrie doivent inciter à la plus grande prudence quand à la qualification en terme "d'art" des productions réalisées sous l'effet de l'incidence de la pathologie mentale, voire médicamenteuse, avec des schèmes et des schémas récurrents et non liés à la création. Outils que Jean Dubuffet (L'art brut préféré aux arts culturels, 1949) avait utilisés en matériaux plastiques pour ses propres créations à l'époque où n'étaient pas encore apparus les premiers neuroleptiques (Art Brut qu'il est très rare de voir de nos jours vu l'imprégnation médicamenteuse dès les premières gestions des troubles sur un territoire sanitaire structuré). D'où ma surprise de voir utiliser en couverture (du rapport fourni par les étudiants Assistants Sociaux) ces montages plastiques sur des idées pouvant être reçues comme œuvres de personnes atteintes de troubles mentaux...voilà cependant un très bel exemple de ce qu'est la "stigmatisation". En voulant lutter, combattre, on alimente, on enferme et on renforce, finalement.
        En ce mois de novembre 2018 on me propose à l'achat des livres sur l'Art Brut. Je réponds que je n'en n'achète pas. Par expérience professionnelle quotidienne auprès de personnes souffrant de troubles mentaux et que je soignais en ateliers thérapeutiques à médiations artistiques, en travail comparé avec mes études en art et histoires de l'art à très haut niveau dans plusieurs disciplines artistiques, je ne peux pas aller vers ces publications qui sont en fait en rupture avec la réalité du terrain pour produire des artéfacts raisonnés à visées commerciales et culturelles identitaires de groupes sociaux érigés en élites et qui se reconnaissent par des choix ornementaux de la folie de l'autre accrochée aux murs formant le goût nouveau. Une société qui vit dans le goût ornementale de la folie : n'est-ce pas pure folie ? Ne serait-ce que  par ornement des murs et des murailles de l'esprit qui sont comme ces murailles peintes qui séparaient le monde sauvage du monde civilisé du Roman de la Rose - véritable panthéon médiéval - avec choix sélectifs d'iconographies monstrueuses pour le monde sauvage du dehors et beautés idylliques parfumées et raisonnées, voire morales, du dedans civilisé avec fleurs, fontaines et oiseaux autour de gentils hommes et de gentilles dames qui incarnent des caractères, des vertus et des défauts, l'amour courtois. Nous serions donc dans le monde du dehors en valeurs artistiques sauvages de la folie qu'un monde du dedans essaierait de s'approprier pour compléter sa panoplie de maîtrise environnementale de ce qui lui échappe par frontières qui ne sont franchissables que du dehors au dedans car dans le Roman de la Rose le mouvement vers le dehors n'existe pas, tout se règle de l'intérieur une fois qu'on est entré dans l'enceinte fermée d'où on ne peut plus sortir. Quel rôle pour la mémoire ? L'enjeu est donc l'appropriation des valeurs invisibles ornementales du dehors monstrueux pour les traiter en économie enjouée du caractère du dedans par ceux qui se sont institués les mémoires ou les conquérants  du dehors comme une recherche de la mère nous dit Mélanie Klein à travers un poème de Keats (dans un des petits textes qui vont suivre), et si je reste sur un registre kleinien de la psychose (absence de l'objet) à la névrose (perte de l'objet) : l'amateur "d'art brut" cherchant au sein des images à remonter à la source de ses conflits adultes dans la matrice originelle (la mère). Certes une banalité sur le plan de la personne mais qui l'est moins  si on l'étend à la construction sociale. On en revient alors au monde du dehors étant celui de l'absence (en quelque sorte la forclusion pour les lacaniens, qui n'est pas un vide mais un monde de traces informelles substitut d'une absence du formel culturel, pour le moins tel qu'on le recueille en ateliers thérapeutiques sur les productions projectives d'images) et à celui du dedans étant celui de la perte : on entrerait dans cette étrange dialectique de vouloir combler un état culturel névrotique en perte et en souffrance par un état psychotique sauvage et monstrueux pouvant créer encore plus de souffrances, fantasmé à travers des regards différents, divergents ou convergents par corporatisme, seulement présent par des voyages à travers des images, soit des reflets de quelque chose d'ignoré faisant travailler l'imagination et motivant des vues et appréciations projectives de celui qui s'approprie ces images, qui se projette à son tour dans des images qui sont déjà dans le pire des cas (pour reformuler autrement ce que je viens d'énoncer) d'uniques images de projections ou voire très peu élaborées sur un mode culturel : images capturées, appropriées et re-élaborées par le désir et le regard intra-muros spéculaire et spéculatif de l'affichage sur ce mur symbolique intra-psychique du commerce des échanges sociaux. Je ne peux donc m'inscrire dans l'optique d'une recherche artistique  [tenant à part également et en très haute estime, sinon en véritables guides pour ne pas se perdre dans ce monde des méandres de la psyché, d'autres études qui traitent purement de la projection psychotique comme celles de Gisela Pankow] en matière de publication sur l'art brut que dans la distinction que je crois parfaitement vraie de Michel Thévos entre l'Art Brut et l'Art Culturel [M.Thévoz L'Art Brut, 1968, 1975]. En effet, à partir du moment où des formes de projections aux plastiques récurrentes et stéréotypées par la maladie entrent dans une identification sociale à valeur d'art plastique, en plus produites sous effets atténués par imprégnations neuroleptiques, voire de beaux arts, qui porte un label, cet art devient culturel tout simplement par l'insertion ou l'intervention d'un tiers médiateur dans le champ culturel et donc il n'est plus de l'art brut, échappant aux codes culturels, spontanément jailli d'un état pathologique non traité et transitoire, laissé en l'état. Car, le propre de l'art brut c'est d'être seulement produit par des  mécanismes projectifs sous l'effet de crises pathologiques sur un temps relativement court, soit en exemple un jour, une semaine, un mois ou six mois, puis plus aucune production : ce que j'ai pu maintes fois vérifier par des personnes qui arrivaient en soins sans prise en charge médicamenteuse préalable ou par des personnes en ruptures de soins ou en essais de fenêtres thérapeutiques et que la personne amorçant une nouvelle prise en charge médicamenteuse cessait de produire dès imprégnation ou peu de temps après [j'en ai même discuté avec une psychologue du service où je travaillais qui était totalement surprise par ces productions en pâte à modeler de formes organiques informes ou protéiformes, ou systémiques jusqu'à créer dans d'autres versions graphiques des réseaux impressionnants de lignes orthogonales régulières, répétitives, formant des figures géométriques, des réseaux de lignes excessivement fins qui ne se recoupent jamais quelque soit le format du support, qui se retrouvent d'une personne à l'autre identifiées dans la même famille pathologique. La part de la personnalité sous-jacente, mais submergée par la maladie - pouvant nuancer les productions, car il ne faut jamais oublier qu'il y a une personnalité, un être humain derrière les horreurs de la pathologie mentale dévorante et productive ou son contraire)  Donc ces productions ne s'inscrivent pas dans ce qu'on peut appeler la construction d'une oeuvre telle que les artistes véritables, malades ou bien portants, on pu ou peuvent en créer sur des années de travail plus ou moins régulier avec des recherches et des constructions de techniques apprises ou peu à peu élaborées ou perfectionnées, constituant une oeuvre, un oeuvre, un opéra imitatif ou inventif confinant à la nouveauté, à la création et dans les cas les plus rares mais les plus pérennes et transmissibles au génie créateur de quelque chose qui n'a jamais existé auparavant et faisant avancer le domaine de la connaissance et de la reconnaissance (humaine), ce que par ailleurs Jean Dubuffet avait compris en utilisant, ce qui était neuf à son époque, ces productions projectives informelles qui sont maintenant dans le mode du stéréotype pathologique et social (de la réception sociale des productions) et qui bien sûr n'ont plus du tout la même valeur qu'au temps de leurs récupérations par Jean Dubuffet, Chaissac ou pas Chaissac. De nos jours cette référence à l'art brut c'est un peu l'histoire de ceux qui veulent ou ont voulu rompre avec les modèles des idéologies bourgeoises et qui ne cessent ou n'ont cessé de formuler des thèses contestataires mais toujours en référence aux modèles bourgeois, pour récupérer dans le champ de leur économie des productions atypiques injectées dans le circuit social d'économie spéculative. Ces états de pensées restent bien évidemment rivés aux modèles qu'ils contestent par outils référentiels. Ces états névrotiques de la culture, ce rôle des outils perdus ou en état de pertes allant chercher dans l'inconnu, dans le monde du dehors aux images monstrueuses, pour combler ses vides, ses modèles absents aux impossibles identifications sur lesquels on pose pourtant des codes langages pour les soustraire à l'indétermination linguistique de cette nature humaine qui aurait autant peur du vide, de son vide, de ses fantasmes et de ses fantômes qui portent désormais par retour des choses un nom au sein d'une même famille ainsi appelée psychose : les noces de la névrose et de la psychose; bourgeois et pathologiques. Personnellement, sans du tout nier, dévaloriser ni renier une valeur de constat à ces productions purement pathologiques, mais au contraire en les traitant comme des outils de soins très utiles et extrêmement précieux pour l'aide aux soins et aux approches médicales, et là la recherche est véritablement corrompue par ces récupérations en termes d'art (sous entendu beaux-arts), j'accorde plus de crédits artistiques aux formes d'art dites d'Art Singulier qui peuvent être à la fois des formes d'art encore dépendantes de rémissions pathologiques mais envelopper également, ou allant vers certaines formes d'art dit populaire, de productions adroites ou maladroites, projectives  ou naïves dans le véritable sens du mot naïf et non pas dans ce regroupement de formes d'art dépendantes des règles classiques très sophistiquées que les classificateurs ne savent plus ou pas lire ou identifier (plus aucune éducation artistique à l'école pour préparer les individus à entrer dans le monde des images qui est plus que jamais notre monde contemporain) alors que les plasticiens qu'on relègue au rang des idiots, même dans le sens psychiatrique du mot, non seulement connaissent parfaitement mais savent mettre en oeuvre.  Il y a ainsi, au sein d'idéologies politiques, bourgeoises en m'exposant à la critique d'une formulation dépendante de la bourgeoise [petite bourgeoisie corporative, syndicale, politique, administrative, commerciale, associative, etc...qui réclame un pouvoir sur les arts et les artistes puisqu'en ayant les moyens financiers ils sont une clientèle importante des productions artistiques, et donc les mécènes à la fois de ces productions et de ces récupérations idéologiques dans le champ culturel. Mécénat pas unilatéral qui peut être contesté par celui des grands groupes dans le monde comme Fiat avec César et sa suite de compressions turinoises pour soutenir la gamme des couleurs des voitures de la firme, et autres exemples de votre choix...],  d'intérêts partisans et sectaires [nouvelles philosophies et nouveaux courants de pensée religieux qui ont fleuri avec la montée des pouvoirs bourgeois dès le XVIII° siècle et l'investissement du Nouveau Monde], des formes de misères intellectuelles installées par des vocabulaires qui se sont creusé un sillon, qui ont aménagé une place, un créneau, au plus haut degré des reconnaissances des valeurs sociales et qui ont donné des postes clés de responsables culturels à des acteurs démunis de toute culture artistique véritable et qui font qu'actuellement nous n'avons même plus les bases utiles pour comprendre tout l'intérêt d'un bout de tôle découpée d'Arp : Dada, art Concret, Art naïf, Art Brut, Art Singulier.... pas plus que pour identifier des formes expressionnistes dans les divers axes culturels que nous rencontrons depuis au moins la fin du XIX° siècle, y compris des formes expressionnistes de l'art singulier et du pop-art, créateurs de différences d'apparences et non pas de fond...pas plus qu'un portrait de Vélasquez ou de Manet...pas plus que des trompe-l’œil et leurres surréalistes au jeux optiques (hypotypose poétique du langage)...pas plus que les métaphores et figures plastiques de rhétoriques des outils du langage écrit ou oral depuis Mallarmé, la synecdoque pouvant être confondue avec le fragment pour le tout de la projection psychotique créatrice de fausses figures de translation dans un mode interprétatif sans recueil de la parole de l'auteur de la projection (Sémiologie des images en tant que science des sophismes)... pas plus que les branches scintillantes qui ont jailli de la pratique de la peinture en plein air à partir de l'invention des peintures transportables dans des tubes jusqu'aux aérosols du vampirisme urbain. 
Tout trouvant une justification culturelle en entrant dans le mode spéculatif des salles des ventes et des galeries, des publications commerciales, celles-ci créent à leur tour un état culturel centripète et centrifuge où la folie de l'autre est le maître mot, le ciment des reconnaissances des valeurs artistiques, jusqu'à faire des "semaines de la création" en institutions spécialisées alors que ces initiatives servent assez strictement à faire valoir le ou les gestionnaires de la structure psychiatrique prenant en charge la pathologie mentale par des médiations artistiques avec un abandon progressif puis radical du mot "médiation", jusqu'à écrire "artiste" égal "fou": les personnes en soin n'étant plus des personnes malades, en souffrance à nécessité de soins, mais des "artistes" ! L'impuissance du thérapeute érigé en élite ayant trouvé la voie qui le sanctifie en érigeant l'homme en souffrance au rang d'artiste. Nous effectuons là, par impuissance thérapeutique, un retour radical et dangereux vers la martyrologie de la scolastique, élite de la société chrétienne médiévale, alors que George Sand avait déjà radicalement écarté dès les années 1830/40 les états pathologiques des états du génie artistique au moment de le création des asiles d'aliénés. Ne reconnaît-on pas actuellement aux personnes en rémission des grandes pathologies mentales qu'une seule valeur de réinsertion sociale par reconnaissance en valeurs marchandes de leurs productions projectives qu'on essaie de "chroniciser" [parfois en valeurs de clientélisme des hôpitaux de jour qui sont en plus très souvent des productions assistées] en quelque sorte en les amenant dans le meilleur des cas à suivre des cours dispensés par des professeurs d'art ? Ces personnes si vous les interrogez comme je l'ai fait, ne vous parlent-elles pas de cette souffrance qui est la leur de cette seule reconnaissance sociale par leurs productions projectives, leur barrant pratiquement la route vers d'autres émancipations ? N'a t-on pas écrit, sous prétexte de thèses de chercheurs à pignons sur rue et sur budget d'Etat, que l'artiste est celui qui entre dans une classification en terme de psychose, de schizophrénie, de constitution bipolaire voire psycho-maniaco-dépressive...en créant une seule reconnaissance en oeuvre d'art que celles produites sous certains effets pathologiques...ou en faisant entrer dans la classe sociale des artistes, créant une classe sociale spécifique, des catégories déterminées par une nouvelle science créée de toute pièce et quasi en dehors des réalités productives et historiques des arts : celle de la sémiologie des images censée aborder la psyché des artistes disparus ayant appartenu à d'autres structures mentales que celles que nous connaissons actuellement ? Structures mentales par ailleurs tellement fluctuantes que la Classification Internationale des Maladies (CIM) est en perpétuelle re-élaboration, dépendante des contextes sociaux où elle est élaborée, jusqu'à avoir rayé l'hystérie de ses tableaux alors qu'il y a un peu plus d'un siècle l'essentiel les admissions en institutions spécialisées se faisaient sous le diagnostic d'hystérie qui est aussi la base des travaux de Charcot et de Freud ?  Socialement nous entrons de plein pied dans le monde des ambitieux avides de pouvoirs et d'Aldoüs Huxley où les individus n'ont plus aucune chance d'échapper aux classifications en alpha, béta...lambda...sauf que ces classifications, par leurs aspects fluctuants et leurs économies des pouvoirs, créent elles-mêmes leurs propres outils de destruction ne serait-ce que par scléroses et aspects aléatoires à toute production humaine et ce sont ces aspects morbides et mortifères de la recherche qui maintiennent socialement ouvertes les possibilités créatives et inventives des arts par les artistes en faisant exploser la sclérose, soit la contestation de ces montages de scléroses par les classificateurs. Et,  personnellement, je crois que s'intéresser aux arts c'est aussi ne pas exclure ce champ des arbitraires - qui par ailleurs est né avec la création des académies substitutives des pouvoirs de l'Eglise sur les créations et la conservation des images - en termes de pouvoirs médicaux des recherches qui montrent au quotidien que ce monde, sous prétexte de progrès social, est bien une paralysie, une sclérose sociale en tentative de prise de pouvoir où s'épanouissent les sociétés dites "laïques" dirigées par certaines classes professionnelles et sociales érigées ou le plus souvent auto-érigées en classes dominantes ou d'élites ayant statuts d'experts et économie à la clé, créant les fractures sociales qui à leurs tours engendrent des états maladifs ou de mal être récupérés par ces pseudo-classes dominantes en termes d'économies de soins. Les organisations sociales qui, au nom des certitudes qui sont les leurs deviennent de véritables outils de discrimination et donc de conflits par leurs adhérents et militants, ont été et sont encore les phares de ces recherches scientifiques en tentatives de déterminismes artistiques et culturels à visées de maîtrises des pouvoirs et de récupération des richesses (rôle des ministères). L'avenir de l'art est aussi dans cette contestation de ces pouvoirs institués, morbides et mortifères qui nous fabriquent des sociétés malades portées par des reconnaissances d'images terrifiantes et d'une infini tristesse, porteuses du désarroi de l'autre sans ouverture vers le bonheur ni pour les uns ni pour les autres, qui par glissements bannissent peu à peu du champ des outils sociaux du soin la reconnaissance des soins infirmiers dans la gestion "par les classes inférieures" de la pathologie mentale, et par déduction la profession infirmière en termes d'acteurs de ces soins n'entrant pas dans la catégorie des arts tel que le psychologue ou le psy en général se les approprient sans contestation possible; les publications étant par ailleurs réservées aux médecins et aux psychologues et dérivés, comme si l'expérience infirmière de terrain et de savoir n'était que du vent. Au sujet des appropriations en institutions de faux savoir [faux art - art = faire quelques chose avant qu'il devienne beaux-arts] et de revendications de maîtrises et d'arbitrages de la création artistique certaines publications comme celle de Gombrich, qui réclame l'exclusif contrôle des productions et des réceptions en terme "d'art" (tout ce qui lui échapperait serait disqualifié en quelque sorte !), peuvent directement s'inscrire dans cet Art du Faux que les auteurs et artistes du XX° siècle jusqu'au début du XXI° siècle n'ont cessé de questionner dans la pensée et l'art contemporain, depuis le Quichotte de Borgès au Nouveau Roman de Robbe Grillet à La Bibliothèque du Faussaire de Courtaud... Nous sommes dans cette société du FAUX d'où on ne peut sortir que par une remise en question de nos appropriations sociales passant par les récupérations des images en termes d'art : un camion qui benne une quantité de goudron créé une image artistique dynamique ou d'arrêt sur image. Seul problème, même si on change la couleur du camion, sa marque, voire la couleur du goudron, voire le bruit de sons moteur, ce sera toujours un chauffeur de camion qui sera à la manœuvre, qu'il soit gros, petit, beau ou laid ce qui revient en quelque sorte à la philosophie des apparences désignées en termes de sophisme au temps où Platon élaborait sa pensée.
         Cette société se préoccupe de l'insertion de ces images projectives de la pathologie dans l'économie sociale à valeur culturelle et économique. L'amateur d'art doit s'en soucier sans se laisser influencer par d'autres sciences de récupération à valeur de capitalisation. En effet ces classifications sont bien des façons de créer un capital, un dictât dans l'économie capitaliste mondialisée. Cette économie mondialisée capitalisée qui a également risqué une tentative d'uniformiser les réceptions créatives en termes planifiés d'esthétiques d'Art Contemporain, comme si l'art contemporain (concept créé par le roi Louis XVIII, il est bon de le rappeler) devait répondre à  une classification obligatoire donnée par les grandes puissances sur toute la surface du globe même au cœur des forêts amazoniennes. Dans les pays en voie de développement ne budgétise t-on pas les artistes qui entrent dans ces créneaux, que ce soit aux Indes ou en Afrique ? La réaction existe. Quand on se déplace en Asie on voit ces productions aux déterminismes communs d'Art Contemporain pourrir dans les lieux publics des grandes villes comme à Manille où on les trouves détournées en cabanes, en supports divers, voire ignorées aux profit d'une création nationale originale au Vietnam.

Juste à côté d'un théâtre national de carambolage à l'architecture fictive, ludique, légère, colorée, bariolée, qui joue avec nos clichés occidentaux d'avant-garde architecturale issus de l'arrière-garde d'un palais à la gloire de Cléopâtre dans une bande dessinée d'Astérix le Gaulois, de trompe l’œil, de leurres, une mise en scène de nos rapports au fictif, à l'illusion du réel portée par des praticables et des échafaudages,  une sarabande dans un décor de Piranèse au monde des apparences contemporaines et à celui de l'éphémère des matériaux vinyls encore supports d'apparences déjantées qui jouent avec des bâtisseurs qui s'amusent autant qu'ils travaillent. Le brouillage est total, on ne sait même pas s'il y a un intérieur ni où il peut être.
L'intérieur du théâtre derrière les vitrines des magasins, le flot des voitures et l'ombre du parc d'où les silhouettes se dressent jaillissant de la végétation qui nous ramènent aux sculptures de l'Art Contemporain mondialisé du parc d'à côté, en boucle. Le Roman de la Rose recomposé. Totem, apport de Gaston Chaissac dans l'art contemporain, images de la folie refaçonnée(s), remaniement des âmes dans les reliefs et les rondes-bosses de la ville, ces mises en volumes des projections par des savoirs-faire, des métiers qui sont toujours ceux de l'autre, des ouvriers spécialisés relégués dans les classes sociales des Oméga dirigés par les Alpha... La folie s'éloigne derrière les interventions des savoirs au service des économies de marchés des élites.

Monde de la folie illusoire du théâtre mis en scène par un jeu de façades et de lettres colorées dans la ville... La simple couverture d'une publication leurre du fond...
 Le monde de l'informatique a aussi ses créateurs d'images. Ces images, qui concernent les images médicales, ont-elles des chances de devenir projectives le jour où l'être humain aura totalement intégré les réseaux informatiques dans ses structures mentales ? Et je termine ce chapitre rose avec cette remarque qui me fut faite en atelier thérapeutique à médiation artistique par un ingénieur en informatique du parc de Sophia Antipolis. Cette personne souffrait de troubles psychotiques graves avec des rémissions importantes qui lui permirent par épisodes de reprendre son travail au sein d'une équipe d'ingénieurs de pointe : "Le monde du langage informatique a déjà atteint les limites de ses possibilités. On ne fait plus qu'exploiter des données déjà connues, ou mal isolées mais qui existent déjà sans pouvoir en créer de nouvelles" (sic).
   Revenant sur cette intervention au sujet de la récupération de l'art brut - qui est je le sais à contre-courant des idéologies dominantes et qui risquent susciter l'indignation à capacité d'instrumentalisation de mon travail de réflexion - je voudrais qu'on comprenne bien que ma position n'est pas théorique mais expérimentale, clinique si vous voulez. Je vais vous raconter l'histoire d'une prise en charge qui m'a énormément fait réfléchir sur ces aspects de l'art thérapie et des récupérations en terme "d'art" des projections des personnes malades. Il y a bien presque 20 ans ou peut-être un peu plus, on m'avait demandé de m'occuper d'un patient hospitalisé qui était un artiste dont les aquarelles se vendaient dans une galerie huppée d'une célèbre ville frontalière à la France. Le père (décédé) était un artiste peintre tout comme la mère déjà âgée, également artiste peintre et par'ailleurs aux peintures abstraites d'une réelle qualité, qui vendait ses œuvres dans la même galerie que son fils. Ce patient souffrait d'une psychose avec des pics récurrents très sévères. Le génosociogramme que j'avais fait avant prise en charge demandée par un médecin du service où je travaillais, faisait apparaître une lourde hérédité. L'exploration de l'enfance était également particulière. Ce fils dont la seule issue avait été de devenir à son tour artiste peintre, avait dormi toute son enfance sous une grande toile qui couvrait tout le lit, peinture absolument monstrueuse. C'est le père qui avait peint et installé cette toile sur le lit du fils, dès le berceau en quelque sorte. La mère avait amené la photo de cette toile à son fils hospitalisé. C'est ainsi que l'équipe médicale, donc moi-même, vîmes cette toile. Lorsque le fils eut commencé sa décompensation psychotique qui le conduisit à l'hospitalisation et donc que la production du fils se fit plus rare et de moins grande qualité sous l'effet des crises de la maladie, c'est la mère qui terminait les aquarelles vendues en galerie et qu'elle signait bien sûr du nom de son fils. M'occupant de ce fils en institution spécialisé je me trouvais très vite confronté d'une part à la récupération absolument féroce des aquarelles par le médecin qui croyait avoir un Van Gogh dans son service et d'autre part à un patient qui avait de plus en plus de difficultés à produire les aquarelles que la mère réclamait à un fils qui allait de plus en plus mal. Plus, le patient à qui j'apportais du matériel pour peindre commençait à se retourner contre moi. La situation devint vite intolérable mais je réussissais cependant à discuter avec le patient qui ne tarda pas à suivre le circuit habituel des contentions puis de mise en chambre d'isolement (ou de soins intensifs), attaché sur son lit, puisque son état au lieu de s'améliorer avec l'hospitalisation empirait. Les automutilations devinrent extrêmement importantes. Lorsqu'il fut attaché, ficelé, ce patient ne pouvant plus rien détruire de lui-même se mangeait la langue. A force de me dire la haine qu'il avait de moi, il en vint à me dire la haine qu'il avait de sa mère qui venait le visiter en quête des aquarelles que le médecin avait déjà substituées et peu à peu qui n'étaient plus du tout produites; médecin pour lequel le patient commençait aussi à avoir une réelle aversion.  Donc je pris sur moi-même d'interdire au fils de s'adonner à quelqu'activité artistique que ce fut une fois la crise passée et qu'il eut réintégré une chambre normale après en avoir fini avec celle de soins intensifs et avec les contentions. Lorsqu'on lui apportait malgré tout de quoi peindre, j'enlevais le matériel d'abord manu-militari, puis avec l'accord du patient. Le patient se mit alors à avoir de meilleures relations avec moi. Quelques temps plus tard, après que le patient eut cessé tout contact avec la peinture et les fantasmes sur l'art qu'on essaya également un temps de réalimenter par des revues que j'enlevais aussitôt, le médecin, très en colère contre moi, voulut m'interdire tout contact avec le patient et réimposer la production des aquarelles. Et là il se passa quelque chose d'incroyable : c'est le patient qui prit spontanément de violentes positions contre le médecin lui hurlant "Dans cet hôpital il n'y a que Monsieur Peynaud d'intelligent, pas vous, je ne veux plus vous voir"...(sic)... On cessa donc de fournir du matériel de peinture ainsi que des revues d'art au patient qui continua à se rétablir tant bien que mal jusqu'à ce qu'il fut transféré dans une autre structure d'accueil, loin de la mère. Il est évident qu'une telle expérience fait lourdement réfléchir sur le sens de l'action thérapeutique par la pratique des médiations artistiques en institution spécialisée, ainsi que sur la réception en termes "d'oeuvre d'art" des productions faites sous l'emprise de la maladie. Pour des patients la prescription médicale d'ateliers, surtout faite par des médecins qui ne mettent jamais les pieds en ateliers thérapeutiques, mais qui théorisent à tout va, est sans aucun effet ou n'a d'effet que pour une ou deux séances pas plus. Parfois après une interruption c'est le patient qui revient de lui-même et qui ne revient plus ou qui revient, dans une sorte de cycle informel dont le seul moteur est son évolution psychique et le lien qu'il a construit avec le thérapeute de terrain, voire avec son entourage. L'obligation d'adhérer à un protocole thérapeutique stricto-sensu peut avoir des effets catastrophiques et anti-thérapeutiques. Ceci pour dire que l'écoute du patient, que la recherche de son histoire, de son hérédité, sont plus importantes que de lui faire produire des "œuvres d'art" pour prouver que "le fou est un artiste", pour faire adhérer la maladie à la théorie artistique du praticien, plus importante que toute action liée à des stéréotypies de prise en charge de la pathologie mentale à économie capitaliste ou de carrière, hormis les interventions en cas de mise en danger de la personne ou de tiers, bien évidemment. Je crois que c'était important que je fasse part au lecteur d'au moins d'une des mes expériences marquantes en milieu spécialisé qui amènent au débat théorique que je viens d'exposer, pour le lecteur qui se serait indigné par ma position sur l'Art Brut en objet commercialisé, publié, pour que le lecteur intéressé par une pluralité des positions comprenne que je ne me situe pas sur la page de la dépréciation ou du mépris des productions pathologiques mais au contraire sur le plus profond respect de l'écoute thérapeutique à laquelle participent de plein droit les productions projectives par ailleurs toujours archivées au dossier de soins infirmiers. Et si le patient est un artiste par-delà sa pathologie, et bien à ce moment là c'est lui qui décide de son avenir, c'est lui qui décide s'il inscrit ses productions dans la famille des beaux-arts, c'est lui qui décide s'il doit les commercialiser, les exposer, personne d'autre. C'est tout à fait l'orientation et le sens qui sont donnés par la loi du 26 janvier 2016 sur la modernisation du système de santé en prise en charge de la pathologie mentale en son article 69. Mais il est vrai que cet article 69 ne fait pas le bonheur des pygmalions de la pathologie mentale...




On m'a souvent demandé de décrire mes méthodes
 thérapeutiques en ateliers à médiations artistiques.
Peut-être dois-je commencer par une présentation générale qui aidera à mieux faire comprendre pourquoi j'ai développé ces arguments d'objections sur cette assimilation de fait des productions projectives dans le chapitre des arts bruts dès lors qu'elles sont revendiquées par des psy et non pas par leurs auteurs inscrits dans une pratique artistique revendiquée par eux.

Je réponds
  
J'ai fait presque quarante ans de psychiatrie et 14 ans à temps plein de semaines thérapeutiques à raison de 10 à 14 ateliers par semaine. Ateliers à partir de services d'admissions pour des résorptions de la crise avant ventilation vers les hôpitaux de jours où on pratique le plus souvent l'art assisté, c'est-à-dire qu'on aide des personnes en difficulté à produire des artéfacts avec l'aide d'un soignant, voire à partir de kits vendus dans des magasins, revendiquant des auteurs célèbres comme  Keith Haring, Gaston Chaissac ou Friedensreich Hundertwasser.

De nos jours l'hôpital est le lieu privilégié où l'on peut observer la production projective des images d'auteurs qui sont des personnes en souffrance psychologique sinon psychiatrique, assez rarement avec une formation artistique. Très rarement avec des formations en arts plastiques, plus fréquemment avec des formation musicales.

Il y a eu une mode, qui a des survivances dans certains grands hôpitaux, de faire produire des œuvres à des personnes hospitalisées avec l'assistance d'un plasticien. L'exemple auquel je fais référence n'est pas si vieux puisque je vous ramène dans les années 1990.
Dans le cadre du 1% de la Loi Malraux, alors que l'hôpital où je travaillais venait de faire construire une aile tout neuve pour intégrer la psychiatrie à son offre de soins, les psy d'un des deux services, ayant monté une association [les budgets des 1% ayant été détournés pour pallier à une insuffisance de l'architecture],  s'en vinrent avec doct comité de médecins et de psychologues, voire cadre supérieur, acheter des œuvres produites pas les patients d'un hôpital psychiatrique d'un département voisin. Cet hôpital avait monté des ateliers d'art pour ses usagers et même une galerie d'art brut qui vendait, à grands bruits de manchettes de journaux et d'idéologies.

Des œuvres sur toile furent achetées et installées dans la grande salle des réunions des deux services de psychiatrie.
Plus tard ces œuvres furent décrochées et remisées par mes soins. J'accordais autant de soins à ces œuvres qu'à toute autre conservation qu'on me confiait alors, puisque j'étais en charge des ateliers thérapeutiques des services de l'intra hospitalier de la psychiatrie de cet hôpital où je travaillais. Puis les médecins se succédant, il y a deux ou trois ans, on fit un petit bruit autour de ces œuvres qu'un hôpital de jour voulut récupérer au titre de cette association disparue qu n'avait jamais fonctionnée de façon très réglementaire puisqu'elle fut dissoute d'autorité pour en créer une nouvelle qui ne fonctionna pas d'avantage de façon plus réglementaire. A travers divers péripéties je fis entrer ces œuvres dans le patrimoine de l'hôpital. Puis on m'en réclama pour orner les bureaux des médecins du service. Les toiles, de mauvaise qualité, avaient souffert et j'entrepris donc de les restaurer avant de les installer dans les bureaux des demandeurs. Travail de restaurateur que j'avais appris auprès du peintre Pierre Marchetti, décédé, dont les œuvres commencent depuis quelques temps à faire les délices de certains collectionneurs français et étrangers.
Pour commencer la restauration de ces œuvres, bien sûr je les dépoussiérais et je les nettoyais pour leur redonner un peu de leur état originel. Ces toiles peintes à l'acrylique n'avaient pas été vernies et avaient donc terni. En continuant la restauration par l'imprégnation  avec de premiers produits de consolidation des supports toiles et bois, je remarquais tout une série de tracés au crayon noir qui apparaissaient sous les figures peintes, bien peintes ou peintes avec une forme de maladresse qui pouvait, si on le voulait, leur conférer un style, voire les rattacher à des familles pathologiques : en fait il s'agissait de modèles de journaux et de revues dont une sur la guerre du Vietnam, l'autre en image byzantine détournée,  l'autre comme carte postale d'un paysage, etc, etc..., que le plasticien avait dessinés sur les toiles pour les faire peindre à des patients à qui on n'avait jamais appris aucune technique de peinture ni de mise en page : à la bonne, comme on dit en Provence, des couleurs acryliques prises dans les pots et dans les tubes..
Sans cette "expertise" ces toiles auraient très bien pu être déposées dans un musée d'art brut...diagnostic médical et psychologue à l'appui...avec en plus un certificat d'authenticité de l'hôpital de provenance...je me souviens d'un psychologue qui avait participé à cet achat qui, lorsque je les ai ressorties du local où elle étaient conservées, regardait ces peintures d'un air savant, furieux de ne pas pouvoir les récupérer, en se tenant le menton et en évoquant, sans en parler véritablement, sa haute science de la lecture des images, faisant régner un silence lourd et pesant de la profondeur de sa réflexion sous le regard ébahi d'un infirmier admiratif et crédule...Voici en quelque sorte le terrain sur lequel j'intervenais en plus d'exemples déjà cités alors que je n'étais pas encore en charge des ateliers thérapeutiques mais infirmier de service, comme ce jeune homme qui était malade tant il n'avait d'autre issue que d'être artiste...et qu'un psy prenait pour un Van Gogh !

N'étant pas plus que d'autres à l'abri d'observations :

Ainsi je me situe sur un éventail d'expériences vécues en milieu psy et par mesure d'honnêteté intellectuelle et professionnelle je vais répondre, comme écrit plus haut, à une demande qui m'avait été faite plusieurs fois de décrire et d'écrire, pour en garder la trace, mes méthodes de soins en ateliers thérapeutiques. Il n'y a peut être rien d'original à ma pratique mais je sais que beaucoup d'infirmiers voudraient animer des ateliers et qu'ils ne trouvent aucune réponse satisfaisante. Car en milieu hospitalier, compte tenus des risques liés aux effets secondaires des traitements et autres risques somatiques directement liés aux pathologies, il est absolument indispensable qu'une personne aux compétences médicales soit présente lors du soin en atelier thérapeutique à médiations et si cette personne au minimum infirmière peut faire le soin d'ateliers c'est bien évidemment ce qu'il y a de mieux et la meilleure garantie pour les patients et les familles d'une véritable qualité de l'offre de soins par l'établissement de prise en charge. Donc si cela peut aider ces infirmiers conscients de leurs compétences administratives et de leurs responsabilités, eh bien j'en serais bien content car en plus cela aidera à soulager les souffrances de bien des personnes, car ce sont des méthodes longuement éprouvées et qui ont fait leurs preuves. Toutefois je ne vais pas faire les schémas propres à chaque médiation artistique utilisée. Non, je vais vous faire un exposé d'ordre général ne craignant aucune critique puisque mes principes de soins en intra-hospitalier ont toujours été reconnus comme particulièrement efficaces, courriers de patients à la Direction d'Etablissement à l'appui. 
 Si ça commence comme une recette ce n'en n'est toutefois pas une, c'est une méthode. 

   Pour soigner en groupe ou en individuel, en pratique hospitalière d'atelier à médiation d'arts plastiques, vous placez une personne en face d'une feuille ou d'une toile, vous faites définir un thème que chaque participant du groupe aura approuvé et vous donnez 20 à 30 minutes de temps de projection. J'ai toujours évité de définir moi-même le thème car je me suis rendu compte que cela pouvait produire des blocages et donc fausser l'atelier. Puis, une fois le temps de projection terminé, vous faites faire les commentaires des travaux d'abord par le patient auteur de la projection, puis vous redistribuez dans le groupe pour recevoir ses avis et travailler avec le groupe généralement très bien veillant "oh c'est beau, oh c'est joli" sur la renarcissisation du patient en même temps que sur la rupture à son isolement, voire de récupération de la parole et des mécanismes de l'argumentation orale qui peuvent eux aussi être très altérés. Par une méthode thérapeutique de triangulation vous comprenez que ces projections - quand bien même montreraient-elles de beaux paysages des paradis de l'océans pacifique comme cela est arrivé plusieurs fois dans mes ateliers - sont des expressions d'une souffrance intra-psychique que le thérapeute doit aborder de façon extrêmement douce, comme on nettoie une plaie sur-infectée autour d'une blessure jamais soignée et qui fait très très mal, tellement mal qu'elle peut conduire au suicide. La blessure invisible doit devenir peu à peu palpable, le plus souvent en plusieurs séances, tant par les projections recueillies en chaînes de signifiants donnant à leur tour une ou des chaînes de signifiés principaux et secondaires qui conduisent à l'identification de la blessure, aux causes profondes de la blessure,  que par le dire complémentaire du patient et non pas par interprétation du thérapeute, sauf recours à un vocabulaire déjà longuement éprouvé de projections courantes et récurrentes constatées et répertoriées par pathologies, dont effectivement on pourrait dresser une sorte d'abécédaire mais auquel je ne me livrerai pas par respect pour des artistes dont les œuvres publiées ou en galeries sont leurs moyens de subsistance et en fait "leurs œuvres" puisqu'au sein de leurs productions originales ils ont intégré ces vocabulaires en propositions esthétiques ou en savoir faire. 
En institution le travail de thérapeute vient en complément d'une imprégnation médicamenteuse qui laisse un certain temps pour observer ce qui se passe à travers les fréquentations prescrites ou les venues libres et volontaires des patients aux ateliers, le choix des ateliers où ils viennent et ceux auxquels ils ne viennent pas, les travaux projectifs qui ne sont pas forcément des travaux d'arts plastiques, qui peuvent être le choix d'une chanson en atelier chant, le choix d'un vers en atelier poésie, etc...et rendre compte à l'équipe médicale.
              Lorsque vous êtes sur le terrain, que vous construisez vos ateliers avec des médiations variées qui s'adapteront à des sensibilités différentes, et pas en fonction des fantasmes sur l'art, vous comprenez que ce que vous recueillez est de la souffrance et que votre devoir en tant que thérapeute est de travailler sur cette souffrance avec la personne en difficulté. Evidemment la renarcissisation  (Narcisse cet homme qui se trouvait si beau qu'il s'est noyé en regardant son image dans l'eau du lac où la fleur du même nom a poussé. Renarcissiser c'est redonner de l'estime de soi) est un des aspects primordiaux du soin mais elle ne doit pas tomber dans l'enfermement de la personne par une définition d'artiste alors que la personne exprime sa souffrance rendue visible par méthode projective. Il y a là un devoir pour le thérapeute de conservation du secret médical. 
Si vous enfermez le patient dans sa pathologie en lui donnant une autre personnalité socialement redéfinie par des qualifications d'artistes en rupture avec l'objectif de soins, vous ne l'aidez pas, vous transformez la finalité de l'exercice de soin et vous  créez un nouvel enfermement, vous l'isolez et vous le ramenez dans l'isolement qui est un des caractères des conséquences de la pathologie mentale tout autant que des attitudes velléitaires et d'oppositions que vous pouvez rencontrer en ateliers et avec lesquelles il faut composer sans les culpabiliser. Combien de rechutes à cause de ces renfermements, de ces isolements ou de ces incompréhensions qui amènent le soignant à des constellations transférentielles négatives du groupe qui va à son tour mettre en place des dynamiques de groupe que vous n'allez plus savoir gérer, voire à des transferts et contre-transferts négatifs : l'usure du soignant qui le conduit à son propre enfermement dans des ruptures thérapeutiques alors qu'il  croit être en pratique de soins. En plus le patient peut une, cinq,dix minutes plus tard développer tout un discours complètement différent des pulsions qui l'ont conduit à la projection, par les mécanismes de défense que le patient met en place spontanément lorsqu'il se distancie de sa production, de sa projection pouvant chercher le regard de l'autre et son interprétation qui est encore un mécanisme de distanciation et potentiellement de défense. Voire sen protéger radicalement en détruisant son dessin, sa projection. A son tour le soignant peut, mais de façon volontaire, utiliser ces mécanismes pour dédramatiser une situation lorsque la projection et son identification risquent créer une sur-blessure ou une nouvelle blessure, comme vous voulez. Et l'évaluation de ces processus de défense, présents, absents, leur qualité, de la part du patient ou du soignant, fait aussi partie de la prise en charge en soins de la qualité du soin.
  Si vous avez à faire à une personne artiste soit par métier soit par loisirs, à une personne d'une haute situation sociale ou intellectuelle, votre prise en charge ne doit pas être différente. La maladie n'a rien à voir avec le statut social ni avec l'intelligence. Un clochard, un étudiant, un administratif, un directeur, un artiste en souffrance ne sont pas différents d'un médecin en souffrance. Une personne en souffrance psy n'est pas artiste par nature et un artiste n'est pas forcément quelqu'un en souffrance. Avec les perspectives de guérisons avancées par l'OMS et ses collaborateurs il est aisé de se rendre compte qu'on risque faire croire à une personne en souffrance et en dépendance - car la dépendance fait partie de la condition de la personne en soins - qu'elle est artiste et de se rendre compte du contraire une fois soignée. Le risque c'est alors que la personne peut volontairement retourner dans sa maladie, faire échec au soin, fuir le soin, pour retrouver la valeur qu'on lui avait reconnue dans la maladie, conférée par un statut d'artiste valeureux et qu'on ne lui reconnaît plus une fois soignée. 

           Les musées d'Art Brut sont des aberrations bien qu'ils aient prouvé leur utilité il y a quelques années pour essayer de clarifier les choses bien vite récupérées dans la gangue des économistes de la psyché et de conférences et de débats, voire de séminaires générateurs d'une nouvelle économie lucrative de la folie. Ces musées deviennent plus des collections de reliques : le commerce des reliques du moyen-âge . On n'expose pas les placentas, les tumeurs, les radios des jambes cassées dans un musée en termes d'art, on les réserve à l'étude médicale, bien que certains poètes et écrivains aient commencé à ouvrir le champ des descriptifs des radiologies dans leurs œuvres, comme des outils de la mémoire de leurs êtres chers disparus. Ces disparus qu'on revoit de cet intérieur qu'on ne voyait pas de leur vivant sans les explorations des pathologies par l'imagerie médicale. Comme si l'accident pathologique de la vie entraînant le décès avait augmenté le livre des souvenirs. Ainsi dans une nouvelle recherche de la valeur sociale des images, ne peut-on, dès lors que des musées d'images pathologiques existent, étendre leurs collections à l'ensemble des imageries médicales, puisque l'étude de la psyché est entrée dans le monde de la science médicale depuis le Front Populaire, puisque tout un chacun peut choisir ses images dès lors qu'elles sont proposées et acquises. Ainsi on pourrait sortir de cette ornière de la confusion des valeurs des images et de la production artistique en terme d'Art et de Beaux Arts puisque les productions de la pathologie mentale bénéficient d'une reconnaissance légale par l'Etat d'un statut de propriété artistique et intellectuelle, même si on peut regretter le mot "artistique" sauf le rendre à son étymologie de "faire quelque chose"... Et être capable de "faire quelque chose" c'est déjà avancer vers les effets thérapeutiques du soin mais ce n'est pas en faire une finalité pour ouvrir vers un éventail potentiel de choix en prises de places dans les différents secteurs de l'activité sociale des métiers; l'activité artistique appartenant cependant à l'éventail de ces choix.
Nous voici dans un exercice de tautologie qui nous renvoie à notre propre positionnement social dans une société qui tourne en rond et qui va vers des crises actuelles dont le journal Le Monde se fait l'écho .
        
J'enrichis la rédaction de mon article initial du 1° novembre 2016 avec cette publication du Monde du 27 janvier 2018 qui concerne l'état de crise de la psychiatrie en France que vous pouvez consulter pour lire la totalité des pages que ce journal consacre à cette question. Ici je n'en présente que ces extraits pour un relais utile de l'information.
 Puis vous retrouverez le déroulement primitif de cette page



Lorsqu'on s'engage dans le compte-rendu de l'expérience de terrain c'est toujours pour essayer de faire prendre conscience des améliorations qui peuvent être apportées autour de la dignité humaine, pour corriger les erreurs dont on a été les témoins,  pour participer à l'amélioration égalitaire des comportements humains face à la souffrance et à la recherche de solutions pour les conforts de vie de chacun, en un mot pour augmenter la qualité de l'offre de soins et pour que chaque être humain, quelques soient ses différences, ait la même place face au droit de vivre heureux dans une société citoyenne responsable et pacificatrice.
Vous avez lu ce qui précède : voici maintenant la réaction dont je suis solidaire du Conseil de l'Ordre des infirmiers à l'évolution de la politique de santé en France
au 27 décembre 2018


















         Pour amener, faire avancer, tout doucement, le champ de la réflexion vers les ateliers thérapeutiques à médiations artistiques je vais vous proposer une série de petits textes écrits, sous contrôle de remarquables médecins psychiatres avec lesquels j'ai travaillé, en support de mes ateliers à médiations poétiques, qui s'inscrit dans l'ensemble des ateliers de la semaine thérapeutique de psychothérapie institutionnelle de groupe ou individuelle. J'utilise l'expression "sous contrôle" par respect pour le lecteur qui pourrait croire que je travaille tout seul dans mon coin sans lien avec la profession. Je travaille effectivement au sein d'une équipe médicale pluridisciplinaire et mes insertions sont toutes alimentées par un très long travail infirmier et d'échanges en institution psychiatrique spécialisée (depuis 1984 avec trois ans de formation depuis 1980) puis quotidien en semaines thérapeutiques complètes, du lundi au vendredi, en ateliers thérapeutiques intra-hospitaliers/CATTP que j'ai entièrement montés depuis 2004 à la demande et sous l'autorité médicale des différents chefs de service qui se sont succédés jusqu'à nos jours sur le Pôle Santé Mentale de Cannes où je travaille encore aujourd'hui. Les médiations vont du jardinage (4 - quatre jardins thérapeutiques pour le Pôle Santé Mentale), à l'Ecriture, au Chant, à l'ergothérapie (menuiserie), à l'Eveil Corporel, à l'activité d'une Bibliothèque patients et professionnels (distinctes), à l'Informatique, aux Emaux, à l'Art-Plastique, à la Poésie, et potentiellement au Piano, aux Percussions, au Théâtre et à la Relaxation en partenariat avec les infirmiers, psychologues et médecins du service. Je gère également les budgets de fonctionnement de ces ateliers en poste de Sous-Régie et je suis chargé de suivi d'enquêtes pour le CCOMS Lille-métropole.
  

Je commence par un texte issu de ma réaction sur une intervention aux journées de la Maïeutique à Aix-en-Provence en 2009.
Je le sélectionne, bien qu'il s'inscrive dans une série plus ancienne et plus récente, car il établit un lien direct avec mon historique. Il débute même par un mode de redite, toutefois en bifurcation. Ainsi la continuité du sujet que je me propose de traiter de façon très informelle a tout de même une structure et une forme que vous découvrirez inévitablement au fur et à mesure de vos lectures de ces petits textes.
 je ne retouche pas plus ce texte que ceux que je me propose d'inscrire sur cette page de blog - je les livre tels que je les avais distribués aux personnes en soin, après lecture et accord du Médecin-Chef de Pôle. Toutefois lorsque j'ai cherché à mettre sur la même page un ou des textes un peu trop documentés pour la capacité d'une seule page, j'ai du ôter certains détails que je restitue ici. En produisant les deux versions le lecteur pourra comparer et remarquer que je reste en général et de façon très majoritaire absolument fidèle aux textes originaux, sauf que je souligne et mets en italique les titres des œuvres, études et ouvrages cités

Mona Lisa un exercice de style
Psyché et la poésie
Les potins de l'atelier poésie - 17 septembre 2009

                 En grec Psyché veut dire "âme". Qui est cette princesse mortelle qui s'appelle "âme", dont le destin est de rejoindre les Dieux dans l'Olympe ? Psyché, enlevée par Mercure, à la demande de Cupidon,- fils de Mars et de Vénus - qui l'épousera, devient immortelle à son tour. De son union avec Cupidon naît une fille Volupté. Volupté est la fille de l'âme déifiée et de l'amour. L'histoire la plus connue de Psyché, d'une très grande beauté, est liée à l'interdit que lui fait Cupidon (Eros) de regarder sa propre image. Désobéissante Psyché se voit une nuit dans le miroir et Cupidon la quitte, la condamnant à une longue errance avant de la retrouver. La psychanalyse c'est l'analyse de l'âme. Chez Socrate il existe une manière de faire découvrir par une série de questions la vérité qu'un sujet a en lui : cette science est un art qui est appelé "maïeutique", signifiant "Art de faire accoucher". Le mot "Art" qui signifie "une aptitude", "un ensemble de moyens", c'est aussi "faire quelque chose" entendu dans le mot "faire", "Art de savoir faire". La maïeutique serait cet art qui connaîtrait le secret de sonder  l'âme pour découvrir sa vérité; mais à partir de quoi si le sujet est absent ?
                Lorsque par ce procédé on s'interroge sur les oeuvres d'art on a déjà le conflit des arts : celui du procédé (maïeutique) qui cherche le procédé de l'autre (objet d'art, artéfact). Alors s'agit-il du procédé artistique ou de remonter au procédé de celui qui " a fait" jusqu'à "lui" ? Car il semble bien que ce soit non pas l'objet qui soit visé mais le sujet (l'individu) ? L'artefact ou l'oeuvre d'art deviendraient le "simple objet de médiation" ou "simple objet transitionnel". Il appartiendrait au "questionneur" de questionner l'objet sur des impressions reçues de lui pour remonter jusqu'au sujet. En art-thérapie on fait "faire questionner" ce qui est différent puisqu'un tiers intervient. Ici, l'art de la maïeutique fait l'économie du tiers avec un sujet disparu, absent du questionnement sur l'objet sélectionné.
                    Y a t-il alors obligation de percevoir l'objet dans une approche scientifique de l'oeuvre ou peut-on se contenter de l'impression que l'objet a sur celui qui interroge ? L'oeuvre d'art agit comme produit appartenant deux fois : une fois au savoir faire de l'artiste et une autre fois à l'appropriation de l'autre. Cette appropriation de l'autre doit-elle ou non se soucier du discours de l'artiste pour remonter jusqu'à la psyché, à l'âme de l'artiste, ou peut-elle en faire l'économie puisque le questionneur est amené à faire les questions et les réponses ? On nous dira alors que cette dialectique interne de l'autre se fait suivant un processus scientifiquement élaboré par la psychanalyse  dont le psy est le maître absolu. Qu'y a t-il comme vérification possible à ces outils  en l'absence de discours contradictoires du sujet créateur décédé et pris en objet d'étude à travers son oeuvre par l'investigation toute puissante du détenteur du pouvoir d'explorer l'âme déifiée ?
                    Un éminent psychanalyste aborde La Joconde de Léonard de Vinci (1452-1519) par un auteur, présenté comme un historien d'art, qui prétend voir les choses que d'autres ne voient pas dans le tableau. Sur une oeuvre autant analysée le doute s'installe aussitôt. Puis, le psychanalyste présente le corps de Mona Lisa et le paysage ne décrivant d'abord que quelques éléments du corps; remarque qu'il s'agit d'un personnage en tronc, assis, posant son bras sur l'accoudoir qu'on ne voit pas plus que le fauteuil auquel il pourrait appartenir (les sièges de cette époque n'ont pas nécessairement de dossier) mais il ne fait aucune remarque sur l'absence ou la présence d'une fenêtre [on peut remarquer deux fragments de colonnes difficilement visibles sur chaque bordure extérieure du tableau. Architecturalement ces deux colonnes auraient été très rapprochées sans être jumelées, puisque séparées par un espace seulement équivalent à la largeur du buste de Mona Lisa. De toute façon le psy n'en n'a pas parlé et je crois être le seul à soulever la projection architecturale des ces deux fragments de colonnes dans le réel d'une architecture. Cette question n'étant pas résolue je ne fais que l'ajouter aux notes postérieures à la rédaction de l'article distribué aux usagers en ateliers] qui eut été probable sur une pose en belvédère d'un paysage dont la description s'arrête aux éléments figurés au sol (la fenêtre albertienne , physiquement absente, est ignorée du psy). Le ciel, l'air (éléments par excellence qu'on ne voit pas et qui ont tellement d'importance dans le sfumato de Léonard de Vinci - notes sur la densité de l'air et ses incidences, rédigées par Léonard) sont totalement absents du discours du psychanalyste. Puis ce psy en arrive au paysage terrestre - car le ciel lui échappe toujours  dans la chaîne des absences du non vu - le décrivant comme un chaos alors que c'est tout le contraire. Les lignes du paysage issues du foyer des mains posées l'une sur l'autre, les doigts en pinces, se développent en deux perspectives escamotées divergentes et convergentes, qui enveloppent le contraposto de Mona Lisa, et qui font écho, répondent ou entrent dans la même famille d'idées que les montages en plateaux d'Andrea Mantegna (1432-1506), mis en perspectives aériennes. Ne remarquant pas cette construction le psy ne peut pas comprendre que la courbe perspective cachée par la tête de Mona Lisa est reportée en avant du portrait par l'artifice d'un éclairage sur un drapé enroulé en courbe flanqué sur l'épaule gauche du personnage (droite du tableau) installant le portrait dans une vacuité aérienne des perspectives qui accompagnent le sfumato, créant le cadre interactif de la Joconde. A ce stade, ayant tout mis en "chaos" (ordinaire du non vu) ou en abîme (non moins ordinaire de l'insondable gouffre) le psy en arrive au sourire et aux yeux : au mystère final. André Malraux (1901-1976) a rédigé un communiqué sur l'état d'usure du tableau qui a un peu effacé les cils et les sourcils, mais notre psy l'ignore - son auteur de référence aussi - et il fait de cette absence de pilosité la caractéristique des prostituées. Puis le psy en arrive aux sédiments - de petits éléments figurés qu'on ne voit pas ! Le "voir" au cœur de la problématique - qu'il saisit et par lesquels il pénètre l'âme de Léonard - pour conclure : "Léonard a fait l'amour avec La Joconde...", et on ne l'avait jamais vu !...
                    Ce qui doit nous intéresser ce n'est pas de faire un procès à ce chercheur très respectable et très vénérable, à la méthode,  au résultat scientifique de la chose, mais bien plus de considérer le processus de création poétique qui s'installe entre l'oeuvre et le spectateur. Cette dimension est fabuleuse car elle concerne directement la fascination que les oeuvres d'art exercent sur nous tous et maïeutique ou pas maïeutique nous nous y laissons prendre. Léonard, l'artiste, l'homme, on ne le verra jamais et on ne pourra jamais le mettre sur le divan. C'est nous qui sommes concernés par lui à travers son oeuvre et créant un champ/chant poétique de lui par son oeuvre le chercheur psy pense aller au réel, à son réel, et finalement le rencontrer dans l'espace imaginaire fantasmé qu'il s'est forgé de l'artiste et qu'il veut faire admettre - avec férocité, c'est le comble - comme du réel !...Marcel Duchamp (1887-1968) écrivant sur (expression concrète) La Joconde "L.H.O.O.Q." est d'une certaine façon poétiquement interpellé par Mona Lisa : Léonard s'en fiche pas mal, il n'est pas jaloux...ainsi va la culture à "l'âme déifiée"...dans le miroir du présent à la volupté de l'absent du discours de tautologie du maïeute amateur d'art qui croit ainsi atteindre l'invisible réel : les mythes reconstruits au XX° s. par l'immortelle princesse...

                           "Et dans la brume de son visage
                            Soudain apparut claire
                    Une douce pensée. Un matin qu'il a plu
                           On voit ainsi les fleurs noyées
                           A travers l'eau trouble
                    ...............................................................
                           Des rives de l'Argens serpente,
                           Des plaines, des collines, des chemins,
                     S'élève dans le lointain un long chœur de chansons
                           Mais bêlements de chèvres
                           Chants d'amour, airs de chalumeau,
                     Peu à peu dans les montagnes brunes
                     Se perdent, et viennent l'ombre et la mélancolie."

                                                                          Frédéric Mistral - Mireille (extraits)
                                                                               (1830-1914) Prix Nobel 1904




En relisant le texte qui va suivre (24 septembre 2009), directement articulé en tiroir avec celui qui précède (17 septembre 2009), j'ai envie d'y faire des ajouts tellement le sujet est riche, amenant à la découverte d'autres textes de la littérature française qui ont avant Proust traité de ce problème des sensations qui réveillent la mémoire d'épisodes de vie (s).


Sylvie et Madeleine
A "la fête du Bouquet provincial", les Ménades, leurs copines et le sac à main de Psyché.
                                         La poésie et la science en déclinaisons

                                                        Les potins de l'atelier poésie - 24 septembre 2009

            Gérard de Nerval (1808-1885), de son vrai nom Gérard Labrunie, est le premier grand écrivain et poète français moderne dont la pathologie mentale hallucinatoire s'inscrit intimement dans la formation et la reconnaissance de l'oeuvre. Les Surréalistes ont remis cet auteur à l'honneur mais ce mythe de la folie enveloppe trop la production exceptionnelle du poète pour que cet écran nous aveugle. La première crise hallucinatoire de Gérard de Nerval date de 1841 : il voyait la femme idéale dans un monde imaginaire dont il était le souverain. En 1850 Nerval entreprend un voyage et l'idée de Sylvie prend naissance. Sa publication en 1853 précède de peu une nouvelle crise qui conduira l'auteur au suicide. Ce texte autobiographique de Sylvie - dont beaucoup d'accents comme Le bal de Loisy nous entraînent vers Le Grand Meaulnes d'Alain Fournier (1886-1914), autre très grand roman sur l'adolescence - commence par "une apparition bien connue illuminait l'espace". Nous sommes au théâtre et le tout jeune Nerval est amoureux d'une actrice. Plus loin, au fil des chapitres la recherche du profil de l'actrice (Adrienne) va se dédoubler dans le souvenir d'une autre fille (Sylvie) à travers la lecture de deux lignes dans le journal qui saisissent le héros (Nerval) : "Fête du Bouquet provincial. Ces mots fort simples, réveillèrent en moi une toute nouvelle série d'impressions : c'était un souvenir de la province longtemps oubliée, en écho lointain des fêtes naïves de la jeunesse". La psychophysiologie qu'on étudiera plus tard à travers la Madeleine de Marcel Proust (1871-1922) - ce goût du petit gâteau trempé dans une tasse de thé qui réveille les souvenirs du passé - et par les électrodes, est née sous la plume d'un poète parfois psychiquement malade que l'auteur de La recherche du temps perdu jusqu'au  Temps retrouvé avait lu et médité, commençant l'évocation de sa madeleine dans une tasse de thé par ces mots : "...tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher..." (Du côté de chez Swann - 1913).
              L'art du poète en vers ou en prose occulte ici quelque peu d'autres recherches contemporaines. Si la publication de Sylvie précède de peu la description clinique des conversions hystériques d'Alfred de Musset sous la plume de George Sand (Elle et lui - 1859) qui avait déjà avancé en 1834 une regrettable confusion entre maladie mentale et génie créateur - remplaçant de façon étonnamment précoce le concept antique "folie" (la folie de Néron) par le substantif moderne "maladie" - elle précède aussi le "Rêve familier" de Paul Verlaine (1866 - Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant d'une femme inconnue, que j'aime et qui m'aime...) et les écrits de Freud de 1895 sur la mémoire affective, la mémoire des sensations, dans ses études sur l'hystérie.
         La question du temps  - pour refaire le lien avec Proust - est centrale dans la philosophie d'Arthur Schopenhauer (1788-1860) contemporain de Nerval qui écrit dans Sylvie : "...une de ces pendules d'écaille...La Diane historique, accoudée sur son cerf, est en bas relief sous le cadran, où s'étalent sur un fond niellé de chiffres émaillés des heures...Ce n'était pas pour savoir l'heure que j'avais acheté cette pendule en Touraine".
            Ainsi peut-on se laisser surprendre par cette oeuvre magistralement novatrice, d'une écriture absolument magnifique, et qui peut nous entraîner vers d'autres liens avec beaucoup d'autres aspects - dont la présentation appartiendrait plus au psychanalyste lettré ou au poète qu'à l'amateur de poésie - comme cette publication de Ribot en 1876 Psychologie des sensations.
             Ainsi - pour reprendre le rythme de construction de Lamartine comme le mouvement renouvelé des flots  sur les rives du Lac - ainsi pouvons nous avoir l'impression que la folie, puis la maladie mentale, ont conduit leur propre genèse, puis leur histoire, l'histoire de leur étude, de l'étude de leur âme par elle-même, de l'étude de l'âme au suicide du poète, à l'âme du poète lucide et extra-lucide, à l'âme analytique contemporaine de la philosophie du pessimisme, à celle en devenir psychanalytique du psychanalyste, à celle littéraire de l'écrivain, à celle scientifique écumante de la cybernétique à l'électrophysiologie "inventant" à son tour son propre champ exploratoire de psychophysiologie (étude de l'influence du psychisme sur le corps) abordant enfin les voies de rémission de très graves maladies comme certaines pathologies cardio-vasculaires, certaines pneumopathies, gastropathies, certaines régulations homéostatiques, les maladies immunitaires, les maladies liées au stress, jusqu'à l’Alzheimer.

                                     " Elle a passé la jeune fille
                                       Vive et preste comme un oiseau:
                                       A la main une fleur qui brille,
                                      A la bouche un refrain nouveau.

                                      C'est peut-être la seule au monde
                                      Dont le cœur au mien répondrait,
                                     Qui venant dans ma nuit profonde
                                     D'un seul regard l'éclaircirait!...

                                     Mais non, _ ma jeunesse est finie...
                                     Adieux doux rayon qui m'as lui, -
                                     Parfum, jeune fille, harmonie...
                                     Le bonheur passait, - il a fui ! "

                                                                        Gérard de Nerval - "Une allée du Luxembourg"
                                                                                                                             (1830-1835)
   
                                     


Le texte qui suit est légèrement antérieur aux deux autres (10 septembre 2009). Je viens de le reprendre sur une autre page pour en donner un traitement plastique d'apparence très "classique", mais en bifurcation cependant. Ce texte se trouve déjà sur la page de ce blog
Claude Peynaud - Clichés et antithèses...
http://coureur2.blogspot.fr/2015/05/cliches-et-antitheses.html

M. Abdelkhalek Moielhi - Cannes 2016
 (Tunisie 12 février 1964- France, Grasse 8 février 2024)


Le clair de lune et la poésie

Les potins de l'atelier poésie - 10 septembre 2009
      En Egypte antique la lune s'appelle IAH. L’œil de la lune tombé dans l'eau est repêché par Shou et Thot.
             Avec la mythologie gréco-romaine la question de la lune n'est pas simple. La déesse sub-olympienne Séléné est changée en astre lunaire alors qu'elle veut se précipiter du haut de son palais après avoir appris la noyade de son frère Hélios. Artémis, déesse Olympienne céleste et terrestre devient la lune dans le ciel. Sœur jumelle d'Apollon qui conduit le char solaire, Artémis (Diane chez les romains), première née des jumeaux, est témoins des souffrances de sa mère enfantant Apollon. De là la haine qu'Artémis, tout comme sa sœur Minerve, ont de l'accouplement : elles sont appelées les Vierges Blanches. Vierge implacable, Artémis partie à la chasse, est surprise nue au bain par Actéon. Furieuse elle jette de l'eau au visage d'Actéon, le transforme en cerf et le fait dévorer par ses chiens. Artémis, ou Diane, est surtout représentée comme la déesse de la chasse. La cruauté et la beauté d'Artémis sont légendaires. Depuis la personnification des mythes fondateurs, la lune est liée à l'élément aquatique : en 1882 Guy de Maupassant écrit "berge baignée de lune". La confusion entre les Dieux majeurs de l'Olympe et les divinités sub-olympiennes est permanente chez les poètes et même chez bon nombre d'auteurs en général. IAH, Diane, Artémis ou Séléné, la lune éclaire nos nuits.
                Le Moyen Âge oriental utilise la lune en symbole du pouvoir. Le Moyen Âge occidental encore héritier de la culture gauloise et se constituant sur les ruines de l'antiquité créé un terrain propice à l'éclosion du "merveilleux médiéval" construisant son propre Olympe, ses légendes, ses scènes maléfiques et diaboliques qui forment la culture populaire  que l'oeuvre de George Sand (1804-1876) a si brillamment fait remonter jusqu'à nous (romans champêtres et Légendes rustiques). Une culture fantastique des nuits de pleine lune ou de demi-lunes d'avant l'oedipe : Oedipe se crève les yeux et Antigone est emmurée...chez les Grecs plus de lumière, plus de vie...La poésie de Sapho (née vers 630 avant J.C.) sait vivre au claire de lune et les Romantiques puiseront à ses bains de jouissance où la chasteté de Diane est oubliée derrière les passions de la poétesse grecque inspirée par Séléné.
                    Par la mystique des nuits qui remonte au XVI° siècle - dont l'iconographie absorbe la peinture d'atmosphère vénitienne et le sfumato de Léonard jusqu'aux éclairages de Claude Gelée dit Le Lorrain (1600-1682) et qui s'implante surtout en Europe au XVII° siècle - l'illumination des nuits ne se conçoit pas par d'autres lumières que par celles intérieures (Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, Gréco), par des lumières irréelles différentes de celles des sources peintes qui peuvent rester aveugles ou obscures (Caravage), par des combinaisons de sources (Rembrandt) ou d'éclairages directs de chandelles, de faisceaux, jusqu'à la divinisation, jusqu'au cheminement vers l'irréel ou le surnaturel (Gréco, La Tour, Champaigne). La combinaison des éclairages de la nuit en valeurs substitutives de Juliette à la lune apparue dans un ébrasement éclairé sur un balcon aux aurores (scène II, acte 1 de Romeo et Juliette - W.Shakespeare 1595)  s'inscrit plus dans ce montage sélectif et spirituel des éclairages  que dans une vision du XIX° s. dont le romantisme s'inspire encore toutefois sans réserve.
                        En remontant aux sources du Romantisme nous lisons au sujet d'Edward Young (poète anglais 1683-1765) "Ce n'est peut-être pas lui qui a introduit le claire de lune mais il y a largement contribué". En 1720 Antoine Watteau dans son tableau Les Comédiens peint la lune masquée par les feuillages en arrière plan d'une scène éclairée par un flambeau qui fait scintiller le satin des costumes. La lune entre dans une phase anecdotique sublimée par les inventions de Joseph Vernet (1714-1789) héritant du Lorrain, avec les reconstitutions de marines nocturnes (1769 et 1771) qui reprennent le schéma de Rembrandt avec un feu (foyer secondaire) mais avec la lune cette fois-ci clairement peinte en principal éclairage du tableau. Ces réalisations sont impossibles in situ et nécessitent de prodigieuses techniques d'artiste chevronné, et pourtant Van Gogh (1853-1890) en couronnant son chapeau de bougies allumées peindra un siècle plus tard ses fameuses nuits étoilées sur le sujet. Le manifeste Futuriste de Filippo-Tommaso Marinetti (1876-1944) s'intitulera  Tuons le claire de lune , remplaçant l'astre par la lampe électrique d'une usine (1909) et le XX° s. fait entrer l'esthétique néon dans son champ des valeurs plastiques après l'introduction par Jean Lurçat des couleurs et des taches irisées enchevêtrées à partir de projets seulement chiffrés : l'art optique de Vasarely fait le lien et les artistes de la figuration libre aimeront ces valeurs "kitch" bombées, graphismes et tags largement préparés par Gaudi, Miro et Léger, aux codes permettant des reproductions à l'infini, croyant les avoir inventées, aux côtés de l'héritage de l'écriture scandée des Cubistes appelant ça "Brake"...signes et peintures déguisées sur le mur vampirisé au clair de lune !

                 Ludwig Van Beethoven, le musicien sourd (1770-1827), compose sa Sonate au clair de lune n°14 pour piano pour rendre visible la beauté du clair de lune à une pauvre aveugle. Un peu plus tard Jean Debureau (1796-1846) sur les bases de la Comedia del Arte, est le protagoniste de la célèbre chanson "Au clair de la lune mon ami Pierrot, prête moi ta plume pour écrire un mot".
                  Si Alfred de Musset (1810-1857) joue comme un enfant avec sa Ballade à la lune, le "clair de lune" de Victor Hugo publié en 1829 dans Les Orientales, quant à lui, n'est pas celui des amants au clair de lune mais une allusion à un supplice oriental infligé par les Turcs aux Grecs révoltés : les condamnés à mort étaient enfermés vivants dans des sacs et jetés à la mer. Le clair de lune d'Edouard Manet (1832-1883) n'est pas plus réjouissant que celui des chansons d'Aristide Bruand (1851-1925) : la "lune blanche et fatidique" jette sa lumière froide dans un port enneigé où des (pauvres) gens s'amassent dans le froid.

                     Artémis veille toujours...et Paul Verlaine, le poète saturnien, d'écrire son Clair de lune universel

                         Votre âme est un paysage choisi
                         Que vont charmant masques et bergamasques
                         Jouant du luth et dansant quasi
                         Tristes sous leurs déguisements fantasques.

                         Tout en chantant sur le mode mineur
                         L'amour vainqueur et la vie opportune
                         Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
                         Et leur chanson se mêle au clair de lune.

                         Au calme claire de lune triste et beau,
                         Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
                         Et sangloter d'extase les jets d'eau,
                         Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.

                                                             Paul Verlaine - Fêtes galantes - 1869
Lune d'Hiver - Montages sur bois polychromes et végétaux - 2013 - collection particulière

Aigle - Marbre de Carrare - Sally Ducrow 2006 - Collection particulière

Les oiseaux et la poésie
Sommes-nous toujours concernés par l'iconostase ?

Les potins de l'atelier Poésie - Jeudi 15 octobre 2009


   Sur les murs des église romanes (XII° s.) deux colombes - l'une buvant, l'autre s'abstenant - font la parabole des vices et des vertus tandis que l'art poétique courtois des provençaux de langue d'Oc nous fournissent à l'occasion d'une Pastourelle du jongleur Macabru (1129-1150 environ) un bel exemple de ce qu'est le jardin médiéval seigneurial "A la fontaine du verger,...en un décor de blanches fleurs...je me flattais que les oiseaux lui faisaient joie..." : en préambule au siècle suivant du Roman de la Rose débuté vers 1230 par Guillaume de Lorris, continué par Jean de Mung vers 1269. Au XV° s. le chant de Charles d'Orléans dans l'hiver de l'exil "Il n'y a ni arbre ni oiseau qu'en son jargon ne chante ou crie" répond sur le ton de la douleur au jardin silencieux. L'oiseau volant c'est la colombe de l'Esprit-Saint alors que les ailes se déploient aux dos des anges, des archanges et des démons. Saint François (1182-1226) fait un sermon aux êtres inférieurs, à terre, aux oiseaux de toutes sortes - qui l'attendaient - et Giotto représentant la scène dans son cycle à Assise (1290). L'oiseau sur le blason est de profil et parfois bicéphale. Au Palais des Papes à Avignon, sur les décors muraux de la Chambre du Cerf (1343) les oiseaux sont les ornements colorés des feuillages qui entourent le vivier. De retour au XV° siècle  Les très riches heures du duc de Berry sont ornées de diables volants et de faucons tenus en laisse par de gentils cavaliers et cavalières et les rinceaux des enluminures peuvent, ailleurs, être habités d'oiseaux perchés avant que les putti de la Renaissance au Palais des Doges de Venise ne les délogent de leurs balançoires végétales plus tard figées dans la pierre. "Plus becquetées d'oiseaux que dès à coudre" déplore François Villon (vers 1431-1463?) sur les pendus de sa ballade. Ces corbeaux qui hantent les charniers sont ceux qu'on retrouve en vol rasant sur les Champs de blé de Vincent Van-Gogh (1890) avant qu'ils ne tourmentent la Psychose d'Alfred Hitchcock (1960). L'image du père protecteur par celle du pélican s'ouvrant la poitrine pour faire jaillir le sang qui va nourrir ses oisillons affamés nous vient de l'antiquité et le poète allemand Goethe (1742-1832), la reprend en commençant la genèse de son roman Les souffrances du jeune Werther (1774) "Une créature (Werther) que comme le pélican, j'ai nourri du sang de mon propre cœur". Un préfacier d'ajouter : "On sait qu'après avoir écrit Werther, Goethe se sentit libéré comme "après une confession générale" et on a pu dire que ce qui le sauva, ce fut la balle qui tua son héros...au cours de sa longue existence il rencontra plus d'une fois sa victime".
                   En 1970 Barbara compose et chante L'aigle noir. Avec cette chanson autobiographique la chanteuse règle une part de la blessure incestueuse de son père par l'apparition d'un aigle dans ses rêves. Le chant est en vers : "...je m'étais endormie...Quand soudain...Surgit l'aigle noir...A son front, brillant de mille feux, L'oiseau couronné Portait un diamant bleu...De son bec , il a touché ma joue, Dans ma main, il a glissé son cou...Surgissant du passé Il m'était revenu...". Et au hasard de la poésie médiévale, au XX° chant du "Paradis" de la Divine comédie de Dante (1265-1321) intitulé "Ciel de Jupiter", nous lisons "...Il me sembla entendre un murmure de rivière...Et de même qu'on prend sa forme au col de la cithare, de même qu'au trou du chalumeau un vent pénètre, ainsi, dissipant toute attente, ce murmure de l'aigle se mit à monter le long du cou comme s'il était creux. Là il se fit voix, puis il sortit à travers le bec en forme de paroles qu'attendait mon cœur, où je les écrivis...car des feux qui forment ma figure, ceux dont l’œil scintille dans ma tête ...Celui qui brille au milieu comme pupille fut le chantre de l'Esprit Saint...celui qui est le plus proche du bec consola la veuve pour son fils...". Nous pouvons bien sûr  y aller de toutes les sources d'inspiration de Barbara transposant son vécu traumatique en paroles de sa chanson par les vers ré-élaborés du poète, par son chant intérieur, mais alors pourquoi avoir chanté l'autobiographie de son vécu - pléonasme s'il en est - à travers du déjà littérairement vécu, écrit par Dante, en plus, au risque d'être reconnue dans un auteur aussi célèbre que le poète florentin ? Et cela changerait-il quelque chose à la chose, sans amener, ou en amenant [la solution est la même] le discours sur l'ignorance du texte de Dante par Barbara qui aurait retrouvé en elle des schémas psychiques de son traumatisme déjà culturellement codifiés ou re-formulés par la poésie médiévale à partir de sources probables , ou comparables, dans la poésie dramatique antique (Sophocle). Nos traumatismes ont-ils déjà - avant qu'ils n'apparaissent, qu'ils ne surgissent en nous ou dans le réel de notre vie, exposés ou cachés - une origine ancienne culturellement identifiable, ou symbolisée, qui ferait de nous des sortes de mémoires "de la faute" dont le verbe, l'image, s'empareraient et qui expieraient une faute universelle en la réalisant, en la reproduisant, en la fantasmant comme un interdit utile à la construction sociale ? A travers l'interdit de l'inceste George Sand est l'auteur occidental qui transgresse le code avant sa normalisation psychanalytique par Sigmund Freud (Totem et Tabou - 1913) puisque François le Champi (1850), à la fois titre et héros, enfant orphelin adopté devenu frère protecteur de l'enfant légitime du même âge, épouse la mère victime qui détruit le père, offrant comme présent de richesse retrouvée un heureux dénouement au drame qui avait détruit en même temps le bien d'héritage. Ces  drames enfouis sont-ils plus sombres ou plus heureux [sources de plaisir(s), de quel(s) plaisir(s)?], plus vrais, plus essentiels que l'apparence lumineuse de nos malheurs dans le réel ayant pris forme ? Et qui se répètent, et qui se répètent...et qui nous construisent et nous détruisent...la parole est-elle toujours au poète?

                  Le poète est à l'aise dans les airs, il l'est moins sur terre : à la demande de Mademoiselle Annie L., L'Albatros de Charles Baudelaire.

                             "Souvent pour s'amuser, les hommes d'équipage
                               Prennent l'albatros, vaste oiseau des mers,
                               Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
                               Le navire glissant sur les gouffres amers.

                               A-peine les ont ils déposés sur les planches
                               Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
                               Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
                               Comme des avirons traîner à côté d'eux.

                               Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
                               Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
                               L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
                               L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

                              Le poète est semblable au prince des nuées
                              Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
                              Exilé sur le sol au milieu des huées,
                              Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

 Les fleurs du mal 1859.




MELANIE KLEIN - PSYCHANALYSE ET POESIE
une exploration

Les potins de l'atelier poésie - 3 décembre 2009


   Nous ne sommes pas obligés d'adhérer aux courants qui ont fait collaborer le poète et le psychanalyste, en célèbres exemples André Breton (1896-1966) et Jacques Lacan (1901-1981) par lesquels certains milieux - comprenant plus ou moins bien ces auteurs - évaluent encore de nos jours les oeuvres d'art avec un verbiage dont le pédantisme et la fatuité régaleraient Molière et la Cour, oh combien (!), mais nous pouvons les observer et à l'occasion nous en amuser, bien sur ! Les visions impérialistes de certains de ces disciples doctrinaires et déviationnistes, ne sont que trop évidentes : on sélectionne, on édifie, on exclue, on ordonne, on règne sans partage au nom de Psyché qu'on met au harem. C'est aussi vrai pour John Cage (performeur, poète 1912-1992) qui statuait de la quantité potentielle des génies créateurs au prorata des populations. Les Américains étant les plus forts le génie devait être "states"...il serait de nos jours "made in China". Hélas ! ce type d'équivalence primaire en art et en poésie, ça ne marche pas., et nous prenons pour preuve les seules petites villes de Florence et de Venise qui donnèrent au monde plus de génies en trois, quatre et cinq siècles que bien des empires en mille ans. Le colonialisme, l'impérialisme, la mondialisation c'est un autre problème.
                      Mélanie Klein - psychanalyste Britannique d'origine Autrichienne (1882-1960) - introduit le thème de la psychanalyse dans le voyage et l'exploration : Mélanie Klein, Joan Rivière, L'amour et la haine - Etude psychanalytique. Petite Bibliothèque Payot, 1973, p.130 à 135 (extraits) "...Dans l'inconscient de l'explorateur , un nouveau territoire représente une nouvelle mère. L'explorateur cherche la "terre promise", la terre où coulent le lait et le miel." Or, nous avons déjà vu que la peur de voir mourir la personne aimée conduit l'enfant à se détacher d'elle dans une certaine mesure en même temps qu'elle le pousse aussi à la recréer et à la retrouver dans ce qu'il entreprend...L'agressivité primitive de l'enfant a encouragé le désir de réparer et de bien faire , de remettre dans sa mère les choses bonnes qu'il lui a prises en fantasmes et ces désirs de faire bien se fondent dans celui, ultérieur, d'explorer car, en trouvant un nouveau pays, l'explorateur donne quelque chose au monde en général et à certaines personnes en particulier. En fait, dans sa recherche, l'explorateur exprime à la fois son agressivité et le besoin de réparer.
                 Le besoin d'explorer peut aussi ne pas s'expliquer dans une exploration réellement physique du monde, il peut s'étendre à d'autres domaines, recherche scientifique par exemple...Le désir de redécouvrir la mère des jours anciens, qui a été perdue dans la réalité ou dans les sentiments , est aussi de la plus grande importance  dans l'Art et dans les plaisirs qu'en retirent les gens qui l'apprécient...Pour illustrer...je prendrai le sonnet bien connu de Keats "En ouvrant Homère (traduit par Chapman)":
                                      Longtemps j'ai parcouru les régions dorées,
                                      et j'ai bien vu des états et des empires prospères;
                                      j'ai contourné, dans ma course, mainte île occidentale,
                                     accordée par Apollon aux poètes ses vassaux.
                                     Souvent on m'a parlé d'un vaste empire
                                     où Homère au front puissant règne sans partage,
                                     mais jamais je n'ai respiré la sérénité de son éther,
                                     avant d'avoir entendu retentir la voie hardie de Chapman.
                                      Alors je me sentis pareil au guetteur du firmament,
                                      lorsque à ses yeux surgit une planète nouvelle;
                                      ou tel le vaillant Cortez, quand ses yeux d'aigle
                                      fixaient le Pacifique -- entouré de ses hommes
                                     qui s'entreregardaient , éperdus de surprise,
                                     silencieux, sur un pic du Darien.

                Keats parle ici d'un point de vue de celui qui jouit d'une oeuvre d'art...Ainsi que je l'ai indiqué plus haut, l'exploration de l'inconscient (continent inconnu découvert par Freud) montre que les belles contrées représentent la mère aimée et que le désir d'aborder ces terres dérive de notre désir d'elle. Pour en revenir au sonnet, sans pour cela l'analyser dans le détail on peut supposer que "Homère au front puissant" qui gouverne la terre de la poésie représente le père admiré et puissant dont le fils (Keats) suit l'exemple lorsque, lui aussi, pénètre dans le pays de son désir (l'art, la beauté, en fin de compte sa mère)." (John Keats, poète Romantique Britannique 1795-1821).
                    L'exploration "Il peut s'étendre à d'autres domaines", et les possibilités qui restent toujours en suspend se réfugient aussi dans les "supposés" que Mélanie Klein avance avec beaucoup de méthode dans ses approches. Ces supposés de M.Klein peuvent être des ouvertures vers "d'autres mondes", vers "d'autres mères à aimer", et l'insertion "continent inconnu par Freud" (1856-1939) nous renvoie encore à des questions en boucle sur la propre réflexion de M.Klein (en réfléchissant sur "l'exploration" elle réfléchit aussi sur "sa propre exploration" et l'ensemble construit la position théorique) tout autant que l'exploration historique et progressive du concept d'inconscient. Par certains auteurs pionniers de la seconde moitié du XIX° s. comme Paul Bourget (1852-1935) (La masse immergée de l'inconscient) et Eduard von Hartmann (1842-1906)  (Philosophie de l'inconscient - 1869) "L'inconscient" ainsi nommé  est appréhendé (en parallèle des travaux sur l'hypnose du Dr Jean-Martin Charcot [1825-1893 - Hystérie et hypnose] et du Pr Hippolyte Bernheim [1840-1919- inventeur du concept de psychothérapie comme hypnose en état d'éveil par la suggestibilité] : les 14 articles de Freud publiés de 1886 à 1896), ou pressenti, comme quelque chose de différent de la conscience du cerveau, comme une sorte de puissance occulte - ayant son siège dans la moelle épinière - rattachée à la vie spirituelle, régissant collectivement et individuellement l'esprit des hommes jusqu'à une incidence sur le soma. Des poètes de la seconde moitié du XIX° s. se sont "approprié" ces premières tentatives d'exploration de l'inconscient, comme Alphonse Allais et sa Poésie sous hypnose (1904), comme Jules Laforgue et sa Complainte propilatoire à l'inconscient (1884) : 
                                              "Ô Loi, qui êtes par ce que Vous Êtes,
                                                Que votre nom soit la Retraite !
                                                          .......................
                                                Que votre inconsciente Volonté
                                                Sois faite dans l'éternité ! "




LE TERRRRRRRRRRRRRRRRRIble de Penne

Au hasard de la poésie sans mots : François Michaud, Le Facteur Cheval, Picassiette...

 Les potins de l'atelier Poésie - 5 novembre 2009


        Depuis le XIX° siècle la société contemporaine a eu l'intelligence de conserver les traces d'oeuvres monumentales, picturales et de personnalités particulières sous prétexte d'art brut ou d'art naïf. Pour les poètes et pour les musiciens on a aussi parfois dit "nanars"...peu importe!
            Un des plus anciens de ces artistes connus c'est François Michaud (1810-1890) qui peupla son village et la campagne environnante du Masgot - Creuse - de statues de granit (la seule pierre locale) qui représentent des silhouettes d'hommes célèbres, des éléments d'architectures (ordres et répertoires médiévaux) et des animaux. La campagne de François Michaud est également exceptionnelle. En la visitant nous rencontrons de vieilles routes et des constructions en pierre d'une qualité et d'une originalité rares: le département de la Creuse c'est la patrie de l'excellence des maçons qui "Limousinent", technique de maçonnerie très solide sans nucleus et à deux parements dressés, donc très résistante aux intempéries, ainsi appelée car originaire de l'ancien diocèse de Limoges sur la Province de la Haute-Marche (marche Limousine - Département de la Creuse). Le cardinal de Richelieu fit appel aux Limousins pour édifier la digue de La Rochelle et ces vaillants maçons construisirent aussi Paris et Lyon, s'expatriant l'été et retournant l'hiver dans leurs villages.
                 L'oeuvre de François Michaud s'inscrit dans cette tradition des tailleurs de pierre et de maçons marchois saisonniers des deux capitales, même si la sculpture bornant les parcelles et ornant les jardins et les maisons, voire offrant des stations pour les morts, est singulière mais purement de références culturelles peut-être puisées dans les voyages migratoires ou dans "La Gazette" (terme générique pour la presse de l'époque) à laquelle ces populations s'abonnaient parfois et dont l'illustration par des gravures et par des lithographies parfois en couleur avait débutée autour de 1850 (invention de la chromolithographie entre 1820 et 1830). Le XX° siècle formé à l'école de Jules Ferry (1832-1894) intégrera ces réalisations particulières dans le culturel - même si un peu en dehors du sillon - avec des mots qui sont d'autres "poèmes", et les plus connus, comme Le Palais Idéal du Facteur Cheval (1836-1924) à Hauterives dans la Drôme et la maison de Raymond Isidore dit Picassiette (1900-1964) à Chartres, sont maintenant des destinations touristiques. L'oeuvre plastique et poétique de Gaston Chaissac (1910-1964) est exceptionnellement passée dans la grande histoire de l'art, sous l'impulsion de Jean Dubuffet.
                La mémoire collective a moins gardé le souvenir et surtout les traces de ces personnages intelligents, sachant lire et écrire avant l'école laïque et obligatoire de Jules Ferry (loi du 28 mars 1882), auxquels on faisait appel pour rédiger une lettre ou pour régler un litige dans les villages reculés. La tradition orale, même en langue d'oc, était très vivace. Avant la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (Aristide Briand, loi du 9 décembre 1905 en remplacement du Concordat de 1801) il n'était pas non plus extraordinaire de prendre les versets de la Bible pour ramener la sage parole dans le groupe social. Dans le département du Tarn, à une quarantaine de kilomètres d'Albi, dans les montagnes de la forêt de Grésigne, au-dessus de Cordes, le petit village de Penne s'élance dans le vide sur son arête rocheuse que clôture un château en belvédère sur monts et vallées. Le site est admirable, impressionnant. Un de ses citoyens ne le fut pas moins. Alexandre Viguier vécut au XIX° s. Il se faisait lui-même appeler "Le Terrible" qu'il écrivait avec dix-sept "r". La réputation de sa sagesse et de son érudition était grande dans la région et il n'y avait pas une querelle qu'on ne fit appel à lui pour l'arbitrer et rétablir le calme. Son livre, son bréviaire, c'était la Bible qu'il consultait sur chaque sujet. Il en vint même à se présenter à des élections dans le Tarn contre Jean Jaurès : le programme biblique du Terrible de Penne n'eut aucun effet contre la montée du socialisme. Indigné, Le Terrible, qui voyait partir l'univers dans les abîmes, en vint à construire trois immenses lanternes de cent bougies chacune qu'il voulait installer sur les plus hautes montagnes de la région pour éclairer le monde. Un 6 octobre 1896, alors que le tsar Nicolas II de Russie était à Paris pour inaugurer le pont Alexandre III, Le Terrible se rendit dans la capitale lanterne en main. L'homme à l'abondante crinière un peu hérissée d'où fleurissait la guirlande d'une magnifique barbe - digne pendant du Tsar Nicolas - ne passa pas moins inaperçu que l'impérial visiteur. Le Terrible ne fut cependant pas traité avec les mêmes égards car sitôt descendu du train on le conduisit à la Préfecture de Police et on l'enferma pendant 46 jours à l'asile Sainte-Anne où on le rasa : tondu, découronné.
            L'Ecole étant devenue obligatoire et gratuite, la séparation de l'Eglise et de l'Etat allant être votée, toute la poésie de nos campagnes, qui réglait le quotidien de nos paysans sachant peu lire et peu écrire, pouvait dès lors basculer sans appel dans le champ des troubles mentaux le plus souvent appelés en responsables du désordre public qui avait déjà été réglementé par le Code Napoléonien et orienté vers l'enfermement asilaire par la loi du 30 juin 1838, beaucoup plus tard remplacée par la loi du 27 juin 1990 révisée en 2000.(la rédaction de ce texte étant antérieur aux révisions de la loi en 2011, 2013 et 2016).
                           Alexandre Viguier était une sorte d'artiste, de poète des lanternes. Comme Van Gogh et bien d'autres, il participait à la création du mythe des "artistes fous" que le XX° s. allait brandir comme les héros et les victimes d'un nouvel ordre social.


                                La civilisation, les hérétiques, c'est TErrrrrrrrrrrrrrrrrIBLE !

                        "C'est une habitude qu'à Romorantin
                          à Montélimar ou bien à Pontoise,
                          Tout bourgeois envoi'l'fils de sa bourgeoise
                          Etudier quéqu'chose au Quartier Latin,
                          Un'fois su'Boul'Mich, au papa qui pense
                          D'van la docte foul'dont son gas sera
                          Le patriotisme inspir'ce cri là:
                          "Ah! La belle jeunesse ! L'espoir de la France!"

                          Et la bell'jeunesse' s'en vient et s'en va
                          Ses représentants ont d'vingt ans à trente
                          Et tout étudi' la valeur des rentes
                          Qu'ont s'fait dans les Suifs ou les Panamas.
                          L'père les a gagnés. Eux, i'les dépensent.
                          Ainsi va le monde. Et qu'est c'que ça fait ?
                          On s'marie un'fois qu'on est sous-préfet
                          "Ah la belle jeunesse ! L'espoir de la France!"

                           Puis ça partira quelque beau matin
                           Pour se marier à quelque bourgeoise
                           Et ça s'ra bourgeois soi-même à Pontoise
                           A Montélimar ou Romorantin.
                           Ca f'ra des discours sur la tempérance
                           Et ça jugera comme Père la Pudeur
                           Les infraticides et affair' de mœurs
                           "Ah la belle jeunesse ! L'espoir de la France!"     

                                                     Gaston Couté, chansonnier et poète français (1880-1911) La Belle Jeunesse (extraits)




EDUCATION ET POESIE
Les potins de l'atelier Poésie - 4 mars 2010

"Après avoir donné au petit Antoine tout ce qu'il a voulu, je lui ai demandé une boucle de ses cheveux, lui offrant une des miennes. Il m'a regardé un peu surpris : "Non m'a-t-il dit, les miennes sont plus jolies".Il avait raison : des cheveux de trente ans sont bien laids auprès des boucles blondes. Ils sont doux les baisers d'enfant! 
Il me semble qu'un lis s'est posé sur ma joue"
Ces lignes magnifiques du Journal d'Eugénie Guérin (1805-1848) furent publiés dans un manuel scolaire du "cours moyen" composé en 1890 par l'abbé Ragon pour servir la toute nouvelle école de la Troisième République.
             Dans la culture moderne française la pédagogie laïque existe au moins depuis Rabelais et l'éducation de Gargantua. Une littérature sélectionnée et répondant aux objectifs éducatifs des tout nouveaux pédagogues de la République fleurit après la création de l'Ecole Laïque, obligatoire et gratuite de Jules Ferry (loi du 18 mars 1882). Cette littérature est confectionnée par les gens instruits de l'époque, tous formés à l'école payante ou par des précepteurs privés issus de la petite et moyenne bourgeoisie fortement teintée par les ambiances cléricales et aristocratiques. Ces classes instruites, dominantes, vont un temps continuer à véhiculer leurs valeurs par le vecteur de l'école pour tous. Les classes populaires, pauvres, ouvrières et paysannes, n'ont d'autre choix que d'assimiler la culture des classes lettrées dominantes ; la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat mettant un terme de principe aux contenus d'influence séminariste.
                    La naissance de l'école laïque, gratuite et obligatoire pour tous, a entraîné l'émergence de nouveaux concepts comme la fameuse  "culture populaire"  à laquelle George Sand (née Aurore Dupin de Francueil, Baronne Dudevant, descendente des Rois de Pologne et du Maréchal de Saxe) répondait déjà au milieu du XIX° siècle avec son roman champêtre Les Maîtres Sonneurs démontrant que le génie créatif est toujours l'émanation d'une élite quand bien-même cette élite serait issue du peuple inculte. George Sand puisait ses sources pédagogiques dans l'oeuvre de Jean-Jacques Rousseau dont elle était une émule. Emile ou de l'éducation (1762) est donc la grande nouveauté par laquelle le monopole éducatif du précepteur lettré issu des classes dominantes est contesté plus d'un siècle avant l'école de Jules Ferry. Cette émergence d'une pédagogie laïque et bucolique, à plusieurs axes, et redistribuée dans le peuple, est parallèle à la naissance de la muséographie - c'est-à-dire la mise à disposition des regards de tous du patrimoine national - qui naît en réaction aux importantes destructions révolutionnaires dilapidant les valeurs monarchiques. Après la Révolution de 1789, qui avait aboli les privilèges, entrent en concurrence une prise de conscience de l'existence d'un héritage historique propriété de la nation républicaine - L'année 1793 est significative puisque deux institutions muséographiques voient le jour : le Jardin Royal devient le Muséum d'Histoire Naturelle et un décret institue à Versailles un Muséum central des arts de l'école française suivi de 1796 à 1807 d'un afflux au Louvre d'oeuvres d'art européennes qui seront en grande partie rendues à leurs pays d'origine après 1815 - et tentatives de maintien de cet héritage sous contrôle par la monarchie essayant de ressouder des valeurs visibles de sa légitimité. C'est le grand succès des arts néo-romans et néo-gothiques entraînés par le mouvement Romantique. Après la chute de Napoléon 1° en 1815 le roi Louis XVIII créé une galerie d'art contemporain mais c'est son successeur le roi Charles X qui fonde en 1827 un premier musée du Louvre. En 1830 Louis Philippe devient roi des Français jusqu'à la Révolution de 1848. Après que Versailles eut échappé à la charrue que le Conventionnel Huguet voulait faire passer sur le domaine royal pour rayer définitivement de l'histoire de France le souvenir de la Monarchie, Louis Philippe redonne vie au château en le consacrant "A toutes les gloires de la France" (1833-1837). Le comte de Montalivet, dans ses souvenir publiés en 1900, évoque l'oeuvre de muséographie absolument déterminante du roi Louis Philippe  qui entreprit la conservation nationale de 4000 tableaux et d'un millier de sculptures. De son côté l'archéologue Alexandre Lenoir (1761-1837) créait un musée des monuments français. La paysannerie - loin des allégories médiévales des saisons et des fêtes villageoises du nord de l'Europe - qui avait fait une apparition dans la peinture académique des frères Le Nain au XVII° s. et avec Jean-Baptiste Greuze à la fin du XVIII° s. entre résolument dans le patrimoine culturel populaire et national du XIX° s. après que la reine Marie-Antoinette eut lancé la mode bucolique avec le Hameau de la Reine (1783) succédant à une mode des laiteries elles mêmes issues d'une mode des casins sorte de survivance des habitudes de vie de l'aristocratie gallo-romaine. C'est-à-dire qu'après les romans champêtres de George Sand et la conquête du pleinairisme en peinture à partir de Jean-Baptiste Corot (1796-1875) et l'oeuvre peint paysan de Jean-François Millet (814-1862), la représentation d'une véritable paysannerie ouvrière et culturelle gagne du terrain et ce sont Les mangeurs de pommes de terre de Van Gogh (1885) et La terre de Zola (1887) alors que Victor Hugo avait pris la défense du bas peuple (Les misérables - 1845-1862) et lancé avec Lamartine les premiers combats contre la peine de mort (Claude Gueux, 1834). Peu avant 1850 les premières images publiées de paysans représentaient des Bretons alors que la première bande dessinée mettait en scène une paysanne Bretonne ouvrière au service de la bourgeoisie : Bécassine (1905) qui fut suivie en 1907 par une autre bande dessinée dont les héros étaient trois ouvriers, ivrognes et facétieux, Les Pieds Nickelés
           Après la bataille d'Hernanie  (V.Hugo 1830) une école Réaliste s'impose au milieu du XIX° s. avec Gustave Courbet (1819-1877) et en littérature Emile Zola (1840-1902) devient le maître du Naturalisme qui scandalise la bourgeoisie : Gervaise la blanchisseuse des faubourgs, va visiter le musée du Louvre le jour de ses noces (1877). En pleine conquête du Réalisme et du Naturalisme Charles Baudelaire (1821-1867), initiateur du Symbolisme, introduit le sordide dans le panorama littéraire et la poésie en prose. Honoré de Balzac (1799-1850) rédige sa Comédie Humaine et Gustave Flaubert (1821-1880) invente le premier bêtisier de l'histoire de l'élite lettrée (Bouvard et Pécuchet commencé en 1874). La philosophie de Karl Marx (1818-1883) avance. En 1861 la Russie abolit l'esclavage. 
           L'héritage culturel qui se profile au XIX° s. en perspective constructiviste du XX° s.  pour servir l'éducation des enfants de la toute nouvelle école de Jules Ferry n'est donc pas celui édulcoré des classes dominantes enseignantes - même si les instituteurs sont pauvres (Le Grand Meaulnes d'Alain Fournier - 1913) - mais bien au contraire celui qui le conteste. Le climat est particulier et l'oeuvre de Joris-Karl Huysmans n'est toujours pas entré dans les programmes scolaires alors que le roman psychologique déjà ancien, puisque Le page disgracié de Tristan L'Hermite (1643) est déjà classé dans le genre par les bibliographes modernes, connaît un regain de faveur et qu'il entre dans la chrestomathie française d'Henri Sensine (autour des années 1900) par l'oeuvre aujourd'hui bien oubliée de Paul Bourget.

Une poule sur un mur                       J'ai du bon tabac dans ma tabatière      Ainsi font font
Qui picote du pain dur                      J'ai du bon tabac                                   Les petites marionettes
Picoti, picota,                                    Tu n'en n'auras pas...                            Ainsi font, font,
Trois petits tours et puis s'en va...                                                                  Trois petits tours
                                                                                                                        Et puis s'en vont.



ANDRE CHENIER
La confusion des mots et le poète décapité
Le poète de l'Académie Française

Les potins de l'atelier Poésie - 29 octobre 2009 


    Les sociétés occidentales sont remarquables par leurs productions artistiques issues du monde antique relayé par les sociétés médiévales, l'enrichissant d'un fond païen important et fantastique dont la synthèse ne peut être encore forclose : le succès planétaire d'Harry Potter. Elles le sont aussi dans le débat et les courants, par le grand nombre qu'elles offrent en "génies décapités", insultés, méprisés jusqu'à l'excès, ou anonymes de leur vivant et devenus immenses après leur  mort. 
       "En décapitant Lavoisier, la Révolution savait qu'elle sacrifiait un très grand savant/Elle ne savait pas qu'André Chénier fut un grand poète". Voici mis au même banc le scientifique et le poète sous la plume de Charles Maurras qui fut un immortel de l'Académie Française. Ces immortels meurent aussi plus fréquemment qu'ils ne survivent. Dans ce monde des illusions il nous reste, aussi, parfois, des pages magnifiques par les idées, par l'écriture, par la forme. Rendons hommage à Charles Maurras pout avoir écrit des lignes dans son ouvrage Poésie et Vérité publié en  1943 [sous l'occupation allemande] qui célébrèrent le génie français et surtout celui qui fut victime de la société à qui il laissa pourtant un si fabuleux héritage : André Chénier et le renouveau du rythme poétique pour deux cents ans au moins, le retour à l'antiquité et à Virgile jusqu'à l'introduction du prosaïsme, de la lettre, de l'interjection. Le XX° siècle a beaucoup culturellement vécu sur l'antiquité, Surréalismes en trompe l’œil, sur-tout. 
                   Dans la culture française, le XVIII° est le siècle de la suite du triomphe de Versailles (installation de la cour à Versailles en 1682), de la Régence (1715-1723), des grands philosophes, de l'émergence du Roman Picaresque (Gil Blas - Lesage 1715-735 ) naissance du roman depuis Mme de la Fayette [Princesse de Clèves - 1678, puis Abbé Prévost avec Manon Lescaut - 1731], du naufrage de la poésie jusqu'à André Chénier (1762-1794), véritable incarnation du sursaut du génie français et de ses fantastiques ressources. Au XVIII° s. le théâtre tout autant que la peinture, que la sculpture, que l'architecture, continuent leurs extraordinaires trajectoires mais voilà que la découverte de Pompéi et d'Herculanum (autour de 1748) relancent la mode antique introduisant le goût pour les ruines diffusé par les gravures de Piranèse (1720-1778), pour l'histoire antique [et David de créé la "Grande peinture d'Histoire" à partir de son tableau La mort de Socrate (1787) également gravé] aussitôt revivifié au début du XIX° siècle par les campagnes d'Egype de Napoléon 1°, l'introduction en France du jardin à l'anglaise par Nicolas Michot (1707-1790), avec ses fabriques antiques et de ruines, et l'hégémonie du Romantisme (introduit en France en 1804 par Le génie du Christianisme de Châteaubriand) contesté par le Parnasse (début 1866). Et, si le Parnasse est une réaction contre le Romantisme, les uns et les autres puisent chez André Chénier tout comme le feront  - parfois sans en avoir clairement conscience - l'essentiel des grands poètes qui se succéderont jusqu'à nos jours. Et c'est la encore le grand mérite de Charles Maurras  qui, avec une science accomplie de l'histoire littéraire, de la langue et de la poésie, nous expose les emprunts de tous ces immenses écrivains à leur illustre prédécesseur décapité sur une confusion des mots et la bêtise infinie des "Sans-Culotte".
                         Ce poète André Chénier nourri d'éditions et de nouvelles éditions de l'Anthologie (des poètes grecs premièrement publiés en 1499), se croyait fils d'une grecque. Fils et petit-fils d'une famille poitevine émigrée depuis deux générations à Carcassonne, les de Chénier s'étaient mariés à des filles de la région. André Chénier vint à Paris et rencontra la Révolution. Créant la "Déesse France" : "...Salut, déesse France; idole de mon âme..." Chénier resta monarchiste. Alors que le roi allait être chassé des Tuileries (1792), le poète clamait haut et fort au nom de la liberté "Une nation dont le premier magistrat, le chef suprême du pouvoir exécutif, le représentant héréditaire, celle qu'elle a nommé son roi, peut rester en but à de pareils outrages, est une nation qui n'a évidemment point de gouvernement et par conséquent point de liberté". Cet immense génie littéraire épris de liberté et de patriotisme fut décapité par "d'ignares Sans-Culotte" sur la confusion entre "maison d'à côté" et maison d'une famille " Coté". Sainte-Beuve (écrivain de l'Académie Française) nous résume la haute tenue de ce procès et l'objet de la condamnation : "Le commissaire interrogateur prenant la maison d'à coté pour la maison d'un propriétaire appelé Coté, et résonnant et se fâchant en vertu de cette ânerie ; car ils étaient de cette force là, pour la plupart, ces pourvoyeurs de l'échafaud ".
                       Pour présenter l'héritage d'André Chénier réemployons des sédiments utilisés par Charles Maurras et terminons par un choix de vers d'André Chénier sélectionnés par un troisième membre de l'Académie Française : José Marie de Hérédia (poète du Parnasse).  

Charles Baudelaire
"Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses"
                                                Paul Verlaine
                                                  "La pâme Sélénée qui venge les amies"
                                                                          Arthur Rimbaud
                                                                             "O grande Ariadnée qui jette tes sanglots
                                                                               Sur la rive, et voyant fuir là-bas sur les flots,
                                                                               Blanche sous le soleil, la voile de Thésée
                                                                               O douce enfant qu'un nuit à brisée
                                                                               Tais-toi...
                                                                               La source pleure au loin dans une longue extase
                                                                               C'est la nymphe qui rêve un coude sous son vase
                                                                               Au beau jeune homme que son onde a pressé
                                                Alphonse de Lamartine
                                                      " C'est le vaisseau sacré, l'heureuse théorie...
                                                         ...Et le dos appuyé sur la porte de bronze..."
                Charles Mauras de poursuivre "Ce jugement est applicable à tout ce qui fut écris en vers, de l'Après-midi d'un Faune de Mallarmé à la Jeune Parque de Valéry, sans parler de l'Aréthuse d'Henri de Régnier...Moréas s'est prévalu avec amitié de "Ce charmant Chénier dont deux fois je m'honore"
                                        Pour José Maria de Hérédia, poète du Parnasse, Académicien, seuls les vers d'André Chénier comptent :
                                                          "Diamant ceint d'azur, Paros, oeil de la Grèce,
                                                                         De l'ondée Egée astre éclatant
                                                           Dans ses flancs où nature est sans cesse à l'ouvrage/
                                                                         Fils d'Archil(oque), fier A(ndré)
                                                              Ne détends pas ton arc, fléau de l'imposture,
                                                                         Que les passants pleins de tes vers,
                                                                Les siècles, l'avenir, que toute la nature
                                                                         Crie à l'aspect de ces pervers :
                                                             Hou ! Les vil scélérats ! Les monstres, les infâmes!...
   

LE CONFLIT ET LA POESIE
Les potins de l'atelier Poésie - 13 août 2009


               "Qu'est-ce qu'il faut au poète ? Est-ce une nature brute ou cultivée, paisible ou troublée ? Préférera-t-il la beauté d'un jour pur et serein à l'horreur d'une nuit obscure ?...Préférera-t-il le spectacle de la mère tranquille à celui des flots agités...
                            La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage.
                    Quand verra-t-on naître des poètes ? Ce sera après les temps de désastres et de grands malheurs, lorsque les peuples harassés commenceront à respirer...
                            Le génie est de tous les temps ..."
 Ainsi s'exprime le philosophe Denis Diderot (1713-1784) dans ses Discours sur la poésie dramatique de 1758. Le XVIII° s. est le siècle où la poésie flétrit en France. Ce siècle n'est pourtant pas vierge de grands conflits armés et de luttes sociales sanglantes dont l'aboutissement est la Révolution Française abolissant les deux grands principaux privilèges féodaux : le droit de justice et le droit d'impôts. La République est proclamée et seul l'Etat peut désormais rendre justice et percevoir l'impôt. Aucun citoyen ne peut rendre la justice lui-même ou faire payer ses impôts par un autre : les citoyens sont égaux entre eux même dans le don du sang pour défendre la République (fondement du Service National), dans l'appel direct à ses plus hauts dignitaires lorsque la base est défaillante. Sans l'observance scrupuleuse de ces principes très simples il n'y a plus de République et tout contrevenant est un traître à la République entraînant en germe des dérives graves et des conflits à plus ou moins long terme. Autour de la Révolution Française apparaît enfin un grand poète au XVIII° s. : André Chénier guillotiné en 1794.
   La réflexion de Diderot face à l'histoire est-elle suffisamment objective, clairvoyante, visionnaire, même si le philosophe limite son propos à la poésie dramatique? L'idée du drame est-elle liée aux conflits entre grandes puissances, aux rivalités intestines qui minent les sociétés et les font refleurir, ou le drame est-il simplement intérieur au poète, à l'artiste ? Quel clivage s'installe entre le poète, l'artiste, et le monde dans lequel il vit, dans lequel il est contraint de vivre ? Comme nous tous...
    Lorsqu'en 1990 la guerre du Golf était en passe d'être déclarée beaucoup de radios ont diffusé toute la journée les poèmes de paix que nous avions perdu l'habitude d'entendre. Jean-Marc Steinberg, Daniel Gelin, Georges Brassens, Léo Ferré, Mouloudji, Jean Ferrat, Juliette Gréco, Barbara, redevenaient les Michaël Jackson dont nous avions besoin. Une fois le vif du conflit armé passé la chansonnette reprit ses droits sur les ondes. Cette chansonnette chère au XVIII° s. inséparable des fêtes galantes qui furent une de grandes sources d'inspiration de Paul Verlaine (Romances sans parole et Fêtes Galantes).  
   Au XIX° s. le conflit social en France est permanent. En Europe, le matérialisme historique et le Capital jettent les bases de la Révolution Russe de 1917. Les Arts Sociaux s'épanouissent juste avant  le premier conflit mondial de 1914-1918 où tant d'artistes et de pauvres bougres seront tués et blessés, connus ou ignorés.
    Charles Baudelaire (1821-1867) - le premier - conteste toute censure, tout droit de licence juridique ou politique , annonçant mai 68 et ses versions poétiques Hara Kiri, les années 1980-2000 avec le Hip Hop et le slam. Le combat est au cœur de l'acte poétique, au cœur de l'action artistique, mais ce combat qui anéantit les artistes amène les peuples vers le progrès, vers leur propre dépassement : le sens de l'histoire et l'histoire elle même retiennent leurs noms en un immense épitaphe d'honneur auréolant la face des nations quelque fut l'appréciation et l'estime illusoires de leurs contemporains. Quelles dépouilles cherche-t-on pour déposer au Panthéon, hormis celles des grands génies et artistes de notre culture, des valeureux soldats conquérants de notre liberté et de nos droits égalitaires, quitte à les déplacer après leur mort pour occuper les vides trop criants d'une Nation qui serait restée sans gloires ou qui n'aurait eu qu'ingratitude, injustice ou bêtise de leur vivant ?
       Le XX° s. est le siècle de l'arrivée à maturité d'une nouvelle forme de réflexion, de conscience, de pensée : la psychanalyse avec ses excès dramatiquement dramatiques et ses éclairages subtiles. Joan Rivière (1883-1962), écrit en 1937 dans L'amour et la haine (Co-écrit avec Mélanie Klein 1882-1960) "J'aimerais rappeler ici le but, ou si vous préférez le principe de nécessité inconscient à l'oeuvre derrière tous ces différents modes de réaction et de comportement, derrière les adaptations et accommodements que je décris. Le but est de venir à bout de nos sentiments dangereux et destructeurs, de les faire disparaître, de façon à obtenir dans la vie le maximum de sécurité et également de plaisir".

                          Paul Verlaine (1844-1896) "Chanson d'automne" - Poèmes Saturniens (1866)
                "Les sanglot longs                               Les trois premiers vers de ce poème sont ceux qui
                  Des violons                                    annoncèrent le débarquement en Normandie. Ces vers
                  De l'automne                                               par la BBC le 4 juin 1944 à 23 heures 
                  Blessent mon cœur                           préviennent la Résistance Française de l'imminente
                  D'une langueur                                  intervention des troupes alliées sur le sol Français.
                  Monotone.
           
                  Tout suffoquant                                 Les quarante réseaux de résistants présents sur le sol
                  Et blême, quand                                   de Normandie se mobilisent et organisent le plan
                  Sonne l'heure,                                  "Violet" destiné à saboter les communications nazies.
                  Je me souviens 
                  Des jours anciens
                  Et je pleure.                                       Les trois derniers vers  de la première strophe sont
                                                                                   diffusés le lendemain 5 juin à 20 heures sur
                  Et je m'en vais                                      Radio Londres et donnent l'ordre de mobilisation
                  Au vent mauvais                                      générale de tous les réseaux pour un passage 
                  Qui m'emporte                                                          immédiat à l'offensive. 
                  Deçà, delà                                                                 La Paix fut à ce prix
                  Pareil à la
                  Feuille morte.


LA COULEUR, LES MOTS ET LA POESIE

Les potins de l'atelier Poésie - 28 janvier 2010


   Les artistes érudits du XIX° s. avaient repéré et écrit que les couleurs n'existaient pas dans la langue d'Homère. Est-ce à dire que l'antiquité grecque était en noir et blanc ? La polychromie architecturale de la Grèce est une découverte des érudits-architectes français du XIX° s. D'abord Jacques Ignace Hittorff qui en est le pionnier avec trois articles sur la polychromie des temples grecs.(1830,35 et 51) et Charles Garnier qui expose le sujet en 1852 devant l'Académie (fondation de l'école française d'Athènes en 1846). La mode de l'architecture polychrome est relancée dans les milieux parisiens et les arts sociaux s'en emparent dans "L'art de décorer nos maisons" (contemporain d'Art Nouveau et un peu au-delà, grosso modo 1899-1910). Les répertoires ornemanistes fleurissent au XIX° siècle, relayés par l'explosion de la presse colorée, et il n'est plus de projet architectural sans couleur. Cette situation - bien que s'étiolant - dure jusque dans les années 1950. Alors que la publicité peinte sur les murs devenait "La lèpre des routes", jusqu'à son arrêt brutal en 1964, le retour aux décors peints architecturaux extérieurs fut essentiellement un effet du mouvement muraliste français amorcé par Roger Bissière (1886-1964) et apporté dans les édifices publics par Fernand Léger et Marc Chagall, dans les stations d'hiver du sud-ouest des Alpes par Jean Cassarini, dans les rues de Paris par François Morellet, dans les cités et dans les villes de la Côte d'Azur par Fabio Rieti et dans l'architecture de luxe par Victor Vasarely. Antoni Gaudi et Joan Miro faisant remonter la tradition polychrome Mudéjar de la peinture Ibérique dans l'art contemporain, le mouvement de la Figuration Libre/Hip Hop, les D.R.A.C., les C.A.U.E. des départements et les architectes des Bâtiments de France.
       La Côte d'Azur, dont le concept est une création du poète Stéphen Liegeard en 1888, se construisit massivement à partir des importantes dotations de Napoléon III après le rattachement du comté de Nice à la France en 1860. A de rares exceptions près comme celle de S.M.Biasini (1841-1913), architecte niçois de formation parisienne, les architectures qui se construisent sur la Côte d'Azur furent des projets parisiens et tout ce qu'on voit de frises et autres ornements colorés et sculptés sur les immeubles et les villas, de Hyères à Menton, , est purement une veine parisienne (de luxe) qui se rencontre à l'identique jusque dans la périphérie du château de Maison-Lafitte en région parisienne. Sur la Côte d'Azur l'architecture polychrome de vecteur italien est tout simplement un mythe largement inventé et diffusé à partir des années 1990 pour supplanter un manque d'information historique sur le sujet (tout comme lors des rénovations de Lyon) alors que les investissements et rénovations allaient bon train, drainant des volumes d'argent public et privé assez considérables.   
               Les vecteurs polychromes de l'architecture parisienne sur la Côte d'Azur ne sont pas nouveaux et ne datent pas tous de la découverte de l'architecture polychrome antique. Sous Louis XIV les luxueuses architectures polychromes; dont le grand modèle est sans doute Marly, s'expriment de façon étonnante à la cour de Monaco où on fait appel de préférence aux architectes parisiens. Le très brillant Prince Antoine 1° (1661-1731) élevé à la cour de Louis XIV mais ayant exclusivement vécu à Monaco à partir de son mariage, reçoit les plans des fortifications de Monaco des ingénieurs Français et il attache à sa propre cour un architecte Français (Latour) chargé de mettre en oeuvre , voire de reviser sous sa dictée (le Prince ayant été lui-même formé aux écoles d'architecture françaises) les plans directement commandés aux Architectes du Roi et aux plus prestigieux d'entre eux, experts dans les recours aux leurres et aux trompe-l’œil. La Place du Palais de Monaco était entièrement  polychrome et surtout peinte. Au siècle suivant, vers 1850, les princes de Monaco font rechercher des peintres façadiers pour restaurer la Cour d'Honneur du Palais. Ce n'est pas en Italie qui les découvrent mais en France et en Allemagne. Le décor peint de la Galerie d'Hercule est même une création de cette époque : il ne restait que quelques rares traces illisibles de l'ancienne polychromie de la cour, sauf sur la façade maniériste peinte à fresques par Luca Cambiaso - pour cette fois-ci un génois de la Renaissance - et étonnamment bien conservée (relevé de Philibert Florence). Le cycle d'Hercule, peint à la cire dans les lunettes de la galerie d'Hercule donnant sur la Cour d'Honneur du Palais, est ainsi une création de Carbillet artiste parisien (projets signés "Carbillet invenit", réalisés de 1863 à 1865). Les autres décors peints de cette galerie sont du monégasque Philibert Florence et le reste du programme peint de Cour d'Honneur est essentiellement l'oeuvre d'artistes Allemands, y compris pour la restauration de la façade de Luca Cambiaso (Fröeschle et Deschler).
           Par ailleurs la sphère génoise et le reste du sud-ouest des Alpes perpétuaient une tradition séculaire d'appels occasionnels aux enduits colorés, cadrans solaires peints, fausses fenêtres peintes, imitations d'appareils et de pans de bois; les figures étant plus rares.
               La tradition des couleurs en façade des édifices religieux n'est pas plus italienne que le reste. A partir de la période baroque la veine très originale dans le comté de Nice des frontispices d'églises peints s'articule autant avec la période médiévale italienne ou de l'ouest de l'Europe qu'avec des vecteurs renaissants du nord de l'Europe et les tympans peints se trouvent autant dans la vallée de l'Ubaye, qu'en Berry, qu'en Auvergne (vallée de l'Allier) ou dans le reste des pays de l'ouest de la France. Et que dire des façades sculptées et peintes de la Saintonge et du Poitou ? Restent les chapelles ouvertes et peintes qui sont une originalité du sud-ouest des Alpes mais la tradition des programmes religieux peints sur les murs gouttereaux ou de façade est celle de l'architecture religieuse présente par foyers sur l'ensemble du croissant alpin.
              Alors sur la Côte d'Azur allons-y ! Toute la couleur est italienne, tout ce qui est gris est français, ben voyons ! C'est peut-être lourd de sens, mais passons ! Ainsi les mots nous trahissent souvent quand on veut que tout soit ci ou ça : André Chénier condamné sur une confusion entre "maison d'à côté" et maison du sieur Cotté, fut guillotiné sur une interprétation des mots (Sainte-Beuve). Au regard de l'histoire et de ce que nous faisons de l'histoire, même lorsque celle-ci est extrêmement bien documentée, il y a toujours des usuriers tant des mots que de l'histoire. Mais consolons-nous et évitons une querelle stérile car dans ce XIX° siècle qui redécouvre les fondements anciens de la polychromie architecturale, jusqu'aux dolmens peints, et que le langage n'est pas nécessairement le reflet de ce que l'âme et l’œil perçoivent, pour notre bonheur à tous les poètes colorent les mots :  
                  Arthur Rimbaud Voyelles (sonnet vers 1870, publié une première fois en 1883)

                              A NOIR, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
                              Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
                              A, noir corset velu des mouches éclatantes
                              Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

                              Golfes d'ombre : E, candeurs des vapeurs et des tentes,
                              Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombrelles;
                              I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
                              Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

                              U, cycles, vibrements divins des mers virides
                              Paix des pâtis semés d'animaux, pais des rides
                              Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;

                              O, suprême Clairon plein de strideurs étranges
                              Silences, traversées des Mondes et des Anges :
                              - O l'Omega, rayon violet des Ses Yeux !
       


IDEE-SAVOIR-FAIRE ET POESIE
Les potins de l'atelier Poésie - 11 février 2010


"...le propre  de la réalité est justement de n'être pas une oeuvre d'art, une oeuvre de choix, la réalité nous offre tout à la fois. Le tableau qui, au lieu de proposer un tri dans cette affluence, présente une récapitulation des éléments offerts, ne répond pas à la question posée, mais la pose à nouveau" André Lothe Le traité du paysage (1939-1941) et dans Le traité de la figure (1950) "On sait depuis l'impressionnisme que l'imitation n'est plus l'effet de l'art...". Contemporain des grands mouvements de l'art moderne, l'oeuvre d'A.Lothe est à la fois écrasé sous la chape des périodes cubistes de Georges Braque et de Pablo Picasso, l'orphisme des Delaunay, le Purisme de Corbusier et noyé dans les vertigineux ressacs du Surréalisme. Le mot "Surréalisme" inventé par Guillaume Appolinaire (1880-1918) cherchant une réalité au-delà de la réalité donne son nom au mouvement Surréaliste. La position du poète était celle d'un retour à la nature mais en s'en émancipant, sans l'imiter. Aucun art au XX° siècle, introduisant l'hyper-réalisme, n'a autant opéré au retour de l'illusion d'un réel que le "Surréalisme"; la musique tenant le processus en échec. Dans la mouvance du néo-dadaïsme clôturant le débat sur le leurre et la musique (Klein, Symphonie monoton-silence), autre que celle du bruitisme qui aurait pu être la voie musicale du Surréalisme si Dada ne l'avait pas d'une certaine façon créé, la position de John Cage fut la suivante : "Je n'ai jamais écouté un son sans l'aimer. Le problème avec les sons c'est la musique".
   Chez Platon l'idée est l'essence de la réflexion. Cette idée préexiste la vie charnelle de l'homme sur terre et lui survit après sa mort. L'idée parfaite est celle que l'homme a pu contempler avant sa naissance. Ce que nous appelons les arts plastiques n'a aucune grâce aux yeux de Platon car ils ne sont qu'imitation du réel. Les objets sensibles (réels), eux-même copies d'idées, sont à nouveau interprétés par les arts qui les copient et les productions plastiques deviennent alors des copies de troisième degré et donc sans aucune valeur dans le système platonicien. En revanche, Platon est un grand artiste. Le mimétisme est au comble de son art dans les dialogues de ses écrits où le personnage Platon s'efface derrière un style qui restitue à chaque acteur de la conversation une personnalité singulière conférant aux dialogues platoniciens un véritable caractère théâtral.
  Chez Aristote la question de la réalité dans l'art est clairement exposée : les arts sont des imitations, donc des copies d'une réalité, mais ils ont une réelle valeur. En exemple, le théâtre est l'art d'imiter des caractères, des situations, et c'est tout un art qui donne lui-même naissance à tout un débat d'idées.
               La pensée contemporaine s'est questionnée sur ces deux pôles de la pensée antique. 
Erwin Panofski (1892-1968) dans Idea (texte allemand de 1924, traduction française de 1983), après avoir revu la position platonicienne "d'ennemi des arts"et l'avoir nuancée, repère au XVI° siècle un changement d'attitudes vis-à-vis des idées "...les idées ne sont plus des substances métaphysiques existant hors du monde des apparences sensibles, mais aussi, hors de l'intellect...Ce sont au contraire des représentations ou des intuitions qui résident dans l'esprit de l'homme lui-même". Le siècle des humanistes redonne la maîtrise des idées à l'homme et donc à l'artiste exerçant "librement" son art. Puis la situation s'inverse : "Le penseur de ce temps trouve alors tout naturel de voir les idées se dévoiler de préférence dans l'activité de l'artiste".
  Alors que l'art du leurre et des illusions, le style et la manière, voire aussi les conservatoires, appartenaient à l'apprentissage du métier artistique, que l'apport de nouvelles idées dans ce domaine appartenait de plus en plus aux artistes, un temps contrôlés et contraints à certaines règles par les académies de toute façon dirigées par des artistes bien que supervisées par le politique, la période contemporaine revendique un univers de l'art fondé sur l'appartenance au monde de la psychologie,  fondée sur un apriorisme, voire un exercice de tautologie réductif de l'action de l'homme dans son espace, de fragmentation de l'exercice de l'esprit détaché du corps, en position quasiment psychotique "L'art étant de nature spirituelle , il en résulte que toute étude scientifique de l'art se fonde sur la psychologie", phrase de Max J.Friedländer en ouverture de l'étude - par ailleurs remarquable, évoluant au fur et à mesure de la progression du texte vers des mises en perspectives de leurres à volontés scientifiques tombant sous les effets de faux au regard du retour à l'étude des oeuvres - de E.H.Grombich L'art et l'illusion. Psychologie de représentation picturale. Dans cette dynamique qu'est devenu le métier de l'artiste ? Une certaine génération d'artistes comme Louise Bourgeois (1911- 2010) ou Joseph Beuys (1921-1986) en appelle largement à la psychologie, et à la psychanalyse, mais de façon générale la trilogie "idée-savoir-faire"reste assez constante pour toutes les productions présentant un certain intérêt dans le monde sensible. Après, que cette idée se baptise du nom des courants de pensées contemporaines n'est en fait qu'une anecdote dans le grand chapitre ouvert par Platon.
     Des artistes sont plus radicaux. Evidemment, l'Idée du Beau est malmenée, mais ce n'est pas nouveau.
       Alain Robbe Grillet dans son texte publié en 1961 Pour un nouveau roman  projette les styles dans l'histoire et prend en exemple une des fictions - Quichotte de Juan Luis Borgès (1889-1986) - fondamentale pour l'irruption de l'art du faux  dans l'art contemporain et pour ses exposés de rapports très malmenés entre fictions et réalités : "J.L. Borgès dans Fictions : le romancier du XX° s. qui recopierait mot pour mot le Don Quichotte écrirait une oeuvre totalement différente de celle de Cervantès".
       Des collectifs d'artistes contemporains comme Présence Panchounette (1969-1990) construisent des lieux fictifs en maquettes réelles qui n'existent absolument pas comme le Musée d'art Contemporain de Limoges ; est-ce là la plus brillante mise en échec de l'idée platonicienne ? Et des auteurs du Limousin comme Pierre Courtaud constituent en ouvrage publié une Bibliothèque du faussaire (2002) ou, possédant parfaitement toutes les techniques et les structures linguistiques d'auteurs anciens comme Descartes, il invente des textes parfaitement faux mais totalement vrais tant d'un point de vue de la probabilité historique, même inventée, (ce rapport du probable au réel, au sensible, qui façonne souvent la philosophie de l'histoire et des arts) que de l'écriture que de l'idée. Y a t-il alors création par l'imitation portée à son paroxysme jusqu'à copier des réalités fictives, soit des idées ou copies d'idées qui n'existent pas ? Copier des fantômes n'est-ce pas extraordinaire ! C'est VRAI ! Imposture !
                                   Pierre Courtaud (1951-2011 - Ecrivain, poète, Directeur des Editions La main courante à La Souterraine - Creuse)
                                  Les deux jardins (Extrait), extrait de Littérature en Marche 2004 (EXTRAIT)
  
                   " Simplifier la phrase suivante : les Anglais sont tous de très bons sujets.

                                 Réponse
                                                                      Les Anglais sont de très bons sujets
                                                                      On peut simplifier encore
                                                                      Les Anglais sont de bons sujets
                                                                      Simplifier encore un peu
                                                                      Les Anglais sont des sujets
                                                                      On peut simplifier encore une dernière fois
                                                                       Les sujets sont des sujets
                                                                       (C.Q.F.D)

Alors que je corrige les coquilles de mes premières rédactions et que j'en arrive à cette page je fais ce soir, jeudi 17 novembre 2016, un atelier poésie avec deux poètes contemporains dont je positionne les textes en parallèle, et, qui peuvent apporter à ce texte sur l'idée, à partir de créations d'idées d'un atelier Poésie tel que j'en ai conçu l'organisation depuis que je les ai créés.
Une texte de Lucien J.Engelmajer, intitulé Poème étrange et deux poèmes sans titre de Pierre-Jean Blazy avec en particulier ces trois vers du premier poème qui en comporte sept

                                                      "Etre ici est une splendeur
                                                                     Quand
                                                                      Les ombres dans la lumière se cachent"
                                                                                                                         (Pierre-Jean Blazy)

                     C'est alors que sur la base de la splendeur - de la trilogie latine reprenant le concept grec sur la polychromie Augé, Lumen, splendor - le terrain de "L'étrange" généré par le "Leurre", se pose de façon très incisive; le jeu des correspondances de mon montage et de l'ordre de lecture des deux poèmes (même si le second est l'union de deux poèmes très courts) fonctionnant parfaitement en objectif thérapeutique à médiation poétique.
                        Alors que le premier poème sur l'étrange semble avoir été lu, commenté et abandonné au profit des deux seconds, que l'étrange a été décrypté en groupe de parole autour du premier poème, plusieurs personnes en soin dans l'atelier reprennent ce vers du second poème en cours de discussion "Les ombres dans la lumière se cachent" et la question de la splendeur et de l'étrange de ce qui est reçu comme un trompe l’œil de la pensée devient envahissant, primordial. En fin d'atelier Monsieur Michel M. arrive enfin à trouver un dénouement qui va complètement apaiser l'esprit de recherche de l'atelier, donc apaiser le groupe, et clore la séance de psychothérapie sur un mode relaxant en dénouant cette question de l'étrangeté du leurre poétique des ombres et des lumières. Voici ce qu'il nous dit en deux fois, une première fois environ 20 minutes avant la fin de l'atelier qui dure une heure. "Il y a effectivement des ombres cachées par la lumière : c'est l'exemple de l'arbre éclairé par le soleil. La lumière éclaire l'arbre et l'arbre cache l'ombre qu'il projette derrière lui. Donc la lumière cache bien les ombres, ou l'ombre." Puis, le groupe continue à tourner autour de ce problème du leurre, du trompe l’œil, s'en éloigne, se rapproche de l'étrange, revient au leurre, et trois minutes seulement avant la fin de l'atelier Monsieur Michel M. reprend son idée et la développe : "Mais comme la nuit va venir chasser la lumière du soleil, du jour,  l'ombre va revenir dans l'ombre de la nuit : l'ombre ne disparaît jamais, seule la lumière disparaît. Donc la seule permanence c'est l'ombre qu'on peut croire disparue mais qui est en fait cachée le jour dans la lumière. L'ombre est la vérité, la lumière en quelque sorte, de ce que nous voyons ou croyons voir puisque pour voir il faut de la lumière".
Fin de l'atelier à médiation poétique du jeudi 17 novembre 2016
En dialectique à médiation photographique, on retrouve les mêmes solutions :


    LEONARD DE VINCI, MICHEL-ANGE ET LA POESIE
                                                            Les potins de l'atelier Poésie - 14 janvier 2010

   "La peinture est une poésie qui se voit...et chaque tableau est un poème..." écrivait Léonard de Vinci, décédé en France, à Amboise au bord de la Loire. 
     Est-il possible d'évoquer Michel-Ange sans avoir en toile de fond l'ombre de Léonard de Vinci ? Pour le grand public ils incarnent à eux deux le génie de la Renaissance de Florence à Rome. Tous deux ils "sont" la maîtrise des arts majeurs selon Giorgio Vasari (Arrezzo 1511- Florence 1574), auteur d'une vaste histoire des artistes florentin du duecento au cinquecento : la peinture, la sculpture, l'architecture; ce qui sera l'idéal de Pierre Puget (1620-1694), artiste aixois sous le règne de Louis XIV.
     Tant Michel-Ange (1474-1564) que Léonard de Vinci (1454-1519) sont à la naissance de "la bonne manière" (plus Raphaël né à Urbino 1483- Rome 1520) par les grands modèles et répertoires de formes qu'ils donnèrent avec leurs deux batailles qu'ils auraient dû peindre face à face dans la salle du Grand Conseil du Palazzo Vecchio, commandées en 1504 par le gonfalonier de Florence (Michel-Ange Cascina et Léonard de Vinci Anghiari). Michel-Ange laissa une empreinte profonde dans la Rome papale du XVI° siècle, tant par la sculpture que par l'architecture  que par la peinture alors que Léonard de Vinci eut une carrière beaucoup plus en demie-teinte créant des projets et des oeuvres en architecture et en ingénierie : portes de fortifications, machines volantes et de guerre, drainages de marécages, premier travaux sur la densité de l'air, sculptures et automates extraordinaires pour des fêtes grandioses et non moins éphémères, et en peinture dont la célébrissime Joconde qui est encore le plus grand mythe pictural du monde, sinon le plus beau tableau du monde. Si le sfumato (sorte de peinture entre la peinture d’atmosphère vénitienne et le clair obscure, dont la source est incontestablement chez Léonard une application de ces études sur la densité de l'air et son pouvoir opacifiant) de Léonard de Vinci est une étape très importante dans la formation des "ténébrismes", des nuits du XVII° siècle, et si ses architectures probables en France nous émerveillent toujours, comme la vis à double révolution de Chambord ou ses projets pour Romorantin, l'influence en Italie de Léonard sur l'architecture n'est pas du tout comparable à celle qu'exerça Michel-Ange , en marge de Palladio, de Jules Romain, de Raphaël ou des Sangalo  dont Michel-Ange termina le palais Farnèse commencé en 1513 par Antonio da Sangalo le Jeune, mais resté inachevé  au décès de ce dernier en 1546. En façade du palais Franèse, qui est actuellement l'ambassade de France, on voit les fenêtres à tabernacle et une variante au 3° étage des fenêtres agenouillées que Michel-Ange inventa pour le palais Médicis à Florence (1519). Si nous continuons sur les inventions que les architectes postérieurs reprirent , citons les pilastres à gaines, , les pots enflammés des amortissements des verticales, des formes organiques de cartouches en avatars des cuirs avant-coureurs du rocaille, les poli-glyphes (développement sur le thème des triglyphes), les chapiteaux à formes organiques, les ordres géants et la mise en tension des éléments d'architecture, jouant comme personne sur les effets contrastés d'ombres et de lumières dans les rythmes architecturaux (colonnes  nichées, adossées, engagées à divers degrés...). En urbanisme il participa à la création de la première "place royale" à Rome dont le parti architectural fut progressivement amené à sa perfection de 1538 à 1560, modèle qui servira à toutes les places royales d'Europe avec au centre la statue équestre du monarque (en exemple proche de Cannes, la place actuellement nommée Garibaldi à Nice construite aux XVIII°siècle, ancienne place royale de la monarchie Sardes). Et que dire de la sculpture qui entre en complément sensible de l'architecture ponctuant ses éléments dynamiques, mettant en tension des tombeaux aux rampants brisés et enroulés sur lesquels se posent et se reposent des personnages adossés unissant l'architecture et la sépulture, brisant les limites d'un genre à l'autre, relevant les gisants vers la statue assise, en pied en ronde bosse, du défunt vivant niché à la verticale de son tombeau (Laurent de Médicis). Et que dire du Moïse  - du tombeau de Jules II - qui servit d'étude à Sigmund Freud, ayant déjà emprunté à Léonard sa Vierge à l'enfant avec Sainte-Anne ?

                    Voyez comme on entre dans la poésie et  dans la légende en évoquant seulement quelques inventions de ces extraordinaires artistes, dans ces temps troubles où le savant et l'artiste se confondent dans l'étau de la Réforme, où la Bible est elle-même interdite alors que l'imprimerie connaît un essor sans précédent (passage des incunables tabellaires aux caractères mobiles) et livre de nouveaux répertoires de formes aux artistes de la bonne manière requise par une société qui se transforme, naît et renaît, ayant plus que jamais besoin de guides. Avec les développements de la perspective (aérienne sans moyen de voler bien évidemment) le vénitien Jacopo de'Barbari grave la première vue aérienne - de la ville de Venise - de l'histoire, tandis qu'au nord, Albrecht Dürer grave Melancolia. Du nord au sud l'Europe s'humanise  et tourne définitivement le dos au moyen-âge ; François 1° accorde aux femmes une place sans précédent à la cour d'un roi, construit un château en céramique bleues dans la forêt de Boulogne et Chambord, voguant et flottant dans ses marécages solognots, tourne le dos au passé, ultime sursaut merveilleux d'un monde désormais révolu vers celui d'une modernité naissante, balbutiante sous le sceau d'une architecture fantastique qui s'enroule en son cœur autour du génie de Léonard de Vinci.
       Le pape Jules II avait de grandes ambitions pour l'Eglise et la providence lui apportait l'artiste dont il avait besoin pour le vaste programme peint de la chapelle Sixtine et la reprise des travaux de Saint-Pierre en souffrance depuis la mort de Bramante. Si Michel-Ange est depuis longtemps familier de la Divine comédie de Dante et des sonnets de Pétrarque qui exporta son art en France, son intérêt peu connu pour la composition des vers précède la période où Jules II le fit appeler à Rome en mars 1505. Michel-Ange "entre en poésie" vers la trentaine et compose le dernier poème des trois cents que comporte son oeuvre à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. C'est là que se dévoile la nature contrastée, mélancolique, de ce très grand artiste qui toute sa vie douta de lui-même, aussi prompt à créer qu'à détruire, oscillant toujours entre de fantastiques prouesses dans un travail titanesque et une fragilité affective qui confine à une vision presque "existentialiste" de la condition humaine dans des genres peints et poétiques déjà désuets à son époque ou très modernes comme le sonnet qui n'a pas encore atteint sa forme définitive à l'époque de Michel-Ange :

                                                    deux poèmes de la période 1507-1530
                        
    CANZONE (chanson, extrait)

                                  "Tout ce qui naît vient à mourir
                                    avec le temps ; sous le soleil
                                    nulle chose ne reste vive.
                                    S'évanouissent douleurs et peines,
                                           .........................................................
                                    Comme vous, nous fûmes des hommes,
                                    tristes et joyeux, comme vous;
                                    et maintenant, vous le voyez, nous sommes
                                    de la terre au soleil, sans vie."

SONNET INACHEVE (premier quatrain et unique tercé)

                                   "Fuyez l'amour, amants, fuyez ses flammes vives;
                                     sauvage est son baiser, mortelle sa brûlure :
                                     dès son premier assaut, il n'est plus rien qui vaille,
                                     ni force ni raison ni changement de lieu.
                                          ............................................................
                                     Fuyez, ne tardez pas, dès le premier regard :
                                     Je pensais m'entendre en tout temps avec l'amour,
                                     mais je sens, mais vous pouvez voir, comme je brûle."



                                                       EPIPHANIE ET POESIE

                                                                                                  Les potins de l'atelier Poésie - 7 janvier 2010              
                            
  Dans l'antiquité la divinisation des rois est courante. Les pharaons étaient des demi-dieux et les empereurs romains se firent représenter comme des divinités, se faisant même appeler le "divin" (divin César, divin Néron). Pour trouver le premier sens sacré du mot "épiphanie" (apparition, manifestation) il faut se projeter dans la culture hellénistique, en Asie Mineure, dans la Commagène, entre les sources du Tigre et de l'Euphrate (en Turquie), dans ces contrées du nord-ouest de l'antique Mésopotamie, région et site des ruines fantastiques du complexe funéraire de Nemroud Dagh. La simple apparition en public des rois de Commagène  leur conférait un caractère sacré, divin. Le roi Antiochos 1° (1° s. A.J.C.) fit ériger un monument à la gloire de son père et l'inscription sur ce monument débute ainsi "Le Grand Roi Antiochos, Dieu, le juste, l'Epiphane, l'Ami des Romains et des Hélènes, fils du roi Mithridate Callinikos et de la reine Laodiké, la déesse Philadelphe (qui aime son frère), fille du roi Antiochos Epiphane...".
                    Les Chrétiens récupérèrent ainsi , dans les coutumes orientales, une célébration divine des rois pour conférer à l'enfant de Marie et de Joseph son caractère sacré, divin. Pour que la divinité de l'enfant soit reconnue il fallait qu'elle le fut par les rois (épiphanes) qui envoyèrent leurs mages s'incliner devant Jésus et le désigner ainsi "Roi des Rois". Avant cette reconnaissance Jésus n'était encore qu'un enfant comme les autres. L'Epiphanie dans le cycle de l'enfance du Christ c'est le moment où la divinité de l'enfant est reconnue en public par les envoyés des rois guidés par une étoile en unique symbole Chrétien des Bergers (étoile du berger) gardiens du troupeau (les fidèles) et antique de "Vénus" déesse de l'amour céleste. C'est aussi le passage symbolisé par la seule lueur de l'étoile d'une civilisation polythéiste à une civilisation monothéiste, de l'Olympe à la Jérusalem Céleste.
                       Le mécanisme de divination des rois n'intéresse pas que la construction des mythes religieux, elle intéresse aussi l'artiste, le poète, l'écrivain contemporain ; la spiritualité contemporaine s'étant détachée, par l'évolution de l'art, de la spiritualité religieuse, voire des contingences politiques (académies) et même linguistiques (abstraction, orphisme, constructivisme, productivisme, Surréalisme, Dada et néo-dadaïsme...).
                          Toutefois, comme le passage de la mythologie antique à celle du monde chrétien se faisait sous la double représentation de l'Etoile du Berger et de l'Astre de Vénus, le passage dans la spiritualité contemporaine de l'épiphanie garde des caractères liés à son histoire politico-religieuse, transitoire, depuis la disparition des rois épiphanes. Ce sont là ces grands relais historiques qui marquent profondément les changements de civilisations.
          L'habitude prise de passer simultanément d'un texte à un autre, d'une image à une autre en vis-à-vis, d'un texte à une image et de comprendre qu'il s'agit d'une oeuvre unique sans qu'un lien formel ne soit clairement défini entre les deux représentations, est une conquête de la synesthésie, depuis le XIX°s. Avant cette conquête, en exemple, dans la peinture ancienne,  pour passer d'un personnage à l'autre sur un même tableau il fallait un lien plastique par un échange de regard, par des correspondances de couleurs, par des artifices de mise en relation des objets et des sujets. Avec l'arrivée de la synesthésie - lecture simultanée - nous avons appris à lire différemment les œuvres d'art et nous sommes là sur le chemin qui amène à l'épiphanie dans l'art contemporain, par la forme.
           La première version d'un poème composé simultanément avec un texte et une image par un même auteur (excepté les limericks irlandais du premier quart du XIX°s., le Salambô de Gustave Flaubert, les opéras de Richard Wagner et le décisif poème de Stéphane Mallarmé - Un coup de dès jamais n'abolira le hasard 1897 - et la collaboration de Blaise Cendrars et de Sonia Delaunay, bien que composant la publication à deux artistes - un poète et une plasticienne revendiquant une seule oeuvre : La prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France [aussi orthographié Jehanne] 1912), le premier cheminement  - sans que le mot "épiphanie" ne fut jamais formulé - c'est peut-être celui du peintre et poète français Georges Rouault (1871-1958) pour son Miserere (1903-1927) : les poésies des pages de gauche ne s'arrêtent pas sur des points mais passent en lecture directe sur la page de droite, qui est une seule image, par l'artifice d'une virgule ou par l'absence de ponctuation à la fin du poème. En principe l'absence de point à la fin des vers en bas de page - lorsque le texte est ponctué - voudrait dire qu'il faut tourner la page pour trouver la suite du poème. Pas dans le cas du Miserere, car la page suivante débute sur un nouveau poème qui lui aussi ne se termine pas, hormis si on intègre au poème à droite l'image de la page de gauche. Dans son Miserere Georges Rouault utilise des icônes chrétiennes dont La Véronique ("La vraie icône" mais qui est toutefois un apocryphe) qui est une forme d'épiphanie car c'est le portrait du Christ prétendument recueilli sur un mouchoir par la simple présentation de ce linge devant la face en sueur du Christ pliant sous le poids de la croix : il y a là le passage mystérieux d'une figure réelle à sa représentation sacralisée par une étoffe, dont une des versions fut conservée à Edesse (Urfa) en Commagène par le roi Agbar (iconographie byzantine). Ce type d'image sans intervention de la main de l'homme est appelée "achyropoète".
             Pour trouver la claire expression littéraire et artistique de l'épiphanie il faut se plonger dans l'oeuvre de l'écrivain irlandais James Joyce (1882-1942) et surtout dans son roman Ulysse (1922) où La Véronique est devenue une catin : "De ruelle en ruelle, de l'Irlande à l'Ulster/Le cri de la catin tissera le suaire". Le processus définit par James Joyce est construit en trois phases : (en progressant de gauche à droite)

                Exhaustivité quidditas consonnance
Préhension du réel ---Perte de la lumière----arrêt, oblitération, voire mort--- transformation accomplie
------------------------------------------------Temps de l'épiphanie ---------------------Epiphanie Accomplie

                                        " ...et voici que l'objet accompli son épiphanie" James Joyce

   Les Cosmogonies et les Anthropométries d'Yves Klein (1928-1962) peuvent se lire suivant ce procédé. Curieusement les poèmes de James Joyce sont magnifiques mais pas spécialement épiphanes. Toutefois en cherchant dans l'histoire que de surprises sur le temps d'un long voyage de replis sur soi même, prévu dans le futur d'instants définis en images imaginées dans le réel des étapes du parcours, sur un cycle complet de l'aube au crépuscule, pour une ouverture brutale projetée dans l'instant bref de l'écriture actuelle et onirique d'un poème de résolution du deuil : épiphanie accomplie en mode d'écriture poétique au milieu du XIX° siècle :

                        "Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
                         Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
                         J'irai pas la forêt, j'irai par la montagne.
                         Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

                         Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
                         Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
                         Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
                         Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

                          Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
                          Ni les voiles en descendant vers Harfleur,
                          Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
                          Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur."

                                                                               Victor Hugo (1802-1885), le 3 septembre 1847.
                                                                                      Publié dans Les Contemplations (1856)
    


LA PROSE ET LES VERS, LA POESIE ET L'HISTOIRE

Les potins de l'atelier Poésie - 23 juillet 2009

"...tout ce qui n'est point prose est vers ; ce qui n'est point vers est prose."



   Lorsqu'en 1670 Molière écrit cette célèbre réplique dans Le bourgeois gentilhomme il semble qu'il mette en scène une lapalissade à travers le ridicule de Monsieur Jourdain à qui il fait peu avant articuler les voyelles et les consonnes sous la dictée du maître de philosophie. Molière se moque avec une érudition telle que nous avons bien du mal à imaginer que ce ridicule là n'est qu'un déplacement  dans une scène comique des applications très philosophiques  et même scientifiques d'Aristote [Aristote, Poétique, chapitre XX (et autres). Aristote, philosophe Grec 384-322 Av.J.C.. Fondateur de la logique formelle et du Lycée à Athènes, où naquit l'école péripatéticienne, école où l'enseignement se fait en marchant]. L'ensemble du texte d'Aristote est le creuset dans lequel tout l'occident a puisé pour créer, édifier et réfléchir en vers et en prose, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Tous les grand problèmes, tous les grands débats classiques et contemporains sur l'écriture et sur les attitudes artistiques, sur l'imaginaire et sur l'imitation (de Platon à Borgès au Nouveau Roman et à Courtaud) y sont abordés.
   "...le rôle du poète est de dire non pas ce qui a réellement eu lieu mais ce à quoi on peut s'attendre conformément à la vraisemblance ou à la nécessité. En effet, la différence entre l'historien et le poète ne vient pas du fait que l'un s'exprime en vers ou l'autre en prose...mais elle vient de ce fait que l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce à quoi on peut s'attendre". Le poète est donc ce visionnaire qui va être capable de créer,  d'agencer une histoire, , que l'art de l'écriture va rendre crédible "Voilà pourquoi la poésie est plus noble que l'histoire : la poésie dit plutôt le général, l'histoire le particulier. Le général c'est telle ou telle chose qu'il arrive à tel ou tel de dire et de faire, conformément à la vraisemblance ou à la nécessité ; c'est le but visé par la poésie". Aristote pense évidemment beaucoup à la composition de L'Iliade et l'Odyssée, à cette grande épopée confectionnée autour de la Guerre de Troie et du héros Ulysse. Le texte d'Aristote prend alors une valeur extraordinaire lorsque nous comprenons que le poème d'Homère a été, jusqu'au XX° siècle, considéré comme la grande source historique fiable pour la connaissance de l'antiquité Grecque. Le savant archéologue Henrich Schielmann a fouillé le site de Troie sur les indications du récit d'Homère et lorsqu'il a trouvé des bijoux il en a paré son épouse, la transformant en Hélène, persuadé qu'il s'agissait du fameux trésor de Troie.
             La poésie a une telle force  d'évocation et de conviction que les productions du cerveau humain s'incrustent grace à elle dans l'inconscient individuel et collectif avec plus de crédibilité et de longévité que toutes les thèses transmises et écrites de façon rigoureuse et scientifique. Le secteur de l'industrie  - et principalement les firmes publicitaires - a été le premier à faire appel aux poètes et aux chercheurs sur la force du langage y associant les effets de perception rapide dont la conscience est née autour de l'acte rapide de peindre explicité pour la première fois par Claude Monet à Fresselines, au confluent des Grande et Petite Creuse (nord du département de la Creuse).
                 En occident la confusion qui existe entre le roman et la poétique est significative. Tant que la poésie est écrite en vers et que les romans et les thèses le sont en prose les repères sont assez aisés. Mais lorsque ces repères de formes explosent où va la poésie ? Tout le monde connaît les images Surréalistes des peintres Giorgio de Chirico, René Magritte, Salvador Dali, Paul Delvaux ou Hans Bellemer ;  elles passent même pour des réalité de la Psyché alors que ce sont des outils poétiques de peintres, le plus souvent en trompe l’œil et en leurre...En comparaison, qui connaît les topiques freudiennes, les études pionnières de Mélanie Klein ou les tentatives de synthèses de Willhem Reich ? Mais quelle part ces théories sur la Psyché doivent elles à la poétique, à des politiques de la gestion poétique de la psyché ? (Je est un autre : est le début d'un des vers de la Lettre d'Arthur Rimbaud au Professeur Izambard, du 13 mai 1871)
                 L'histoire racontée par la Bande Dessinée est un nouveau pas. Cet outil culturel est redoutable comme le montre déjà la B.D. racontant l'histoire de la B.D. où la démarche scientifique est du rêve - de la fiction en ricochets - dans lequel une succession d'images poétiques accompagnées de bulles fait état de valeurs scientifiques et historiques spontanément absorbables mais hélas pas toujours justes, beaucoup s'en faut. C'est encore Aristote qui a raison : la poésie est supérieure à l'histoire et nous en sommes les acteurs involontaires tout comme Monsieur Jourdain découvrant par la chansonnette le "O" de la bouche qui fait "Oh!".

                  Charles Baudelaire : Enivrez-vous (Petits poèmes en prose - 1851-57-61-64-65-66-69)

            "Il faut être toujours ivre. Tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
                Mais de quoi ?... de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
                Et si quelque fois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez qu'elle heure il est : et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse !...de poésie ou de vertu, à votre guise."   

EDWARD LEAR
(Poète, illustrateur et ornithologue britannique né le 12 mai 1812 à Highgate et décédé le 29 janvier 1886)

Les potins de l'Atelier Poésie - 2 juillet 2009


   le haïku, art du poème court, est presque la figure d'entité poétique japonaise. Le poème court n'est pas inconnu en occident. Le madrigal fit les bonnes heures de l'aristocratie galante aux XVII° et XVIII° siècles. Plus proche de nous une de ses formes, le limerick, apparaît dans la ville du même nom (Limerick) au nord-ouest de l'Irlande où il est imprimé pour la première fois en 1821, en langue anglaise. De 1846 à 1877 un poète londonien - Edward Lear - s'est emparé de cette forme pour publier en plusieurs fois une oeuvre de "Nonsens" ou "Nonsens rhymes".
  Edward Lear est le grand représentant du "sans sens", avec Lewis Caroll (Alice au pays des merveilles). Avec ces créations nous sommes face à ce que le philosophe français Gilles Deleuze (1925-1995) appelle "Les noces du langage et de l'inconscient". Le lien de la réflexion philosophique sur le "sans sens" et du Surréalisme semble probable , mais le risque est grand de faire l'amalgame du "sans sens" par la réflexion de Deleuze avec le Surréalisme, non plus dans une dynamique artistique mais dans un mouvement psychanalytique, ce que le Surréalisme n'est évidemment pas comme le médecin Sigmund Freud l'avait lui-même écrit au poète André Breton.
    En France au XIX° siècle nous connaissons le "portrait charge" qui associe, souvent de façon satirique, le dessin de personnage à un texte en légende ou en commentaire. Le Limerick s'en différencie assez nettement par sa construction rigoureuse : un dessin humoristique et dessous ou à côté un poème de cinq vers rimés en [aabba] fonctionnant ensemble, de façon simultanée.
      Si nous cherchons dans l'historique de la simultanéité nous trouvons pour le XIX° siècle le Salambô de Flaubert, les opéras de Wagner, le coup de dés de Mallarmé. Nous entrons dans le XX° s. Avec une seconde édition du coup de dés de Mallarmé à peu près contemporaine de la collaboration de Sonia Delaunay et de Blaise Cendrars autour de La prose du transsibérien" (dédiée aux musiciens). Puis, avec "l'atelier 17", que le graveur anglais Hayter ouvre à Paris en 1927 et qu'il déplace à New-York en 1940, la simultanéité passe outre-atlantique et l'atelier 17 sera continué sous le nom de Contrepoint suivant le schéma des lignes mélodiques superposées comme dans la fugue. La simultanéité se retrouve de façon presque permanente dans le Pop Art, mouvement né en Angleterre dans les années 1960 (voir Lucy R.Lippard) et presque aussitôt après, mais de façon indépendante, aux USA, jusqu'à devenir une des cartes de visite de l'art américain.
           La bifurcation serait, dans le limerick, entraînée par la lecture même en simultanéité du dessin et du texte, établissant des écarts et des glissements de sens au sein même d'un "sans sens" qui en reviendrait à une création sans intention, ce qui est dans sa théorie fondatrice le propre de l'abstraction (Kandinski/Kupka 1910). Ces liens "inconscients" (sans nécessairement s'en référer à Freud) sont le propre de l'art issu de l'exploitation du concept rimbaldien dans ses formes réductives et expansives. Au Balais ou au Buffet d'Arthur Rimbaud Joseph Kosuth en 1965 donne au Centre Pompidou en écho le mot "chair" qu'il expose sous trois formes simultanées : une chaise (véritable, donc non conceptuelle mais exactement en réduction du concept), l'image de cette même chaise (premier écart et première bifurcation avec introduction du langage de l'image) le mot "chair" avec sa définition dans le dictionnaire qui est un retour au concept puisque l'image précise de réduction en est absente). La répétition du concept "chair", qui va vers l'abstraction de ses représentations et créé une  nouvelle abstraction par le retour au verbe, créé aussi en elle même ( Art as Art) un cercle de tautologie à la Gertrude Stein ( rose is a rose is a rose is a rose...). On retrouve  encore tous ces mécanismes dans les nombreuses exploitations et représentations (parfois inconscientes de la part des artistes - rôle de l'inconscient artistique collectif qui fonde un ciment culturel) des vers de Rimbaud (Roman 1870) "Voilà qu'on aperçoit une tout petit chiffon d'azur sombre, encadré d'une petite branche, piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond avec de doux frissons, petite et toute blanche..." : "JE est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon, et Nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu'ils ignorent tout à fait.
        Vous n'êtes pas enseignant pour moi ; Je vous donne ceci : est-ce de la satyre...Est-ce de la poésie ?".
                                             
 Quatre pages extraites de Edward Lear  Poèmes sans sens - Nonsens poems - Bilingue. Aubier/Flammarion 1974.

Jasper Johns

LES ROSES ET LES POETES
suivi d'un texte d'Aristide Bruand, poète et chansonnier français, né le 6 mai 1951 à Courtenay en Gâtinais, décédé à Paris le 11 février 1925.

Les potins de l'Atelier Poésie - 25 juin 2009


  Comme il semble naturel de parler de la rose, de l'associer au nom d'une jolie fleur ou d'une tendre fille, à celui de l'amour, de la tendresse et de la vie éphémère ! Gertrude Stein, poète et écrivain américain ayant adopté la France (1874-1946), en fait le cercle de la tautologie - ou étude du tout - un des topos de l'art contemporain. Son cercle de la tautologie c'est le nom de sa nièce Rose qu'elle adore et qu'elle écrit en cercle au-dessus de son lit, en ciel de lit, sous la forme "rose is a rose is a rose is a rose..." (rose est une rose est une rose est une rose est une rose...).
  Au Moyen-Âge deux auteurs français donnent naissance au Roman de la rose. C'est un très long poème de près de 22 000 vers (vingt deux mille vers). Les auteurs, Guillaume de Lorris et Jean de Meung, se succèdent du dernier quart du XIII° s. au premier quart du XIV° s. pour écrire un songe guidé par le héros Amour. Ainsi la Rose et l'Amour à travers le rêve fondent le panthéon (médiéval) de la culture française, pour tous les siècles à venir, dont le site est un jardin fleuri et arboré, orné de fontaines architecturées, et clos dans une muraille peinte à l'extérieur des figures du mal et des vices alors que l'intérieur est le lieu vivant et contradictoire réservé aux vertus, aux délices et aux caractères pas tous vertueux mais tous incarnés par des personnages, sortes d'allégories de la somme des connaissances médiévales où les références aux auteurs et aux mythes antiques sont fréquentes.
   La Rose et l'Amour, les symboles de la beauté et de l'éphémère, de la fragilité de l'un et de l'autre, se trouvent réunis pour fonder une bonne part de la culture littéraire française de toutes les époques et de tous les langages. On les retrouve chez Ronsard, chez Malherbe et bien sûr au XX° siècle en stupéfiant emploi d'image de la modernité jusqu'en écho de la lutte des classes chez Aragon chanté par Juliette Gréco. La fleur elle-même, depuis l'églantier, s'est quelque peu compliquée. Elle s'est enrichie de nouveaux atours et de nouvelles couleurs mais la référence psychique est la même. Ainsi sont-ils étonnants ces appels à la rose chez les auteurs qui ont travaillé les aspects marginaux de la langue française. La conquête du Français, depuis sa formation par la rencontre des troubadours et des trouvères dans les châteaux d'Aubusson, de Comborn et de Ventadour, dans le centre de la France, est une longue route ayant circulée en Aquitaine et en pays ligériens jusqu'au Français moderne universel auquel certains de nos académiciens semblent préférer l'Anglais. La rose et la langue ont des destins qui se suivent et la rose semble survivre au beau langage de France que des poètes - sans le nimbe de la Coupole et certainement moins illustres que nos académiciens contemporains - avaient néanmoins défendu : c'étaient ceux de la Pléiade...et la rose était du mouvement.
  Le lieu de la poésie est celui où l'on suit l'évolution de la langue. Au XIX° s. de grands romanciers et poètes (de la rose) mettent en lumière la grande richesse des langues et des dialectes français : c'est Victor Hugo avec l'argot parisien, c'est George Sand avec le Berrichon et sa grammaire, c'est Frédéric Mistral avec le Félibrige et son Dictionnaire Provençal-Français, c'est Gaston Couté et le Beauceron, c'est Aristide Bruand avec le parler des faubourg parisiens et de Montmartre ( le Mont des Martyres). Quelque soit l'humeur et la langue, la rose est toujours là et la "rose"de Shakespeare exhalerait-elle toujours ses parfums aussi passionnés sous un autre nom ?

                                              Arsitide Bruand - Rose Blanche

Alle avait, sous sa toque d'martre,                  A voyait dans les nuits d'gelée                 
        Sur la butt'Montmartre                                                    La nape étoilée,
        Un p'tit air innocent ;                                            Et la lune en croissant,
On l'app'lait rose, alle était belle,                                  Qui brillait, blanche et fatidique
 A sentait bon la fleur nouvelle,                                    Sur la p'tit' croix de la basilique,
         Ru'Saint-Vincent. Ru'Saint-Vincent.

Alle n'avait pas connu son père                                   L'été, par les chauds crépuscules        
         A n'avait pas d'mère                                                       A rencontré Jules
         Et depuis mille neuf cent,                                              Qu'était si caressant
A d'meurait chez sa vieille aïeule,                                Qu'a restait, la soirée entière,
Où qu'a s'élevait, comm'ça, tout'seule,                         Avec lui, près du vieux cimetière,
         Ru'Saint-Vincent.                                                            Ru'Saint-Vincent.

A travaillait, déjà, pour vivre,                                       Mais le p'tit Jules était d'la tierce
         Et les soirs de givre,                                                        Qui soutient la gerce,
         Sous l'froid noir et glaçant,                                              Aussi, l'adolescent
Son p'tit fichu sur les épaules,                                       Voyant qu'a ne marchait pas au pante,
A rentrait, par la ru'des Saules,                                      D'un coup d'surin lui troua le ventre
         Ru 'Saint-Vincent. Ru'Saint-Vincent.

                                             Quand on l'a couché sous la planche
                                                        Alle était toute blanche
                                                        Même qu'en l'ensev'lissant,
                                              Les croq'morts disaient qu'la pauv'gosse
                                              Etait claqué' l'jour de sa noce,
                                                        Ru'Saint-Vincent.



FRANCOIS VILLON
Poète français né à Paris en 1431 et décédé après 1463

Les potins de l'Atelier Poésie - 16 juillet 2009

  La Guerre de Cent Ans (1357-1458) a pour origine à la fois une revendication du roi Edouard III d'Angleterre au trône de France et une volonté de ce même roi de s'attacher les cités flamandes par lesquelles transite le commerce des laines britanniques. C'est une période extrêmement féconde pour l'histoire littéraire et culturelle ds deux pays belligérants. En Angleterre, Geoffroy Chaucer (1342-1400) rédige les Canterbury Tales - 1387-1400 qui fondent les bases de la littérature de langue anglaise et le poète français Charles d'Orléans (1394-1465) créé une oeuvre littéraire très importante pendant les 25 années de sa captivité (1415-1440) [Charles d'Orléans est le fils de Louis 1° duc d'Orléans, frère du roi Charles VI, et de Valentine Visconti fille du duc de Milan. Il est le père du futur roi Louis XII qui continuera les Guerres d'Italie - entreprises par le roi Charles VIII pour la conquête du royaume de Naples dont il est héritier par son grand oncle René d'Anjou - pour faire valoir ses droits sur le milanais qui lui venait de sa mère, et par lesquels la Renaissance italienne arrivera de façon décisive à la cour de France alors à Amboise (actuel département de l'Indre et Loire)].
     François de Montcorbier, dit des Loges, naît à Paris où s'achève une longue période d'occupation anglaise. Les faubourgs sont dévastés  et les loups affamés entrent dans la ville. François est élevé par Guillaume de Villon, décrétiste et chanoine de Sain-Benoit-le-Bétourné. François prend le nom de son bienfaiteur qui lui fait faire des études. François Villon, bachelier de la faculté des Arts en 1449 est licencié et maître es Arts en 1452. Dans son oeuvre poétique, débuté vers 1456, il met en scène des aspects sociaux de Paris et des provinces en perte et à la recherche de nouveaux repères. François Villon - premier poète maudit diront les Romantiques - confectionne une partie de son oeuvre à la cour de Charles d'Orléans où il est d'ailleurs emprisonné pendant l'été 1460. L'année suivante, libre, Villon est encore sous les verrous à  Meung-sur-Loire. Il doit sa libération à un passage du roi Louis XI ; les cours étant à cette époque itinérantes. Il poursuit alors sa route jusque dans le Bourbonnais et il retourne à Paris en 1462 où il est de nouveau incarcéré puis banni pour dix ans. Et là nous perdons sa trace.
   François Villon, dont la naissance coïncide avec l'année de la mort de Jeanne d'Arc, est le témoins des mœurs de son temps, se jouant des pouvoirs temporels et spirituels, sachant à l'occasion courtiser et inspirer le pardon. Le Moyen-Âge est entré dans sa phase d'agonie, la scolastique est remise en question, : fin du Moyen-Âge avec le Concile de Trente (1545-1563) et début théorique de La Renaissance Française après 1495 avec une période de chevauchement de 60 ans - de crises spirituelles et politiques d'une incroyable richesse pour les arts et la culture - pour faire transition entre le monde médiéval et le monde moderne. Au milieu du XV° s. les rois Charles VII et Louis XI rétablissent tant bien que mal l'autorité et le domaine royal (qui va aussi considérablement d'agrandir de la Bourgogne, de la Provence et de la Bretagne, principalement) mais les mœurs religieuses très relâchées entraînent déjà l'Eglise dans une crise dont le résultat au siècle suivant est le schisme avec la Réforme et la Contre-Réforme et l'installation à la cour de France d'une culture galante et courtoise dont le règne de François 1° est le grand exemple alors qu'en Angleterre le roi Henri VIII assassine et répudie ses épouses et créé une religion dont il est le seul chef spirituel (1534). W.Shakespeare établit définitivement la langue anglaise comme grande langue littéraire à la fin du XVI° siècle alors que la langue française demeure la langue de la cour d'Angleterre jusqu'au XVII° s.
 Cette célèbre ballade, dite Epitaphe Villon dans l'édition de Clément Marot de 1533, met en scène le gibet de Montfaucon au nord-est de Paris. Par ce texte les morts qui pourrissent en public sont leurs propres intercesseurs pour leur pardon, abandonnés à la miséricorde des vivants ("merci" dans le texte est une variante du mot anglais "misery" qui signifie "miséricorde"). Ici les valeurs spirituelles, ébranlées par des châtiments trop contraires, remettent en question les valeurs humaines au XVI°s. siècle des Humanistes.

                  Epitaphe Villon, dit "Ballade des pendus" François Villon

                              "Frères humains qui après nous vivez,
                               N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
                               Car, si pitié de nous pauvres avez,
                               Dieu en aura plus tôt de vous mercis
                               Vous nous voyez ci attachés cinq, six :
                               Quant de la chair, que trop avons nourrie,
                               Elle est pièça dévorée et pourrie, (depuis longtemps)
                               Et nous les os, devenons cendre et poudre
                               De notre mal personne ne s'en rie ;
                               Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

                               Se frère, vous clamons, pas n'en devez
                               Avoir dédain, quoi que fûmes occis
                               Par justice. Toutefois, vous savez
                               Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis;
                               Excusez-nous puisque nous sommes transis (morts)
                               Envers le fils de la Vierge Marie,
                               Que sa grâce ne soit pour nous tarie
                               Nous préservant de l'infernale foudre;
                               Nous sommes morts, âme ne nous harie (moleste)
                               Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

                               La pluie nous a débués et lavés
                               Et le soleil desséchés et noircis;
                               Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
                               Et arrachés la barbe et les sourcils,
                               Jamais nul temps nous ne sommes assis;
                               Puis ça, puis là, comme le vent varie,
                               A son plaisir sans cesser nous charrie,
                               Plus becquetées d'oiseaux que dès à coudre
                               Ne soyez donc de notre confrérie;
                               Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

                               Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie,
                               Garde qu'enfer n'ait de nous seigneurie:
                               A lui n'ayons que faire ne que soudre (payer)
                               Homme ici n'a point de moquerie;
                               Mais riez Dieu que tous nous veuille absoudre!




   LA POÉSIE ET LE CALEMBOUR 

Les potins de l'atelier Poésie - 3 septembre 2009 
                                
"Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole" écrivait Victor Hugo. Le calembour occupe une véritable place dans la culture française  et internationale depuis les plus grands écrivains, les grands de ce monde et de ceux disparus, jusqu'aux anonymes de la rue d'hier et d'aujourd'hui. Le bon ton est de se libérer avec humour et s'il s'agit de fiente il s'agit tout de même de faire voler l'esprit. C'est une forme de feu d'artifice salutaire . "Ouvrez les fenêtres ça sent le rance" écrivait Friedrich Nietzche (1844-1900) dans le Gai savoir (1882). Nietzche qui ajoute, dans Plaisanteries, ruse et vengeance et Chansons du prince Vogelfrei, "N'est-il pas une chose extrêmement plaisante que de voir les philosophes les plus sérieux, si sévères qu'ils soient le reste du temps avec toute certitude, en appeler sans cesse à des sentences de poètes pour assurer force et crédibilité à leur pensée?". Jamais cette remarque n'aura autant d'importance qu'avec le philosophe Gaston Bachelard (1884-1962) "fou de poésie et de confitures".
           La religion est la cible préférée du calembour et celui qui s'en offusquerait manquerait terriblement d'esprit. Pouvoir se libérer est nécessaire à la santé de l'âme. Le processus des inscriptions sauvages connu depuis l'antiquité, sur les murs, sur les arbres, s'il est fait de la rencontre d'une pulsion et d'un événement (projecteur et récepteur potentiel de la projection), il est surtout pour ceux qui souffrent l'occasion de se libérer dans l'anonymat ou dans le déguisement de mots  qui encombrent ou qui obsèdent dans le champ des interdits. La société tolère mal ce procédé. En revanche, projeter ces mots en les amenant à des formes de calembour c'est un toilettage, c'est une mise en plis de l'esprit, c'est un brushing du cœur, c'est un graffiti de la pensée, c'est un tag...c'est réintégrer l'inscription de la pensée "déviante" dans une forme culturelle identitaire puisqu'elle est destinée à l'autre...sous forme de message lisible ou masqué mais toujours dans la communication. A partir de là certains élaboreront des sujets de réaction et de sanction - sanctionner la pulsion (l'orgone) pour la gouverner et l'orienter, voire, en faire un sujet  d'économie, de capitalisme (W.Reich, 1897-1957), "...psychologie de masse du fascisme") - et d'autres s'en amuseront. Ceux minoritaires qui auront tort face au groupe majoritaire seront les transgresseurs et les autres les bien-pensant..tout ce la n'est pas très sérieux...

                   Testons maintenant notre capacité à la tolérance :

                            Francis Picabia (1879-1953) "A force de découvrir Dieu, ils vont finir par l'enrhumer."
                                        Jacques Prévert (1900-1977° " Dans une église il y a toujours quelque chose qui cloche"
                                    Laurent Riquier (animateur TV) "Intégrisme, le foulard est un problème en soie"
                                         Elie Semoun (humoriste) "Athée pieds, voilà ma religion"

                                         Anonyme "Pour vivre heureux vivons casher"

                                         Un travailleur émigré à Londres "English quand ? mais j'y pense!"

                                         Max Chieffrley "Etre témoin de Jéhovah? Impossible, je n'ai pas vu l'accident"
                                          Anonyme "Dieu soit loué, meublé ou non meublé"

                                          Sous la Régence, un Prince questionné sur sa femme volage répond "Elle est partie à Versailles sonner les cloches"

                           Alphonse Allais (poète français 1854-1905) L'explorateur (extrait de Mes insolations, sonnets)

                                      "Ah ! J'en puis raconter de tragiques histoires!!!
                                        Lorsque nous traversions les déserts du Tibet,
                                        Nous n'étions pas mariols et nous faisions les poires !
                                        Pensez : c'était la boustifaille qui manquait !

                                        Pas de restaurant dans ces immensités noires !
                                        Pas de Duval ! Pas de Chartier ! Pas de Buffet !
                                        Pour calmer les cris de mes dents attentatoires,
                                        Je songeais que mon boy était bien grassouillet.

                                        L'un de nous, bon tireur, couche un yack sur le sable,
                                        Un yack ! Voilà de quoi calmer notre estomac :
                                        Et, sans tergiverser, nous nous mettons à table.

                                        Nous mangeâmes nu le quart de l'animal ; mais diable !
                                        Le soir nos cœurs battaient de façon effroyable !
                                        Ca devait arriver : c'est le mal du quart d'yack.




JEAN ARP
Poète, peintre, sculpteur français 1886-1966

Les potins de l'Atelier Poésie 6 août 2009


            "C'est dans le rêve que j'ai appris à écrire et c'est bien plus tard que péniblement j'ai appris à lire"
        Ainsi s'exprime  Jean Arp dans un de ses poèmes, l'une des figures emblématiques du mouvement DADA
 Jean Arp, de mère alsacienne et de père allemand, est né en 1886 à Strasbourg en Alsace alors en territoire allemand cédé par la France après la défaite de Sedan en 1870 et revenu à la France à la fin de la guerre de 1914-1918. Après avoir suivi les cours des Arts et Métiers de Strasbourg Jean (Hans) Arp arrive à Paris en 1904. De 1905 à 1907 il étudie à l'Académie de Weimar (Bauhaus de 1919 à 1925). De nouveau à Paris en 1908 il rencontre Apollinaire et Picasso. Lorsque la guerre est déclarée en 1914 Arp s'expatrie en Suisse à Zurich où il rencontre Sophie Taeuber - qu'il épouse en 1922 - et Tristan Tzara, de nationalité Roumaine, principal acteur en 1916 de la naissance de DADA qui s'implantera ensuite à Cologne avec Max Ernst.
   En 1925 Arp est déjà aux côtés des Surréalistes qu'il quitte en 1931 pour fonder "Abstraction Création" et il se lie aux Delaunay, Robert et Sonia. En 1926 il avait installé son atelier à Meudon.
     Après le décès de Robert Delaunay en 1941 à Montpellier, Sonia Rejoint Arp et son épouse Sophie Taeuber ainsi qu'Albert Magnelli à Grasse (zone libre de la France occupée) où ils forment une sorte de colonie artistique. En 1943 Sophie Taeuber décède à Zurich, intoxiquée par le monoxyde de carbone d'un poêle à gaz défectueux.
     Sophie Taeuber et Jean Arp - DADA et le café Voltaire à Zurich - vers l'Art concret et la poésie du cœur.
       Beaucoup estiment que la première existence de DADA est née avec la performance de Tristan Tzara au début de l'été 1916 lorsqu'il "...est entré au café Voltaire portant un monocle et chantant des mélodies sentimentales devant des spectateurs scandalisés, quittant la scène pour laisser l'espace aux acteurs masqués sur des échasses, et retournant sur scène dans un costume de clown." De toute façon le ton est donné, DADA est ludique, jubilatoire, en plein conflit mondial dans un pays neutre. Le premier manifeste DADA est celui du 4 juillet 1916 d'Hugo Ball, créateur de la poésie bruitiste. On ouvre le dictionnaire et on tombe sur le mot DADA : voilà tout...A partir de ce mot Hugo Ball revendique ses propres mots et il ne veut plus des mots inventés par les autres..."Des mots surgissent ...AU.OI.U. il ne faut pas laisser venir trop de mots, mais le mot est devenu une chose en soi". Puis se suivent DADA II en 1917 et DADA III en 1918 lorsque Marcel Duchamp et Francis Picabia rejoignent le groupe.
            Sophie Taeuber - enseignante aux Arts Décoratifs de Zurich de 1926 à 1929 - est présente dès 1915 dans la sphère qui donne naissance à DADA, matrice du Surréalisme. Là, elle rencontre Jean Arp avec qui elle se marie le 20 octobre 1922, prenant le nom de Sophie Taeuber-Arp. Pour aller danser et exposer ses recherches de plasticienne en public, et principalement au café Voltaire à l'abri des regards de l'école où elle enseigne, Sophie Taeuber se présente masquée. En 1920, à Paris, Sophie Taeuber continue toujours ses recherches, suivant la trajectoire Art & Craft (1861), Art-Nouveau (1900-1906), Design (1920), jusqu'à Art-Déco (1925), et elle participe aux début de l'abstraction géométrique chez qui certains trouvent les origines de l'Art Concret : c'est la recherche du "...caractère essentiel des fleurs, des arbres, des animaux et des rochers". On la retrouve liée au mouvement Constructiviste en 1930 et, fondant son propre journal, elle l'appelle Plastique.
            Jean Arp se fait lui-même un des porte-paroles de l'Art Concret. Une première exposition a lieu en 1946 avec la participation de Sonia Delaunay mais Sophie Taeuber est décédée depuis trois ans et Robert Delaunay depuis cinq. L'aventure artistique se projette dans la seconde moitié du XX° s. : ils connaîtront tous une gloire internationale. Mais regardez Jean Arp, ce géant des théories de la modernité, comme il écrit simplement, avec le cœur, lorsqu'il s'agit de l'être chéri...de Sophie Taeuber...et qui peut prétendre que ce n'est pas là encore du très grand art, magnifique clin d’œil au Concret...tout simplement ?


Tu étais claire et calme 
(1944)

"Tu étais claire et calme                                        Je te voyais souvent de profil au travail,
Près de toi la vie était douce.                                devant la fenêtre
Quand les nuages voulaient couvrir le ciel           devant la mer lointaine.
Tu les écartais de ton regard.                                 Tu travaillais toujours soigneusement.
                                                                                Je te voyais attentivement courber la tête,
Tu regardais avec calme et soin.                            ta tête remplie des perles du songe.
Tu regardais soigneusement le monde,            Soigneusement tu trempais ton pinceau dans la couleur
la terre,                                                                    Soigneusement tu remuais la couleur.
Les coquilles au bord de mer                                 Attentivement tu traçais des lignes
tes pinceaux,                                                           Attentivement tu colorais les plans
tes couleurs.                                                            Tu respirais avec calme.
                                                                                Tes yeux rayonnaient.
Tu peignais le bouquet de la lumière                      Doucement sans trembler tu ouvrais la porte
qui croissait,                                                            vers la lumière.
s'élargissait,                                                            Je te voyais souvent de profil au travail,
s'épanouissait,                                                         devant la fenêtre,
sans cesse sur ton cœur clair.                                  devant les oliviers,
Tu peignais la rose de douceur.                               devant la mer lointaine.
Tu peignais la source d'étoiles.

                                                         Parfois tu battais des ailes et tu riais,
                                                         Tout en continuant à travailler,
                                                         Tu voulais me faire peur.
                                                         Tu faisais semblant de t'envoler
                                                         Mais ta toile avançait
                                                         Et c'était toujours un bouquet de clarté.
           
                                                         Tu es partie claire et calme.
                                                         Près de toi la vie était si douce.
                                                         Ta dernière toile était bien finie.
                                                         Tes pinceaux étaient bien rangés.

           Jean Arp  Jours effeuillés - poèmes -essais - souvenirs - 1920-1965. Préface de Marcel Jean. Gallimard 1966, p.187;
                                                                   
                                                                             
BORIS VIAN
Boris Vian en Grand Satrape : ce goût pour les facéties, hérité d'Alfred Jarry et contemporain des Surréalistes, annonce les jubilations d'Yves Klein des années 1960 et celles des artistes du Hip-Hop.
Boris Vian
Ingénieur, poète, romancier, musicien trompettiste, scénariste, comédien, conférencier, traducteur, dramaturge, etc...etc...
Boris Vian est né à Ville d'Avray le 10 mars 1920. Il est décédé à Paris d'une crise cardiaque le 23 juin 1949 lors de la projection du film tiré de son roman J'irai cracher sur vos tombes publié en 1946 sous l'hétéronyme de Vernon Sullivan (le nom d'un autre). Pour cet ouvrage Boris Vian fut condamné en 1950...
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Les potins de l'Atelier Poésie - 30 avril 2009
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  Après Arthur Rimbaud, Boris Vian est l'autre grande icône de l'émancipation oubliée de la jeunesse. Véritable "star" (en français "étoile" ou "vedette") de tous les mouvements contestataires des années 1968, et post 70, Boris Vian a profondément marqué plusieurs générations d'artistes. Certains de ses romans très poétiques mais aussi assez "Subversifs" et novateurs, comme L'arrache cœur ou L'écume des jours, étaient entrés dans les programme scolaires des lycées.
  Aux plus riches heures de la culture française et de son rayonnement international dans le troisième quart du XX° siècle, Boris Vian fut l'auteur dont l'oeuvre posthume hantait tous les esprits depuis Saint-Germain-des-Près, ceux qui fréquentaient les caves et les Cafés de Flore et des Trois Magots (existentialisme, Jean-Paul Sartre , Simone de Beauvoir, Mouloudji, Juliette Gréco, ...) jusqu'aux mouvements anti-militaristes et Hippies. Les oeuvres de Boris Vian eurent une importance considérable, même manipulées par des groupes idéologiques voulant anéantir l'influence culturelle et militaire de la France (Larzac, indépendantismes régionaux, dislocations nationales etc...). Ce qu'une certaine classe politique su très bien utiliser même si ces valeurs étaient assez éloignées de celles de leurs dirigeants bourgeois en quête de pouvoirs, comme on le vit avec la conquête des rouages de l'Etat par les générations post 68.
   Directeur artistique chez Philips, Boris Vian fut aussi chroniqueur dans Jazz Hot  et collabora avec Raymond Queneau (l'animateur phare de l'Ou-li-Po [ouvroir de littérature potentielle] avec Georges Perrec) au Collège de Pataphysique (science des solutions imaginaires) où il avait le titre "d'Eauarrisseur" de première classe [L'équarrisseur c'est celui qui dépèce les bêtes crevées impropres à la consommation. Boris Vian a écrit une pièce de théâtre intitulée Équarrissage pour tous don l'action débute avec l'atterrissage d'un parachutiste américain dans une fosse d'équarrissage au village d'Arromanches en Normandie lors du débarquement des troupes alliées le 16 juin 1944]. Bien que quelque peu oublié par les générations disco  et techno on ne peut plus regarder vers le XX° siècle sans s'arrêter sur cette oeuvre littéraire d'exception - dans un esprit un peu hérité d'Alfred Jarry (1873-1907) - qui appartient à part entière au patrimoine français et international qui préfigure des mouvements reconnus, non reconnus ou d'importance comme Hara Kiri/Charlie Hebdo, Panique, COBRA, Fluxus, Hip Hop, etc...qui forment, sans que nous en ayons conscience, une bonne part de notre sensibilité contemporaine, ou de celle contestée en relais ou en héritage des mouvements cristallisés en France autour des années 1910 puis 1960 et suivantes.
       Le déserteur - Chanson planétaire de tous les mouvements anti-militaristes des années 1970 - fut poursuivie jusqu'après la mort du poète. Le chant, dans sa version ici reproduite, est simplement pacifiste fraternelle,

                                                                      Le déserteur

"Monsieur le Président                          Depuis que je suis né                   Je mendierai mas vie
 Je vous fais une lettre                           J'ai vu mourir mon père              Sur les routes de France
 Que vous lirez peut-être                       J'ai vu partir mes frères               De Bretagne en Provence
 Si vous avez le temps                            Et pleurer mes enfants                 Et je dirai aux gens :

 Je viens de recevoir                              Ma mère a tant souffert               Refusez d'obéir
 Mes papiers militaires                          Elle est dedans sa tombe             Refusez de la faire  
 Pour partir à la guerre                         Et se moque des bombes             N'allez pas à la guerre
 Avant mercredi soir                              Et se moque des vers                   Refusez de partir

 Monsieur le Président                          Quand j'étais prisonnier             S'il faut donner son sang
 Je ne veux pas la faire                          On m'a volé ma femme                Allez donner le vôtre
 Je ne suis pas sur terre                         On m'a volé mon âme                  Vous êtes bon apôtre
 Pour tuer des pauvres gens                  Et tout mon cher passé                 Monsieur le Président

 C'est pas pour vous fâcher                   Demain de bon matin                  Si vous me poursuivez
 Il fut que je vous dise                            Je fermerai ma porte                   Prévenez vos gendarmes
 Ma décision est prise                            Au nez des années mortes            Que je n'aurai pas d'armes
 Je m'en vais déserter                            J'irai sur les chemins                    Et qu'ils pourront tirer




ALPHONSE DE LAMARTINE
Poète Français né  en 1790 à Mâcon et décédé à Passy en 1869

Contre la peine de mort, abolition de l'esclavage, loi sur la Déportation Politique

Les potins de l'Atelier Poésie - 16 avril 2009

 Né en pleine tourmente révolutionnaire un an seulement après la prise de la Bastille, Alphonse de Lamartine sera un homme politique d'envergure. D'abord monarchiste puis républicain, il écrit en 1830 un poème "Contre la peine de mort" et c'est lui signe le Décret d'abolition de l'esclavage (27 avril 1848). Ralliant la Monarchie de Juillet, et après un premier échec à la députation, il est enfin élu de 1833 à 1851. Ayant échoué face à Louis Napoléon Bonaparte aux élections présidentielles il se trouve également en difficulté avec George Sand. Lamartine vote en 1850 la loi sur la Déportation Politique.
          En contact avec la nature à Milly (le célèbre poème Milly ou la terre natale "Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?") où il passe les dix premières années de sa vie. Lamartine lit Chateaubriand (Le génie du Christianisme 1804) Horace et Virgile. De 1811 à 1812 il fait le fameux voyage en Italie que tous les hommes d'art, et de famille, cultivés, se devaient de faire au moins depuis le XVII°s. La découverte de Pompéi et d'Herculanum en 1694 et 1750 avait introduit la culture Néo-Classique, le Romantisme allait apporter du rêve et du sentiment à ces ruines : Alphonse de Lamartine s'installe triomphalement dans le Romantisme avec la publication en 1820 d'un chef-d'oeuvre accompli : Les méditations poétiques . En 1832 Lamartine fera le second voyage en Grêce, au Liban et jusqu'au Saint-Sépulcre (Voyage en Orient 1835)
          En 1816 Alphonse de Lamartine rencontre Julie Charles à Aix-les Bains mais Julie Décède deux ans plus tard. De cette expérience amoureuse naîtront "Les méditations" et bien sûr ce monument incontournable de la culture poétique
                                                    Le lac

"Ainsi, toujours poussé vers de nouveaux rivages                            "Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Dans la nuit éternelle  emportés sans retour,                                              Hâtons-nous jouissons!
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges                                   L'homme n'a point de port, temps n'a point de rive ;
             Jeter l'ancre un seul jour ?                                                               Il coule, et nous passons!"

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,                                           Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,                                      Où l'amour à longs flots nous vers le bonheur,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre                              S'envolent loin de nous de la même vitesse
              Où tu la vis s'asseoir !                                                                      Que les jours de malheur ?

T u mugissais ainsi sous ces roches profondes;                                  Eh quoi !N'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés;                                      Quoi ! Passés pour jamais ? Quoi tout entiers perdus ?
Ainsi le vent jetait l'écume des tes ondes                                            Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface
            Sur ses pieds adorés.                                                                             Ne nous les rendra plus ?

Un soir, t'en souviens-t-il ? Nous voguions en silence;                        Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,                           Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence                          Parlez : nous rendrez-vous ces extase sublimes
            Tes flots harmonieux                                                                             Que vous nous ravissez ?

Tout à coup des accents inconnus à la terre                                       Ô lac, rochers muets ! Grottes ! Forêt obscure !
Du rivage charmé frappèrent les échos;                                             Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère                                       Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
           Laissa tomber ces mots:                                                                        Au moins le souvenir !

"Ô temps, suspends ton vol ! Et vous heures propices,                       Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
          Suspendez votre cours :                                                            Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Laissez-nous savourer les rapides délices                                         Et dans ces noirs sapins, et dans ces rrocs sauvages
          Des plus beaux de nos jours !                                                               Qui pendent sur tes eaux.

"Assez de malheureux ici-ba vous implorent,                                   Qu'il soit dans le zéphir qui qui frémit et qui passe,
        Coulez coulez pour eux ;                                                          Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Prenez avec leurs jours les sons qui les dévorent,                           Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
        Oubliez les heureux.                                                                               de ses molles clartés.

"Mais je demande en vain quelques moments encore,                     Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
        Le temps m'échappe et fuit;                                                      Que les parfums légers de ton air embaumé
Je dis à cette nuit : Sois plus lente : et l'aurore                               Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
        Va dissiper la nuit.                                                                                  Tout dise : ils ont aimé !   

  

VOYAGES, CULTURE ET POÉSIE
Les potins de l'atelier Poésie - 1° avril 2010


Il est un temps pour tout : pour voyager, pour se cultiver et pour arriver. On peut inverser les choses : arriver, se cultiver et voyager. C'est la seconde option qui servit le destin du marquis de Marigny et de Ménars dont le premier très grand mérite fut d'être le frère de sa sœur. Mais l'homme avait aussi de la valeur.  
 Celui qui devait devenir le Directeur Général des Bâtiments du Roi de 1751 à 1773, battant les records de longévité à la fonction, n'était autre que le frère de la célèbre marquise de Pompadour, favorite de Louis XV.
  Ce marquis - tout comme sa soeur - était né Poisson en 1727. Lorsqu'Antoinette devint la maîtresse de Louis XV et marquise de Pompadour, en 1745, le jeune home âgé de 18 ans fut propulsé à la Direction des Bâtiments, Arts, Jardins et Manufactures. Une telle charge à 18 ans et sans formation particulière...Etre le frère de Madame la Marquise était en soi largement suffisant par le bon vouloir du Roi. Pour contourner cette question le jeune homme fut tout simplement confié au Premier Peintre du Roi, Charles Antoine Coypel. En somme le jeune homme étudiait après avoir eu le poste. En ce temps tout se faisait à l'envers, un peu comme de nos jours lorsqu'il s'agit de politique politicienne culturelle (surtout). Là où le jeune homme devient exemplaire vis-à-vis d'autres cas c'est qu'il prend conscience de la responsabilité artistique et culturelle de ses fonctions pour le bénéfice de l'Etat : il prend conscience de ses besoins de compétences. En décembre 1749 il part 25 mois en Italie faire le fameux Voyage d'Italie. le fameux Grand Tour sans lequel aucun homme ne pouvait se prévaloir d'appartenir, surtout à la cour, à la grande famille des hommes de l'art. Rappelé en France en 1751 le marquis de Marigny prend la Direction Générale des Bâtiments du Roi. Sa direction sera très positive et nous lui devons le premier prototype d'une muséographie française, avant le grand démarrage populaire post-révolutionnaire et plus sûrement du XIX° siècle par l'oeuvre du roi Louis XVIII et surtout du roi Louis Philippe, en sélectionnant dans les collections royales des pièces qui furent exposées au Palais du Luxembourg. Favorisant l'éclosion de la culture néo-classique  il fut un administrateur très avisé, protégeant le très novateur architecte Soufflot à qui il confia la construction de l'église Sainte-Geneviève. Il fit également construire l'Odéon (nouveau Théâtre Français par de Wailly et Peyre), supervisa la construction de l'Ecole Militaire, fit aménager les jardins des Champs Elysées et la Place de la Concorde ainsi qu'il favorisa la commande royale auprès des plus grands peintres français du temps (Boucher, Van Loo, Natoire...). Nommé Greffier de l'Ordre du Saint-Esprit en 1756, il reçut le "Cordon Bleu" et ses ennemis, car il en avait, dirent de lui "un bien petit poisson pour être mis au bleu".
   Le XVIII° siècle c'est celui des Lumières, de la première grande hégémonie de l'art "laïque" et du Roman en France - depuis La princesse de Clèves de Madame de La Fayette (1678) - avec Manon Lescaut de l'abbé Prévost (1697-1763) également auteur d'une Histoire des voyages en vingt volumes. Naissance du roman français. Cette naissance du roman français s'émancipe du roman picaresque (modèle romanesque en France jusqu'à Alain-René Lesage 1668-1747- Gil Blas de Santillane - 1715-1735) hérité de ce qui était né en Espagne avec le Lazarillo de Tormes (1554) suivi du Guzman de Alfarache (1599-1604) de Mateo Almain jusqu'à la consécration du genre avec Michel de Cervantes et son Dialogue des chiens (1599-1609) dont la date de publication enveloppe la première publication de son célébrissime Don Qquichote de la Mancha (1605). Le voyage en Espagne relayant celui en Italie, est un autre pôle de la culture française. Le pittoresque de l'Espagne n'est-il pas encore de nos jours, avec Roland à Roncevaux, Christophe Colomb, Don Quichotte et les moulins à vent, les corridas, les auberges (espagnoles), les tapas, les danseurs de Flamenco, les duègnes, Thérèse d'Avila en lévitation et les mystiques des nuits, les peintures de Murillo, Zurbaran,  Vélasquez, Goya, Gréco, Picasso, Dali, les architectures de Gaudy, le théâtre de Véga et les vers de Jean de la Croix à Federico Garcia Lorca, quelque chose en France de poétiquement extrêmement puissant et de présent jusque dans notre quotidien? Et ceux qui ont connu l'Espagne Franquiste - quand il fallait encore un passeport pour aller en Espagne, où les routes étaient encore des pistes dans les sierras émaillées de troupeaux de porcs gris et sillonnées d'hidalgos colorés sur leurs montures...Il y a seulement quarente ans...Tant le temps s'était immobilisé - conduisant tout une partie de l'avant garde artistique en France avec ses artistes émigrés - pour ceux qui ont visité l'Espagne en ces temps là, on croirait avoir connu ces paysages et ces peuples, avoir vécu des temps anciens et si proches...que voici...
Arsene Vernemouze (poète français 1850-1910) Paysage espagnol

"Par une route éblouissante de lumière                          Et dans ce poudroiement que soulèvent leurs bêtes,
Des muletiers enturbannés de mouchoirs bleus,               Les muletiers allègrement marchent de front,
Poussent la file lasse et grise de poussière                       Roulant avec leurs grands couteaux des cigarettes
De leurs mulets tondus aux garrots anguleux.                  Et déjà rafraîchis par le rêve qu'ils font.

Des chaumes autour d'eux, et des oliviers pales;              Car dans ce rêve ils voient la possada prochaine
Le ciel incandescent a des reflets d'étain;                         Aux vieux murs craquelés et roux comme de l'or,
Aucun souffle : on entend que le chant des cigales;           Au puits profond d'où sort, avec un bruit de chaîne,
Et du sol pelé monter un chaud parfum de thym.                Un seau ruisselant plein d'eau froide jusqu'au bord.

Sur les talus cendreux, une herbe maladive                        Ils rêvent des piments rôtis et des pois chiches
Flotte en bouquets fanés aux teintes d'amadou;                  Qu'une brune servante, en jupe jaune clair,
L'oreille guette en vain un murmure d'eau vive;                Leur servira bientôt avec de lourdes miches La route blanche fuit sous l'ardent soleil d'août.Sous les figuiers des grands patios à ciel ouvert.           
                                                         


GRIS, BRUME, PLUIE, PEINTURE ET POÉSIE

Les potins de l'Atelier Poésie


Ni blanc ni noirs, les gris des ciels de pluie et des univers embrumés sont ceux de notre vie.

    Gothique était la vogue des grisailles peintes, en vitraux, en tableaux comme en émaux. Pour les tapisseries de Francisco Goya les gris composent la joie de vivre au soleil d'Espagne et Auguste Renoir, saisi par la lumière de Méditerranée, nous entraîne dans sa magnifique sensualité, en orchestrations simples, naïves et savantes de gris : gris rouge, violines et gris-jaunes, gris-verts tendres et foncés, gris roses et rosés, gris-bleus et bleutés, gris-blanc et ivoire, gris et gris et gris et enfin Sonia Delaunay d'inventer un spectre des gris à travers quelques ronds, triangles à l'occasion, ponctués d'un orange peut-être un peu gris dans la mise en route de ses bleus sans nuages. Magie du génie de l'artiste et de sa grande connaissance de l'art, celle nostalgique qu'on oublie tant l'éloge de la fadeur (L'Eloge de la fadeur) de nos jours et ses pudibonderies de beauté ont su entraîner nos goûts dans les chiottes des fontaines de jouvences arides et asséchées - adieu Titien - entraînant les phylactères sacrés du moyen-âge en expressions contemporaines de banderoles vomitives ; le vomi remplaçant le gris, en cataplasmes de gris pour d'illusoires révolutions artistiques maniéristes et ringardes...Picasso qui hésite, abandonne à la recherche ses transitions entre le dessin et la peinture, noir et blanc, porté au rang de tableaux modernes et bien gris jusqu'au noir avec Georges Braque et Jean Degottex, après Gustave Doré, avant d'en arriver à ses gris-bleus envahissant tout par la seule couleur, le dehors et le dedans sans frontière, sans limite...que c'est beau l'univers devenu tableau...par le gris hésitant, par celui qui nous questionne encore et qui nous donne encore faim de couleurs et de poésie.
            Edith Piaf, comme une fée de la pluie, égrenant sur les continents le gris de Paris tandis que Pierre Mac-Orlan enveloppe ce qui reste de ces bouts du monde dans la poésie sans fin de ses quais des brumes. Dans ce voyage hors du temps, brouillé par la pluie et le brouillard, on s'embarque vers un voyage fantastique qui nous conduit des quais de Seine d'Albert Marquet aux toits de Paris, aux brumes abstraites des grisailles de nulle part et de partout, aux falaises de Normandie de Gustave Loiseau après les bords de mer d'Eugène Boudin à Honfleur et Harfleur où Victor Hugo allait déposer ses larmes et ses fleurs.
             Les gris de Montmartre - du mont des martyres - de Maurice Utrillo et Francisque Poulbot fredonnent un peu sur les cartes postales  des chanteuses réalistes et le monde s'en va sous les parapluies...A Cannes Jean Genêt versifie le paysage indécis du Suquet et rue d'Antibes, chez Pier Import la mode est au gris et Léo Ferré de reprendre en choeur...dehors il pleut...flip, flap, flop...jusque dans le jardin mouillé d'Henri Régnier :

                         Henri Régnier (poète français 1864-1936)  Le jardin mouillé extrait de Les médailles d'argile, 1900;  

                                                   "La croisée est ouverte, il pleut
                                                    Comme minutieusement,   
                                                    A petit bruit et peu à peu,
                                                    Sur le jardin frais et dormant.

                                                    Feuille à feuille, la pluie éveille
                                                    L'arbre poudreux qu'elle verdit;
                                                    Au mur, on dirait que la treille
                                                    S'étire d'une geste engourdi.

                                                    L'herbe frémit, le gravier tiède
                                                    Crépite et l'on croirait, là-bas,
                                                    Entendre sur le sable et l'herbe
                                                    Comme d'imperceptibles pas.

                                                    Le jardin chuchote et trésaille,
                                                    Furtif et confidentiel;
                                                    L'averse semble maille à maille,
                                                    Tisser la terre avec le ciel. 


SAVOIE ET POÉSIE
  
Les potins de l'Atelier Poésie - 29 avril 2010
        
   "Dans un coin perdu de montagne
    Un tout petit savoyard
    Chantait son amour dans le calme du soir
    Près de sa bergère a doux regard...
                                                           ...Je pars en voyage our qu'à mon retour...
                                                                                                                           ... Alors il partit vers la ville
                                                                                                                                 Et ramoneur il se fit
                                                                                                                                 Sur les cheminées dans le vent et la pluie..."
         La chanson chantée en 1950 par Line Renaud nous ramène vers le petit savoyard des Misérables de Victor Hugo et nous éloigne du folklore des provinces.
                 La Savoie c'est d'abord une province alpine dont la capitale est Chambéry, aujourd'hui en France. Cette province appartient à la grande entité linguistique occitane qui va de la France à Gènes et à Turin. Les divisions historiques politiques et religieuses se superposent, s'entrecroisent. Sur le croissant alpin et dans les pays de sa périphérie orientale deux pouvoirs sont en jeu : les pouvoirs féodaux liés à l'empire avec ses partisans les Gibelins et les partisans du Pape les Guelfes. Entre deux, les pouvoirs laïcs, les syndics, ont une importance considérable car aucun pouvoir féodal ne peut s'implanter dans ces régions sans le soutien des syndics alors que le pouvoir religieux régulier va dès la fin du XV° s., et surtout en période baroque, voir son autorité disputée par l'apparition des assemblées religieuses laïques structurées en assemblées de pénitents à vocations de services aux communautés et populations.

La Savoie gibeline au cœur de l'organisation alpine. 

    Au XIV° s. les turpitudes le la reine Jeanne 1° d'Anjou - Comtesse de Provence et Reine de Naples - entraînent de graves désordres. Sans héritier, la reine Jeanne désigne comme successeur à son trône Louis d'Anjou, frère du roi Charles V, qui fait alliance avec le comte Amédée VI de Savoie recevant le Piémont  pour prix de son alliance. La Savoie inclut désormais le Piémont dans ses territoires. Les Savoie sont des Gibelins et c'est au nom de l'empereur qu'ils entreprennent une intervention dans le sud-ouest des Alpes et qu'ils obtiennent la dédition de Nice en 1388. Cette dédition de Nice à la Savoie est votée  par les syndics niçois qui jouent ici la politique de leurs intérêts commerciaux au détriment d'une Provence en pleine désorganisation. Amédée VIII, 19° comte de Savoie, devient duc de Savoie en 1416. Depuis la dédition de Nice beaucoup de "villes" et villages du Sud-Ouest de Alpes suivent Nice sans comte ni titre. Pour réunir à la cause savoyarde des hobereaux locaux (Clans et autre) on les invite à des banquets à Nice et bien sûr une fois dans les griffes des histrions ils n'ont d'autre choix que d'adhérer à la cause savoyarde. Le comté de Nice est ainsi une sorte d'entité ou de province artificielle, entre Var et Roya, qui servira le jeu politique du duc de Savoie pour établir les limites territoriales acceptables par les grandes nations entre ses possessions, le Royaume de France et les territoires des villes italiennes, puisque l'Italie n'existe pas encore comme entité territoriale, Le couronne d'Italie, en revanche, a déjà eu une brève existence en marge du pouvoir pontifical romain. A la fin du XV° s. avec les très dangereuses prétentions des rois de France  sur le royaume de Naples hérité du roi René d'Anjou, comte de Provence, et le Duché de Milan dont le roi de France Louis XII est héritier  par sa grand-mère Valentine  Visconti, fille du duc de Milan, le duc de Savoie transfère sa capitale de Chambéry à Turin. La tutelle de la France s'exercera sur les territoires de la Savoie jusqu'à la fin du XVII° s. A cette époque apparaît un duc de Savoie hors norme, Victor Amédée II qui, déçu des reconnaissances de Louis XIV à son égard va se retourner contre lui écrasant ses troupes devant Turin en 1706 (Stupinigi). Au traité d'Utrecht (1713-1715) mettant fin aux grands conflits européens, le duc de Savoie reçoit la couronne de Sicile qu'il doit rendre à l'Empire (Espagne) en 1720 recevant en échange la couronne de Sardaigne, mais uniquement la couronne car on ne peut pas créer un royaume et encore moins un couronne là où il n'y a jamais eu de royaume (Piémont province du duché de Milan et la Savoie est un duché). Le duché de Savoie devient "Royaume de Sardaigne" sans jamais avoir possédé l'île au sud de la Corse.
               Notre petit Savoyard devient Français en 1860/61 lorsque le roi de Sardaigne coiffe enfin la couronne d'Italie et qu'il abandonne à la France (Napoléon III) le comté de Nice et le duché de Savoie ainsi que ses droits seigneuriaux sur Roquebrune et Menton qui sont intégrés au territoire français en dépossession de ces seigneuries ancestrales jadis acquises par les princes de Monaco. Seule Monaco sauve son indépendance en Principauté Sérénissime  souveraine et indépendante. Le Piémont est ainsi désolidarisé du duché de Savoie, ainsi que le marquisat de Saluces, pour être absorbés dans le royaume d'Italie  alors que le Français est toujours parlé dans la vallée d'Aoste, territoire italien. Le département des Alpes-Maritimes est constitué du rattachement du comté de Nice, de la Provence Orientale entre Siagne et Var ainsi que des villes de Menton et de Roquebrune : le Var ne coule plus dans le département qui lui donne son nom.

               Alexandre Guiraud  (poète français 1787-1847)  Le petit savoyard, le départ
(Rattachement de la Savoie à la France en 1860)

       "Pauvre petit ! pars pour la France.                           Que feras-tu mon fils, si Dieu ne te seconde,
Que te sert mon amour? Je ne possède rien.                      Seul parmi les méchants (car il en est au monde)
On vit heureux ailleurs; ici c'est la souffrance                   Sans ta mère, du moins pour t'apprendre à souffrir...? 
         Pars mon enfant  c'est pour ton bien;                        Oh que n'ais-je du pain mon fils, pour te nourrir!

         Tant que mon pain pu te suffire                                    Mais Dieu le veut ainsi, nous devons nous soumettre.
Tant qu'un travail utile à mes bras fut permis,                                     Ne pleure pas en me quittant:
Heureuse et délassée en te voyant sourire                            Porte au seuil des palais un visage content
         Jamais je n'eu osé me dire;                                          Parfois mon souvenir t'affligera peut-être...
          Renonce aux baisers de ton fils.                                  Pour distraire  le riche il faut chanter pourtant.

Mais je suis veuve; on perd sa force avec la joie.               Chante tant que la vie est pour toi moins amère
            Triste et malade où recourir ici?                                 Enfant prends ta marmotte et on léger trousseau
Où mendier pour toi ? Chez les pauvres aussi !                       Repère en cheminant, les chansons de ta mère,
Laisse ta pauvre mère, enfant de la Savoie:                             Quand ta mère chantait autour de ton berceau.
            Va, mon enfant où Dieu t'envoie.   

Mais, si loin que tu sois, pense au foyer absent                        Si ma force première encore l'était donnée
Avant de le quitter, viens; qu'il nous réunisse.                            J'irais, te conduisant moi-même par la main;
Une mère bénit son fils en l'embrassant:                                     Mais ne t'attendrais pas la troisième journée;
          Mon fils qu'un baiser te bénisse.                                       Il faudrait me laisser bientôt sur ton chemin 
                                                                                                        Et moi je veux mourir au lieu où je suis née.

          Vois-tu ce grand chêne là-bas?                                            Maintenant de ta mère entends le dernier vœu ;
Je pourrai jusque là t'accompagner, j'espère.                                Souviens-toi si tu ne veux que Dieu t'abandonne,
Quatre ans déjà passés, j'y conduisis ton père;                                Que le seul bien du pauvre est le peu qu'on lui donne!
         Mais lui mon fils ne revint pas.                                               Prie et demande au riche, il donne au nom de Dieu,                              
                                                                                                           Ton père le disait, soit plus heureux, adieu."

Encore sil était là pour guider ton enfance! 
Il m'en coûterait moins de t'éloigner de moi;                                     Mais le soleil tombait des montagnes prochaines;
Mais tu n'as pas dix ans, et tu pars sans défense                                Et la mère dit "il faut nous séparer"
          Que je vais prier Dieu pour toi !...                                            Et l'enfant s'en allait à travers les grands chênes,
                                                                                                            Se tournant quelque fois et n'osant pas pleurer.
                                                                                     


ARTHUR RIMBAUD
en kaléidoscope

Les potins de l'Atelier Poésie - 25 mars 2010

   Arthur Rimbaud est un poète Français né à Charleville le 20 octobre 1854 et décédé à Marseille le 10 novembre 1891. Il est enterré dans sa ville natale où un musée lui est consacré dans un très joli moulin brique et pierre qui enjambe la Meuse sur un pont en grand appareil.

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  La poésie d'Arthur Rimbaud est celle d'un adolescent au génie exceptionnellement précoce et tôt tari. Son oeuvre est actuellement considéré - avec celui de Stéphane Mallarmé - comme l'un des grands piliers  incontournables et fondateurs d'une importante source et part de l'art contemporain. L'influence de son oeuvre, associée à celle de l'image de l'adolescent rebelle et émancipé, est considérable et déterminante sur certains mouvements littéraires d'avant garde comme la Beat génération et la Baby Beat, deux mouvements artistiques majeurs aux U.S.A. au XX° s.


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 Arthur Rimbaud est un brillant élève qui excelle dans les compositions latines, dans ce latin dans lequel il rédige ses premières poésies connues (1869) et regardées par Sully Prudhomm (1839-1907) comme des plagiats des traductions de Lucrèce (1° s. av.J.C.) . La création littéraire d'Arthur Rimbaud dure peu. C'est une pulsion adolescence entre quatorze et vingt ans, entre 1868-69 et 1875. Ensuite le poète part en Afrique.

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Poète des massacres de guerre

    La guerre de 1870 marque l'oeuvre du poète, ne serait-ce que par son célèbre "Dormeur du val" et l'inscrit dans ces grandes épopées guerrières et tragiques dont le genre atteignit un certain paroxysme avec la retraite de Russie de Victor Hugo. [je n'ai eu connaissance de l'oeuvre d'Alber-Paul Granier  - décédé sur le Champ d'Honneur en 1917- composée de 1914 à 1916 et publiée sous le tire Les coqs et les vautours  en 2008 que pendant l'été 2010].

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La rupture à la réalité


     Sorte de pendant aux Divagations de Stéphane Mallarmé, "Le bateau ivre" (1871) est le libérateur de l'esprit littéraire et le fondateur de l'éclatement et du déchirement du poète assimilé à un navire pris dans la tempête en proie à ses visions poétiques : c'est le poète visionnaire réclamé par Aristote qui part à la conquête et au fondement de l'art moderne, c'est aussi un répondant au fameux "Nathanaël jette mon livre" d'André Gide. Le "JE" contemporain ou avant celui de la "Lettre à Izembard " (13 mai 1871) y est fondateur et double, autant du bateau que du poète qui se fondent ou se confondent dans des réalité imaginaires soudées symboliquement. Car le symbole est là par l'héritage et les voies ouvertes par Charles Baudelaire (1821-1867) et Edgar Poe (1809-1849).

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Zut, le poète est "Zutiste"

  Les Zutistes constituent un groupe très éphémère ayant eu son existence de la fin de 1871 au début de l'année 1872. Les réunions du groupe à l'Hôtel des Étrangers rassemblent Léon Valade, Charles Cros, André Gill, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud. De cette période reste l'Album Zutique qui est une féroce caricature des poètes du Parnasse dont François Coppée qui était leur véritable "tête de turc". Ce frêle épisode de l'histoire littéraire française a une très grande importance car - reformé en 1883 par Charles Cros - il revient souvent dans les sources citées d'artistes contemporains ayant travaillé dans le sillage de Raoul Haussmann jusqu'à Henri Chopin. 

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Le concept rimbaldien et l'art conceptuel

        Le concept c'est la représentation intellectuelle d'un objet conçu pa l'esprit (Larousse). Artistiquement, la réduction du concept c'est amener cette représentation dans le champ d'une réalité qui peut, le cas échéant, échapper à l'idée première de l'objet qu'on avait intellectuellement cru concevoir (bifurcation). Léonard de Vinci parlait déjà en son temps de "Cosa Mentale" [je renvois aussi le lecteur sur ce blog  aux autres articles de cette page où je développe plus précisément "l'idée" dans l'art, dont avec la rédaction de "Idée-Savoir-Faire et Poésie"]. Arthur Rimbaud avec son "JE est un autre" (1871) [pour soi-même comme pour l'autre, ou les autres qui ont chacun un autre et des autres; problème ou question de la multiplication en échiquier et multidirectionnel que reprendra  ou développera sur un autre mode Paul Kee dans ses Esquisses Pédagogiques" (Bauhaus 1925)] et des poèmes comme "Le balai", "Le Buffet", réactualise la production mentale pure et la fait entrer, avec Mallarmé, dans le champ de la pensée à matérialiser par les arts visuels mais en tant qu'idée exprimée par un très exigeant savoir-faire-forme d'art. Une bonne part de l'art du XX° s., surtout dans sa seconde moitié, sera revendiquée en tant que pur résultat d'initiation psychique sans souci du savoir-faire, sans art. Prenant appui sur l'oeuvre de Marcel Duchamp (1887-1968 - de la fratrie Villon, Duchamp-Villon, Duchamp) - un mouvement en nouvelle branche de l'héritage d'Arthur Rimbaud/Mallarmé, néo-dada et néoplatonicien (mais sans le savoir) se dessine dans les années 1960 "Conceptuel Art" qui a toujours valeur d'art contemporain avec des représentants internationaux s'identifiant entre eux par une liste officielle d'artistes conceptuels revendiquant un monopole de l'esprit de l'art détenu par le verbiage sans savoir-faire, sans art. Joseph Kosuth né en 1945 définit le mouvement conceptuel : "L'art en tant qu'idée comme idée"...et on en appelle à Kant...




PIERRE DE RONSARD
Poète Français né au manoir de La Possonnière en 1524 et décédé à Paris en 1585

Les potins de l'Atelier Poésie  23 avril 2009

  Pierre de Ronsard, cadet d'une famille de petite noblesse, est né dans le château de Couture : La Possonière [Une "couture" était une parcelle de terre cultivable. Ici la désignation de la parcelle, remarquable en cet endroit au bord du Loir, est devenu le nom de la commune. Pour une approche architectural du château voir sur ce blog mes recherches sur le passage du donjon de guerre des petits châteaux de la fin de la Guerre Cent-Ans ; 

Châteaux de la Creuse - de la fin du moyen âge - XV et XVI° siècle
http://coureur2.blogspot.fr/2011/09/une-histoire-de-lescalier-en-vis.html



1° partie - Archéologie Médiévale - Aspects et singularités du château en France à la fin du Moyen Âge (XV° et XVI° siècles)

http://coureur2.blogspot.fr/2013/10/archeologie-medievale-aspects-et.html



2° partie - Archéologie Médiévale - Aspects et singularités du château en France à la fin du Moyen Âge (XV° et XVI° siècles)

http://coureur2.blogspot.fr/2014/11/2-partie-archeologie-medievale-aspects.html

3° partie - suite des parties 2 et 3 d' Archéologie Médiévale consacrées aux aspects et singularités du château en France autour des XV° au XVI° siècles
http://coureur2.blogspot.fr/2016/04/3-partie-suite-des-parties-parties-1-et.html

Fonctions religieuses apotropaïques et traditions funéraires en France 
http://coureur2.blogspot.fr/2015/08/fonctions-religieuses-apotropaiques-et.html] 

Le petit château, niché contre un coteau boisé  en bordure de la très longue parcelle agricole pas très large, regarde le village de l'autre côté de la plaine alluviale ou la rivière (Le Loir) coule lentement,  dont le cours est orné de la fameuse Île Verte ou Ronsard aurait souhaité être enterré alors que la petite église paroissiale conserve les tombes et les gisants de quelque membres de la famille du  poète.
      En 1533 Ronsard étudie au Collège de Navarre à Paris. Il entre à la cour de France  en tant que page des Princes. Puis, quand Madeleine de France épouse le roi Jacques V d'Ecosse en 1537, Ronsard passe trois ans en Grande Bretagne. Entré à la cour de France à l’Écurie Royale en 1539, sa charge lui donne une nouvelle fois l'occasion de voyager dans les Flandres et en Ecosse. Plus tard il entre dans la suite des Secrétaires de Lazare du Baïf et c'est dans ce contexte que surviendra la fameuse querelle entre Ronsard et François Rabelais.
       La carrière de Ronsard est brutalement interrompue par une otite qui le rend à moitié sourd. Il entreprend alors pendant sept ans des études au collège Coqueret où il rencontre ceux qui formeront La Brigade, qu'on appellera plus tard La Pléiade dont le texte emblématique reste la Défense et illustration de la lanfue française, publié par Joachim du Bellay en 1549. D'abord objet de la risée des partisans de Clément Marot (les marotiques) les oeuvres de Ronsard protégées par Marguerite de France, future Duchesse de Savoie, sont vite célèbres et Pierre de Ronsard devient le poète protégé de tous les monarques.
        Nous retournons à La Possonnière pour rencontrer la fontaine Bellerie, petite fontaine de ce domaine agricole dont Ronsard fera ce poème très célèbre. Il faut, avec Ronsard, faire le lien entre la culture médiévale et les apports de la Renaissance Italienne par l'arrivée d'une nouvelle symbolique  bucolique et poétique  inspiratrice du poète (invention des nymphes et nouvelle projection du thème dans la culture française "Commandant à la mémoire que tu vives pas mes vers") et abandonner l'image antinomique de la fontaine auprès de laquelle on meurt de soif, chère à Charles d'Orléans et reprise mot pour mot par François Villon, d'avant la Renaissance Française dont les Guerres d'Italie , depuis Charles VIII (1495), marquent le démarrage décisif en France , en Val-de-Loir, puis en France.


 Pierre Ronsard, "La Fontaine Bellerie" - 1550 - Livre II - Ode IX

        Ô Fontaine  Bellerie,
        Belle fontaine chérie
        De nos nymphes, quand ton eau
        Les cache au creux de ta source                                L'été je dors ou repose
        Fuyant le satyreau                                                      Sur ton herbe, où je compose,
        Qui les pourchasse à la course                                   Caché sous tes saules verts,
        Jusqu'au bord de ton ruisseau;                                   Je ne sais quoi, qui ta gloire
                                                                                           Enverras par l'univers,
        Tu es la nymphe éternelle                                          Commandant à la mémoire
         De ma terre paternelle :                                             Que tu vives par mes vers.
         Pour ce en ce près verdelet 
         Vois ton poète qui t'orne
         D'un petit chevreau de lait,
         A qui l'une ou l'autre corne
         Sortent du front nouvelet.

               
MARIE NOËL
Écrivain et poète Française, née le 13 ou le 16 février 1883 à Auxerre, décédée le 23 décembre 1967

Les potins de l'Atelier Poésie - 28 mai 2009

    Il sont de très grands écrivains et de très grands artistes qui passent dans l'histoire de leur vivant sans faire de bruit, sans déranger personne ; rarement ou jamais reçus par le préfet pour les vœux de l'an et sans être inscrits sur les listes des affaires culturelles. Leur mort passe même inaperçue, sans bruit, comme pour Marie Noël dont le décès semblait avoir bien peu d'importance face aux événements de mai 68 qui se préparaient, pour exploser six mois plus tard. Ces artistes intemporels, rattachés à aucune école ni à aucune idéologie, sont parfois les plus grands. De la race de ceux que l'histoire incruste elle-même dans notre propre histoire, à notre insu, progressivement, avec le temps qui passe, par-delà les estimations tapageuses de ceux qui prétendent mener l'histoire, en conduisant des mouvements, en affichant les avis éclairés du moment d'idéologues prédateurs, consommateurs et épuiseurs de subventions, de spots télévisés et de manchettes de journaux qui ne laissent, strictement rien, seulement des ruines et des terres désolées et désolantes. Marie Noël ne nous a rien coûté et nous a laissé son authentique génie "Il n'y eut jamais un tel écart entre la grandeur du génie et la modestie de la personne à qui il fut accordé" lit-on sur le net.
                Il faut s'arrêter un instant, s'arrêter et rêver avec ses "monstres" de l'anonymat comme le fut une autre femme, fondatrice de la poésie américaine : Emily Disckinson (1830-1866). Marie-Noël fait partie de ces grandes figures de notre art national. Sublime et discrète, elle fut rattrapée quelques mois par la presse et la critique littéraire . Issue d'une famille non croyante elle était imprégnée du sentiment religieux dans un XX° siècle où il était de bon ton de confondre l'athée et le laïc. Marie-Noël était très croyante, de cette foi non pas belliqueuse et militante qui n'engendre que des guerres et des horreurs mais de cette foi intime, pacifiste et pure, générée par une souffrance de chaque heure, de chaque instant, à qui la divinité offre une identité, une face amie.
                Contemporaine de tous les grands mouvements intellectuels du XX° s. Marie Noël n'appartint à aucun. Ayant vécu un amour impossible et douloureux elle n'a côtoyé qu'un seul ami, politique et ambassadeur, Président du Conseil  : Léon Noël (1887-1987). Le nom de Marie Noël est un pseudonyme, elle s'appelait Marie Rouget. Le choix de son nom d'écrivain est lui-même lié à un drame : celui du décès de son frère le lendemain de Noël.
                         Malgré une correspondance avec Montherlant et Colette, Marie Noël reste de nos jours une véritable énigme littéraire. Ella a légué son oeuvre à la Société des Sciences Historiques et Naturelles du département de l'Yonne.


                                                    PETITE CHANSON
(d'après la chanson de Guilleri-Guilloré)

                                                      Mon bien-aimé descend la colline fleurie
                                                                                   De blé noir,
                                                      Très lentement par les champs pâles...c'est le soir.

                                                     Voilà mon bien-aimé!...-Suis-je bien aguerrie,
                                                                                  Aujourd'hui, la raison? -
                                                     Oui, le voilà qui passe auprès de ma maison.

                                                     Ne me regarde pas , bien aimé, je t'en prie,
                                                                                   Si jamais
                                                    Ton regard n'était pas assez doux, j'en mourrais!

                                                     Ne me dis rien, tais-toi bien aimé, je t'en prie,
                                                                                    Si jamais
                                                     Ton accent n'était pas assez doux, j'en mourrais!

                                                     Mon bien-aimé passa voilé de rêverie,
                                                                                   L'âme ailleurs,
                                                     Sans rien me dire hélas! Sans me voir et j'en meurs.


LA POÉSIE ET SON RYTHME

Les potins de l'Atelier Poésie - 22 octobre 2009 


"Moi j'aime bien la poésie du XIX° s. car je comprends ce que je lis" : la voici l'objection, la grande objection de la lecture. Je comprends...mais je comprends quoi...ce que moi je comprends....et l'autre que comprend-il ? Ah! Ce n'est pas son affaire!...Eh bien si!...En poésie la communication est la "chose" qui ne passe pas d'abord par la compréhension du texte mais par autre chose. Le poète semblant écrire avec la langue de son temps invente sans cesse une autre langue qui sera celle du futur et ce qui est mal compris aujourd'hui deviendra le lumineux langage de demain en créant une nouvelle syntaxe, re-articulant les mots qui s'usent aussi. Une langue vivante c'est une langue qui bouge, qui change, qui évolue comme un bateau évolue sur l'eau doublant caps et récifs : les fables de Jean de la Fontaine et les poèmes de Victor Hugo qui avaient peuplé nos angoisses d'écoliers et ravis à nous-mêmes nos futures émotions, empruntent des langages que nous ne comprenons déjà plus tout à fait, selon les textes. Pourtant, dans notre atelier Poésie, à Cannes, nous lisons la poésie de toutes les époques et de toutes les cultures et nous la comprenons toute. Nous la comprenons - chacun y allant de sa propre compréhension redistribuée dans le groupe par l'image, par la parole - en butant sur chaque mot (cherchant parfois aussi le sens), sur chaque vers ou quelque(s) phrase(s), jusqu'à ce que l'intelligence du rythme s'impose à nous, nous révélant l'articulation des mots jusqu'à leurs sens cachés par le génie du poète, et resurgisse en nous comme une mémoire enfouie, comme l'épitaphe inconsciente de "l'assassinat du poète" (condamné) ressuscité (sanctifié) pour nous et seulement pour nous l'espace d'un atelier, d'une rencontre fugitive et essentielle. En Atelier Poésie nous lisons avec la même aisance les langues faciles et difficiles de Rutebeuf, de Ronsard, de Viau, de Chénier, de Baudelaire, de Couté, de Bruand, d'Eluard, de Cendrars, des Garnier, jusqu'à retrouver les formes sublimées de Daniel Maximin "Damas/étoile marroneuse des voies lactées/tu fréquentes ce soir les quartiers mal famés de la lune/rebelle à ton exil:en ELLE/fille des minuits de sang mêlé", aussi fluides que celles romantiques d'Alphonse de Lamartine. Les choses de la langue avancent et se répètent dans les rythmes ; elles s'attachaient avant- hier à la romance (Verlaine), hier au jazz (Vian) : écoutons le poète, même venu d'une autre langue son rythme nous parvient...

Jack Kerouac (1922-1969), écrivain et poète américain, matelot, cueilleur de coton...
"43° Chorus" extrait de Mexico city blues (traduction française de Pierre Joris).
Jack kerouac appartient à la Beat Génération, soit à la Génération des Exclus de la société américaine, qui sera suivie par la Baby Beat.

                                                        Bop de Mexico City
                                                        J'ai le huck hop
                                                        J'ai le fugle moque
                                                        J'ai le chiri chiribim
                                                                garce garce chiante
                                                                lot

                                                        bop Chippeti
                                                             Un bruit pareil
                                                                   Comme tomber des vérandas
                                                                   De Pétersbourg bidonville
                                                                   Russie Chicago Ô Ouais.

                                                        Comme quand tu vois,
                                                                   le genre trompette, corne
                                                                   brillante à la main, la lève
                                                                   dans la fumée parmi les têtes
                                                                   auxquelles il parle, élucidant
                                                                   expliquant et s'en sort,
                                                                   fin du chorus, fixant
                                                                   le mur final
                                                                   où en Afrique
                                                                   les vieux se débinaient
                                                                   de leur propre accord
                                                                   utilisant leur Esprit-de-
                                                                          Salut immémorial
                                                                          SLIPPETTI BOP


SPATIALISME ET POÉSIE
La poésie Spatialiste n'est pas du tout de la poésie Concrète.
Pour les anthologistes qui sont curieux de poésie Concrète ou qui font ce type d'insertion dans leurs publications prétendues savantes et exhaustives, je peux les renvoyer aux Galaxies d'Haroldo de Campos, publiées par Pierre Courtaud dans ses éditions de La Main Courante.

Les potins de l'Atelier Poésie - 1° octobre 2009

  Dans les années 1960 des poètes regroupés autour du mot "Spatialisme" ont cherché de nouveaux langages poétiques. En 1948 Luiggi Fontana créé un tableau coupé appelé Spatialisme. Le nom de ce tableau va être l'objet d'une rupture en Henri Chopin (Paris 1922- Derham, Angleterre 2008) - son épouse Ecossaise Jean Ratcliff - Pierre (Amiens 1928 - Saisseval 2014) et Isle Garnier (née à Kaiserslautern -Allemagne en 1927). Le deux couples s'étaient rencontrés en 1958 autour de la revue Cinquième Saison : le titre du tableau Spatialisme ne répond pas aux objectifs des nouvelles vues poétiques de certains membres du groupe. Mais Pierre et Isle Garnier persistent et la revue Les lettres - Poésie nouvelle, publiée aux éditions André Silvaire, passe sous le contrôle et la rédaction de Pierre Garnier qui ajoute Revue du Spatialisme, dans laquelle nous retrouvons associés les artistes Allemands. En 1965, dans le N°34 de la revue, en préambule nous lisons "Le Spatialisme est l'animation poétique des éléments linguistiques sans exception. Le Spatialisme se veut un art général de la langue , des souffles aux signes non encore répertoriés". Ces artistes sont désignés comme les "nouveaux poètes phonétiques expressionnistes". Pierre Garnier rédige ses poèmes simultanément en Français et en Allemand, soit versifiés soit sous forme de pictogrammes et signes. accompagnés de quelque(s) mot(s) réducteurs de sens car un même signe ou pictogramme peut-être réemployé plusieurs fois dans des suites et compositions poétiques différentes.
     Entre Expressionnisme  et absence de sentiments les avis sont partagés, le dialogue et la recherche sont ouverts, il y a un vide à traiter et le forclos peut s'inscrire autant dans l'acte poétique que la jubilation. Henri Chopin, toujours proche du groupe et tenant de la "mécanique" - enregistrant son anthologie de la poésie sonore et créant la dactylopoésie - refuse le mot "âme" préférant celui "d'animation" pour qualifier ce nouvel élan poétique qui, dès ses origines, se diversifie en branches rayonnantes comme le "Soleil", poème de Pierre Garnier hautement symbolique du mouvement. Ces tendances portent des noms : Poésie Cinétique, Poèmes sémantiques d'action, Microstructures, Microformats, Poèmes Multidimensionnels, Poèmes Mécaniques, Permutations, etc... Mike Weaver, poète de la poésie cinétique (1963), à travers le Spatialisme définit une nouvelle voie de l'Expressionnisme (1965) : "La synthèse audio-visuelle se produit cependant parfois dans la poésie concrète , mais une complémentarité synchronique n'a pas été développée d'une manière signifiante  à l'intérieur de l'esthétique constructiviste. On trouve chez Cummings des effets performatifs, ainsi que chez les successeurs modernes du "simultanéisme"  de Henri-Martin Barzun auteur du "Chant simultané et polyrythmique. Chopin...Isle et Pierre Garnier sont les nouveaux poètes phonétiques expressionnistes. Paul de Vree - comme Arp et Doesburg - se tient entre les deux pôles ; son sens de "l'intégratie" et de "l'essentialisme" concurrence fortement son penchant surréaliste pour l'évocation et la suggestion. Mais tous les poètes de tendance expressionniste sont des poètes performatifs reliés aussi bien dans l'interprétation électronique. Le poète phonétique est naturellement concerné par le rythme musical, le poète cinétique défie le linguiste en faisant du poème un ensemble de signes animés. Le mot chez Finlay, par exemple, a une valeur de représentation, désignant et signifiant des objets, une attitude et des actions vivantes qui peuvent être directement identifiées." Weaver continue son propos et de leur côté Isle et Pierre Garnier , en référence à Vasarelly, poursuivent dans leur article Poème Mécanique "La poésie devient expérimentale et logique : elle rompt avec tout sentimentalisme".
            Allons avant le Spatialisme, à Stéphane Mallarmé (1842-1898) avec un extrait de Divagations de 1897 intitulé "Action restreinte" où le poète écrit "Ton acte toujours s'applique à du papier ; car méditer sans trace, devient évanescent...Ecrire - L'encrier, cristal comme une conscience, avec sa goutte au fond, de ténèbres relatives à ce quelque chose soit : puis écarte la lampe.
                       Tu remarqueras, on n'écrit pas, lumineusement sur champ obscur, l'alphabet des astres, seul, ainsi s'indique, ébauché ou interrompu ; l'homme poursuit noir sur blanc...avec le rien de mystère , indispensable, qui demeure, exprimé, quelque peu."
                       Revenons aux signes et pictogrammes des Spatialistes. Ces dessins qui flottent en noir ou en couleur dans la page blanche ou noire, trouvent une définition par le substantif qui accompagne le signe, comme une fulgurance, Un même signe peut-être réutilisé pour des signifiants différents réorientant le signifié poétique : la fulgurance change t-elle d'orientation, de trajectoire, ou n'est-elle que la constante du procédé en poésie devenue visuelle (passée dans le réel)? Paul Klee ( 1879-1940) avait aussi utilisé des signes, des flèches, pour tracer une trajectoire  vers un hypothétique sens et but mais pas de mot nécessaire, pas nécessairement de proposition sémantique hormis celle recevable par ses Esquisses pédagogiques (1925) et autres écrits, sousjacents, en interfaces de ses oeuvres peintes / de l'expression pur, abstraite mais non dénués du contenu sémantique des constructions plastiques (même invisible). Dans ce sens le passage de l'invisible au visible prend toute sa dimension et la réception sensible est substituée à celle de l'intellect, tout comme le rythme en poésie permet de retourner aux sens de la création poétique par les mots et l'ordre de leur constructions connues ou inconnues. La rencontre entre ces poètes Spatialistes, Klee et Mondrian (morphoplastique et  néoplastique - Cercle et Carré 1930) aussi devient alors plus évidente et on comprend qu'une grande part de la construction plastique du XX° siècle s'est organisée entre ces deux pôles de la sémantique à la poésie visuelle, d'où les revendications en oeuvres de galeries des compositions de Garnier et de Chopin. L'hypothèse du sens atteint son but au bout de la flèche et nous renvoie à l'hypothèse des sens enchaînés qui font sens, à l'hypothèse de la chaîne des signifiants jusqu'à l'atteinte incertaine d'une cible, d'un signifié qui n'existera toutefois que dans un espace de vacuité (se multipliant et se démultiplier come dans le concept rimbaldien "JE est un autre", et aussi réduction du concept), si fantasmé et retour à l'état poétique, ou cassure expressionniste si un bout du réel est atteint dans le forclos ou le jubilatoire, le plus souvent sous forme de sédiments encore à disséquer, à dénoyauter sans briser, sans cassure : la médiation se laisse concevoir en noir et blanc  sous la plume sortant son écriture de la goutte au fond de l'encrier. Peut-on alors sortir de la tautologie toute puissante de l'écriture - du signe, au mot, au sens - et construire une phrase signifiante évanescente, ou autre, visuelle qui serait aussi l'expression de toutes les voies de dépassement qui composent l'oeuvre d'art et son expansion et extension tant dans le réel que dans le fantasmé [Ceci est une nouvelle insertion sur le texte original que je n'avais pu autant développer, mais que le jeu des correspondances entre tous ces textes permet de retrouver facilement pour le lecteur attentif en recherche : revenir au premier texte "Mona Lisa, un exercice de style" et tout recommencer] (matériaux, filtres des écritures, moules culturels, héritages archaïques, mythes fondateurs, l'artiste, traces diverses..." "L'écrivain, de ses maux, dragons qu'il a choyés, ou d'une allégresse, doit s'instituer, au texte, le spirituel histrion...cherchez ou c'est quelque chose de pareil" (Stéphane Mallarmé "Action restreinte") ?   
  
Les interfaces entre le poétique et la plastique , morphoplastique et néoplastique
     C'est probablement autour des années trente qu'un prise de conscience sur ces problèmes fondamentaux de l'évolution de l'art depuis Rimbaud et Mallarmé, se cristallise dans des écrits.
          Dans la voie du "JE est un autre" Michel Seuphor écrit (Cercle et carré - N° 1 - 15 mars 1930)
       "Ce que j'entends par conscience de l'être. C'est la lente et régulière approche de notre vrai intime fondamental, c'est la connaissance qui circonscrit le soi immuable, se resserre autour de lui pour le délimiter et pour définir minutieusement son essence. Le soi immuable (le vrai humain) est la substruction de notre vie et le reflet direct du vrai universel, qui est la substruction de la nature. 10. Deux notions généralisées se partagent la nature toute entière : le beau et le vrai. Le beau c'est la nature proprement dite telle qu'elle apparaît à nos sens; le vrai c'est la loi qui la régit, le principe. Il convient d'ajouter que l'un peut-être contenu dans l'autre, mais de façon assimilée, c'est-à-dire que le vrai contenu dans le beau devient une expression du beau et que le beau contenu dans le vrai devient une qualité du vrai"

           Pour faciliter les recherches du lecteur  je donne ici les définitions de néoplastique et on comprendra ce qu'est la morphoplastique pour Mondrian dans un texte écrit dans la même revue Cercle et carré :
                  " Néoplastique, peinture des rapports par la ligne et la couleur seules, c'est-à-dire sans aucune forme limitée ni représentation particulière, est-elle encore de la peinture ?[...]S'il réussit à ne pas reproduire une forme , ce rythme libre est la plastique cachée dans la plastique de la forme. Elle se crée indépendamment de l'apparition naturelle, par le sentiment conscient de l'équilibre universel en nous."
                 Sur l'importance du rôle de la lumière dans l'art moderne et contemporain, à partir de ce nouvel extrait de Mondrian : "En art, créons une expression plastique en opposition avec la forme de l'unité apparente nuit-jour...La réalité de la forme, même au grand jour, n'est pas réelle pour nous qui vivons dans un grand jour de notre conception et d'un équilibre exact...en créant une superréalité des rapports...La vie naturelle est une répétition de nuit-jour, vie-mort (le tragique), et que la vie de l'homme n'est qu'une évolution vers l'équilibre de sa dualité"
 je renvoie le lecteur à l'introduction de ma page :
Des poèmes sur la Riviera aux couleurs des Mots d'Azur : suite des rencontres maralpines de poésie
saison 2016-2017
http://coureur2.blogspot.fr/2016/09/des-poemes-sur-la-riviera-aux-couleurs.html


PABLO NERUDA
Poète Chilien 1904-1973 - Prix Nobel de Littérature 1971

Les potins de l'Atelier Poésie - 30 juillet 2009


"Et à l'aurore, armés d'une ardente patiente, nous entrerons aux splendides villes"
C'est sous le signe de ces dernières lignes d'Une saison en enfer d'Arthur Rimbaud (1873) que Pablo Neruda place lui-même, en 1972, lors d'une séjour en France, son oeuvre littéraire et politique. Cet oeuvre, qui grandit avec l'enfant modeste d'une petite ville d'Auracante parti faire ses études dans la grande ville de Santiago capitale du Chili, sitôt commencé dont la publication débute dès 1923 sous le titre paradoxal de Crépusculaire : Pablo Neruda a 19 ans.
             Occupant des postes consulaires dès 1927, nous le retrouvons en 1935 à Madrid à la veille de la Guerre Civile. En 1940 Neruda est au Mexique. Il est élu sénateur des provinces minières du nord du Chili en 1945 mais en 1949 sa tête est mise à prix dans son propre pays et il doit s'enfuir en franchissant la Cordillère des Andes. Le prix Staline de la Paix consacre l'écrivain en 1950. Sous le gouvernement d'Allende, en 1970 il est nommé ambassadeur du Chili. Le 2 octobre 1971 il reçoit le Prix Nobel de Littérature. Tout son oeuvre est de poèmes, d'amour, d'engagement pour la défense de grandes causes humanitaires et des peuples : "Ainsi toute ma vie, je suis allé, venu, changeant de vêtements et de planète".


Les histoires des hommes, celles qu'ils racontent et celles qui par eux  racontent l'histoire à d'autres hommes sont celles, essentielles, qu'on retient par les vers du poète.
 La United Fruit Compagnie naît en 1870 avec la construction au Costa Rica d'une voie de chemin de fer par un industriel américain de 23 ans, Minor Keith. Des bananes sont plantées le long de cette voie ferrée. Avant 1870 les bananes sont inconnues aux U.S.A. mais quinze après leur introduction sur les marchés d'Amérique du Nord, la demande croissante fait exploser l'industrie des plantations en Amérique Centrale. En 1885 Keith se joint à deux autres industriels pour fonder la Boston Fruit Company. Quatorze ans plus tard cette nouvelle société fusionne avec la Fruit Company pour donner la plus puissante compagnie bananière au monde, équipée d'une véritable flotte de onze bateaux à vapeur renforcés par trente autres navires de location, la totalité constituant La Grande Flotte Blanche.
        En 1901 le dictateur guatémaltèque Manuel Estrada Cabrera accorde à la United Fruit Co l'exclusivité sur les droits postaux entre le Guatemala et les U.S.A. Keith construit de nouvelles lignes de chemin de fer et il fonde la Guatemalan Railroad Company obtenant un contrat d'exploitation et de maintenance pour 99 ans. En 1911 une compagnie rivale, l'Atlantic Fruit Company, est en faillite : la United Fruit Company détient désormais le quasi monopole  des moyens de transport et de communication au Guatemala.
              La United Fruit Companny s'étend en Colombie. En 1928 le gouvernement colombien ouvre le feu sur une importante grève des ouvriers de la compagnie bananière : il y aurait eu près d'un millier de morts.
               Alors que Jacobo Arbenz devient le nouveau président du Guatemala - élu en 1950 et officiellement investi en 1951 - la United Fruit Company détient 70% des terres cultivables de ce pays. En 1952 Jacobo Arbenz fait voter la réforme agraire  et la United Fruit Company est expropriée de 849 km/carré de son domaine agricole qui est redistribué aux paysans sans terres.

1950 : Pablo Neruda publie dans  Canto General (1), avec les fameuses "Alturas del Machu Pichu" la
" United Fruit Company"

"Quand les trompettes sonnèrent,                    d'Humble sang et de confiture,
Tout était déjà prêt sur la terre,                       Mouches ivres qui bourdonnent
Et Jéhova partagea le monde                          Sur les tombes du peuple,
Entre Coca-Cola, Anaconda,                           Mouches de cirque, mouches savantes
Ford Motors, et autres cartels                         Expertes en tyrannie.
La United Fruit Company
se réserva le plus juteux,                                  Parmi les mouches sanguinaires
le centre côtier de ma terre,                             La Frutera jeta son ancre
La douce ceinture de l'Amérique.                    Entassant café et fruits,
                                                                         Dans ses bateaux qui glissent
Elle rebaptisa ses terres                                   Tels des plateaux portant le trésor
En "Républiques Bananières",                         De nos terres submergées;
Et sur les morts en leur sommeil             
Sur les héros inquiets                                       Pendant ce temps, dans les abîmes
Qui avaient conquis la grandeur,                     Sucrés des ports,
La liberté et les drapeaux,                                Des indiens tombent enterrés
Elle instaura l'opéra-bouffe                              Dans la vapeur du petit jour :
Elle aliéna les volontés,                                    Un corps qui roule, une chose
Offrit des trônes à César                                  Sans nom, un numéro à terre,
Déchaîna l'envie,                                              Une grappe de fruits sans vie
Mouches Trujillo, mouches tachos                      Renversée sur le pourrissoir.
Mouches Carias, mouches Martinez,
Mouches Ubicos, mouches humides
       
(1)  Cette épopée a été écrite dans la clandestinité contre les accusations du président chilien, le futur dictateur Gonzales Videla qui mit à prix la tête de Neruda en 1949.
       A la suite du Prix Nobel de 1971 Le Canto Genéral "...a été défini comme "le poème américain qui donne vie aux destinées et aux rêves  d'un continent qui prend conscience de sa valeur". Les organisateurs du concert "Canto General" ont écrit "Jamais auparavant, une relation aussi forte entre un oeuvre poétique et un continent tout entier n'avait été établie. Jamais un auteur n'avait exprimé aussi intensément  et radicalement son refus de la peur et de l'oppression."
        Les "dictatures des mouches" sont les dictatures de tous ces présidents "fantoches" qui sont mis en place pour servir les intérêts des grands trusts internationaux et ici plus particulièrement d'Amérique du Nord.
  

POESIE, MUSIQUE ET CHANSON

Les potins de l'Atelier Poésie - 10 décembre 2009

"De la musique avant toute chose,/Et pour cela préfère l'impair/Plus vague et plus soluble dans l'air/Sans rien qui pèse et qui pose" écrit Paul Verlaine dans "L'art poétique" pour son recueil Cellulairement (1874).

Les générations Hip Hop et RAP, Figuration Libre, ont replacé la poésie au sein de l'expression contemporaine médiatisée, au sein du Show Bizz. On l'appelle "SLAM". Dans la culture occidentale les rapports de la poésie et de la chanson se perdent dans la nuit des temps et chaque génération y va de ses "géniales inventions". Qu'on descende ou qu'on remonte l'histoire on ne trouve qu'une permanence : pas de "vieux", pas de "neuf" dans ce domaine, tout est contemporain. C'est très surprenant.
  Un poète performeur comme Henry Chopin - auteur de l'anthologie de la poésie sonore dans les années post 60 et l'un des pères de la musique techno avec les premières utilisations poétiques et musicales du magnétophone à des fins de construction et d'invention de sons dans les années 50 - situait - lors d'un entretien qu'il m'accordait à Bagnolet, chez lui le 24 juin 2000 - les origines de sa propre création par le chant des grenouilles et des chœurs qui structuraient les représentations théâtrales dans l'antiquité.
    Hermès chez les Grecs, Mercure chez les Romains, douzième Dieu de l'Olympe, fils de Zeus et Maia, frère cadet d'Apollon, sitôt né dans la caverne d'Arcadie, partit courir le monde et inventa le même jour la lyre à sept cordes qu'il fabriqua avec une carapace de tortue  et des boyaux des vaches volées (aussi le jour même de sa naissance) au divin troupeau d'Apollon. Ayant donné sa lyre à Apollon pour le dédommager du larcin, il inventa la flûte de Pan ou syrinx (la flûte des bergers, les bergers d'Arcadie dont les Dieux furent jaloux). Hermès Dieu de l'éloquence et du bien dire, fut le premier, disait-on, à avoir formé une langue exacte et régulière, à avoir inventé les premiers caractères de l'écriture et réglé l'harmonie des phrases. Messager des Dieux Hermès est aussi celui du poète inspiré, au chant rythmé par la lyre ou par la flûte. La poésie est ce trait d'union entre le ciel et la terre. Les muses, filles de Jupiter et Mnémosyne ou Mémoire, ont leur place dans l'Olympe. Elles sont au nombre de huit  et quatre d'entre elles ont un lien direct avec le chant, la musique et la poésie. Euterpe qui présidait la musique conteste t-elle l'invention de la lyre à Hermès ou l'inspira t-elle pour créer le divin instrument à sept cordes ? Melpomène est la muse de la tragédie alors que son nom signifie  "chanter". Polymnie, muse de la tragédie, a un nom composé de deux noms qui signifient beaucoup et Hymne ou chanson. Calliope est la muse de  la poésie héroïque et de la grande éloquence. L'Illiade et l'Odyssée est le premier grand et vaste chant poétique écrit par un mortel. Ulysse enchaîné au mât de son bateau pour échapper au chant des sirènes n'est qu'une anecdote du chant homérique dans son ensemble. Dans l'antiquité grecque et romaine une ode est un poème lyrique en strophes, accompagné de musique (Les odes d'Horace, de Pindare...).
       En poésie médiévale le "lai", qui deviendra une forme poétique narrative (les célèbres lais de Marie de France), signifie "chanson". C'est d'abord une oeuvre musicale des compositeurs bretons, façonnée à partir des légendes (étymologiquement "choses à lire") de leur pays . Le monde médiéval pour désigner un récit héroïque utilise le mot "chanson" (Chanson de gestes, Chanson de Roland). Mais la chanson est aussi un thème récurrent de la poésie courtoise occitane. Le canso ou chanson  est l'équivalent médiéval des odes antiques et la sextine est encore une variété du canso. La retroensa est une chanson à refrain et la canso redonda une chanson à strophes. Le descort est une canso discordante. L'aube se rattache encore au canso mais ce n'est qu'indirectement un poème d'amour tout comme la serena. Le sirventès (chanson de Sirven) se distingue du canso par son contenu qui traite de blâme et l'endemessa est un sirventès à refrain. Pour chanter le lyrisme de la mort on préférera le planh. La romance qui sera le genre médiéval remonté dans l'histoire et préféré au XVIII° s. ira jusqu'à Paul Verlaine qui en fera un recueil : c'est un récit amoureux paradoxal : Romance sans parole. La danse et la ballade  sont des poésies à danser.
       En Espagne on donne la Sérénade et la poésie se construit, entre autre, sur le lyrisme et sur le rythme. Ceci n'est jamais aussi vrai qu'avec la grande poésie classique du drame cornélien : ardeur du lyrisme sur une musique intérieure.
       Auteur du premier quart du XX° s. Léon Brémont publie en 1924 dans l'introduction de L'art de lire les vers (p.IX) : "...avec André Chénier, Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, la musique allait prendre, dans la poésie, une importance considérable, et l'expression détestée "chanter les vers" devait fatalement apparaître." 
        Dans une préface à ses Recueillements poétiques Lamartine écrit "...Je n'ai fait des vers que comme vous chantez en marchant". Et Sainte-Beuve écrit de son côté "...Un poète lyrique...c'est une âme à nu qui passe et chante au milieu du monde...".
           Les "nanars", les bourlingueurs de la chanson française sont tout le contraire de poètes et de musiciens ignares. Bien au contraire, ils auraient pu en remontrer à bien des "bacheliers" et c'est pourquoi leur art est si riche et si pur. Ils n'ont pas hésité à emprunter à leurs illustres devanciers. Léo Ferré (1916-1993) est allé puiser chez Rutebeuf (poète français de la seconde moitié du XIII° s.) ses complaintes des griesches (ou grignons) d'yver et d'esté pour composer sa chanson Pauvre Rutebeuf (1953), chantée en Français par Joan Baez, planétaire égérie folk anarchiste américaine des années 60, de la guerre du Vietnam (1959-1975):

                   Que sont mes amis devenus                     Je crois le vent les a ôtés
                   Que j'avais de si près tenu                       L'amour est mort-e
                   Et tant aimés                                            Le mal n'a pas su seul venir
                   Ils ont été trop clairsemés                        Tout ce que m'était à venir
                   Je crois le vent les a ôtés                         M'est avenu
                  
                   Avec pauvreté qui m'atterre                     L'amour est mort-e
                   Qui de partout me fait la guerre              Ce sont amis que vent emporte
                   L'amour est mort-e                                  Et il ventait devant ma porte
                   Ne convient pas que vous raconte           Les emporta
                   Comment je me suis mis en honte            Avec le temps d'arbre défeuille
                   En quelle manière                                    Quand il ne rest en branche feuille
                                                                                    Qui n'aille à terre
                   Que sont mes amis devenus
                   Que j'avais de si près tenus                      Pauvre  sens et pauvre mémoire
                   Et tant aimés                                             M'a Dieu donné le droit de gloire
                   Ils ont été trop clairsemés                         Et pauvre rente
                                                                                     Et droit sur moi quand bise vente
                                                                                     Le vent me vient
                                                                                     Le vent m'évente
                                                                                     L'amour est mort-e
                                                                                     Ce sont amis que vent emporte
                                                                                     Et il ventait devant ma porte
                                                                                     Les emporta
                                                                                     Les emporta...



                                                      MYTHOLOGIE ET POESIE
Première partie

Les potins de l'Atelier Poésie - 20 mai 2010

     " ...et de faire enfin tous les efforts pour laisser mon pays dans un meilleur état que je ne l'ai trouvé"
Ainsi se terminait le serment que faisait tout jeune Athénien de 20 ans entrant dans la vie publique. Cette jeunesse athénienne qui apprenait les valeurs démocratiques de la Cité (Périclès V°s.av.J.C.)de la République dont un des fondements était la vertu (morale citoyenne s'entend), et fréquentait l'école obligatoire et gratuite de six à huit ans. Pendant ces deux années les jeunes athéniens apprenaient par cœur les grands textes poétiques et, au premier rang, L'Illiade et l'Odyssée d'Homère. La mythologie étaient ancrée dans l'éducation de base du citoyen Grec, et Socrate d'ajouter :"Sache ce que tu vaux, homme, et sois ton propre Dieu", et un Hellène  d'apporter sa pierre : "Si j'étais Dieu, je ne demanderais pas à mes adorateurs de m'adorer ni même de me chérir, je leur demanderais de chercher à me comprendre". En enseignant la mythologie on n'enseignait pas une religion dont on ignore le sens. Jean Richepin dans sa préface à sa Nouvelle mythologie illustrée (édition d'art et de vulgarisation F.Sant'Andréa et L.Marcerou 1920) l'expose :
                   "Ce qu'on appelle une religion comporte deux éléments essentiels, à savoir un dogme et un culte. 
Un dogme est un ensemble de croyances, fixées une fois pour toutes, immuablement.
Un culte est une mise en pratique , par des rites fixés aussi, et immuablement aussi, de ce dogme;
   La conservation du dogme et la pratique du culte ont pour ministres et officiants des hommes spéciaux qui sont des prêtres.
    Or (et voilà ce qu''il faut d'abord bien se mettre dans la tête quand on entre dans la mythologie des anciens Hellènes), il n'y avait rien chez eux qui pût donner l'idée d'un dogme ni d'un culte officiel, et la religion n'existait point.
    Sur les vieux rites pélasgiques ou sémitiques, les premiers Hellènes inventèrent, pour tâcher de les comprendre et de les expliquer, des fables, des contes, où se jouaient leur riche et prolifique imagination: mais leurs poètes et leurs artistes, brodant sur ces fables et ces contes, pouvaient les transmettre indéfiniment.
    Sauf quelques très rares exceptions, telles que la famille de asclépiades (médecins descendant d'Asclépios) et celle de Eumolpides (mystères d'Eleusis), il n'y avait pas de caste sacerdotale, composée de prêtres attitrés. Ainsi que tous les autres magistrats, les prêtres d'Athènes étaient élus à temps, renouvelables, et citoyens remplissant tous les devoirs, civils et militaires, des autres citoyens. Les sacrificateurs étaient surtout choisis, de préférence, parmi les cuisiniers, comme les mieux qualifiés pour tuer et découper les victimes offertes aux dieux".
       La mobilité de la transmission de la mythologie par des contes et des fables de poètes depuis Homère est une de ses grandes difficultés d'étude. Par ailleurs, entre autres, les Métamorphoses d'Ovide sont couramment assimilées à des fables mythologiques puisqu'elles en ont en tout point les aspects mais Ovide (43 av.J.V.) est un auteur Romain contemporain du Christ, vivant dans cette période où l'enseignement de la mythologie se prépare déjà à céder sa place au culte d'un Dieu unique avec comme support un texte dogmatique fixe et rigide valable pour tous, réunion de tous les livres à valeur d’éternité, dont la recherche et la réunion en deux volumes constitués en Bible est l'effet de la seule politique impériale de Charlemagne (Traduction de textes de l'hébreu en latin par Saint-Jérôme - Jérôme de Stridon - entre 390 et 405 a.J.C), huit cents ans après la mort du Christ et après une volumineuse productions d'apocryphes, dont beaucoup de poèmes.
         Quelle valeur en termes de langage accorder à la fameuse expression illustrant le passage des civilisations polythéistes à des civilisations monothéistes ? En fait ne devrait-on pas plutôt dire passage des civilisations a-religieuses à des civilisation politico-religieuses caractéristiques du Moyen-Âge ? Les repères seraient certainement plus justes, d'autant plus que les premiers écrits chrétiens, avant la Bible de Charlemagne, étaient des textes apocryphes de poètes (Venantius Fortunatus de la cour de la reine Sainte-Radegonde - 520-587 ap.J.C - pour ne citer que le plus célèbre) et les histoires sont elles-mêmes de jolis contes (invention de la Vraie Croix  pour citer l'une des plus connues); les inventions des reliques en sont d'autres et la martyrologie sera surtout un effet de la scolastique à partir du XII° siècle, fixant ses histoires merveilleuses au XIII°s. par la Légende Dorée de Jacques de Voragine évêque de Gènes, enrichissant considérablement les apports iconographiques byzantins préalables [voir sur ce blog l'histoire de La Vraie Icône, La Véronique La Véronique - Image ou non de la représentation http://coureur2.blogspot.fr/2012/12/la-veronique-de-la-legende-lart.html]l'imagerie du dogme Chrétien est née alors que les musulmans développèrent parallèlement un art essentiellement géométrique et floral d'où la représentation humaine est absente. Les Juifs de leur côté défendaient l'antériorité de leur religion à la naissance du Christ dont l'arborescence dogmatique allait se scinder en de multiples cultes et empires. Du temps de Jésus les groupes "religieux" étaient reconnus comme des sectes, Chrétiens y compris (Manuscrits de la Mer Morte) [voir sur ce blog (en cours de rédaction) : Vrai ou Faux. Traduction originale du manuscrit perdu de Qumram sur la Mer Mortehttp://coureur2.blogspot.fr/2015/01/vrai-ou-faux-traduction-originale-du.html] et les Juifs ne se constituèrent pas en Empire mais en peuple apatride jusqu'au 14 mai 1948 (création de l'Etat d'Israël).
                 L'aristocratie lettrée et tardive est celle qui implanta la pratique cultuelle pour un seul dieu (en exemple célèbre Sain-Martin de Tours, 397 ap.J.C.) et la villa romaine, la demeure de l'élite cultivée romaine et propriétaire des biens fonciers , est une des sources de l'architecture monastique, tout comme la salle hypostyle de l'Egypte ancienne est une des sources de l'architecture de la basilique paléochrétienne. Le grand modèle qui servira à l'Europe pour édifier  les centres intellectuels chrétiens sera celui de l'abbaye de Saint-Gall dans la première partie du IX° s. sur les terres impériales (Suisse). L'élaboration d'un modèle architectural propre à l'étude et à la transmission d'un culte et de son dogme matérialise ce passage d'une société a-dogmatique à une société dogmatique au culte défendu par les armes : l'alliance du spirituel et du temporel pour servir un unique pouvoir est la base de toutes les sociétés féodales.
                                  Horace, poète Romain, 67 av.J.C., 8 ap.J.C. - Poème XVIII du 3° livre des Odes     
     Ô Faune, amoureux des Nymphes qui te fuient,                               Tout le bétail joue dans l'herbeuse plaine
      Viens parcourir mon domaine et mes champs ensoleillés,                   Quand reviennent pour toi les Nones de décembre,
       Bienveillant quand tu arrives, bien veillant quand tu t'en vas                  En fête, le hameau se repose aux prairies
                      Pour les petits nourrissons,                                                                        Avec le boeuf inoccupé;

       Si l'année révolue, un tout jeune chevreau                                             Le loup se promène au milieu du troupeau qui s'est enhardi,
                      Tombe en l'honneur du compagnon                                             Pour toi la forêt fait pleuvoir les feuillages de sa campagne,
         De Vénus, et si au cratère ne manquent pas les flots de vin,                      Et l'ouvrier des champs prend plaisir à frapper
       Si de mille parfums fume l'autel antique....                                                                  Du pied la terre trois fois détestée.                                       
             
MYTHOLOGIE ET POESIE
Seconde partie

Les potins de l'Atelier Poésie - 27 mai 2010


   Chez les Chrétiens d'occident la croix est d'abord un symbole impérial et la Bible  en est le fondement "législatif" (en quelque sorte) sur lequel Charlemagne assoit son empire défini comme l'épée du Royaume de Dieu sur terre. C'est au nom de Dieu que l'empereur élu par les princes électeurs organise les royaumes  et que les califats (pouvoirs religieux musulmans dont le Coran est le fondement dogmatique dicté par l'ange Gabriel à Mahomet au début VII° s.) se constituent en alliance avec les pouvoirs politiques et militaires des sultans. Chez les Chrétiens d'occident le temporel échoit à l'empereur (le roi des rois) et le spirituel revient au Pape, depuis Saint-Pierre. Mais cet équilibre n'apparaît pas spontanément. En fait, face à la récupération dogmatique de la Chrétienté par l'Empereur - Charlemagne (né en 747 et empereur de 800 à 814) s'appropriant, par delà la suprématie des poètes apocryphes, la bible traduite par Jérôme de Stridon  (Saint-Jérôme, iconographie Saint-Jérôme au désert) de l'hébreu en latin au tout début du V° s., dite La Vulgate (celle qui fut rendue accessible, publique, vulgarisation du dogme) - les papes réagissaient et le Palais du Latran construit par le Pape Léon III (796-816) était une sorte de synthèse entre les modèles des demeures impériales occidentales (Aix-la-Chapelle) et orientales (Byzance). Le successeur de Léon III, le Pape Pascal 1°, alla encore plus loin en faisant installer dans les principales artères de Rome, lors d'une visite de l'empereur dans la cité éternelle (820), d'immenses mosaïques sur lesquelles on voyait l'égalité des cours impériales et papales de part et d'autre du Christ en Croix au pied duquel était le Phénix, cet oiseau qui renaît de ses cendres. Le Pape imposant face à l'empire la cour pontificale, la Croix devint un symbole Chrétien unifié dans cette fidélité du temporel au spirituel, au dogme adopté et constitué par l'empereur et au culte réglé par le Pape depuis Saint-Grégoire fondateur du rituel et de la cérémonie de la messe au VI°s. (Fondation de l'empire mérovingien en 450, Premier Empire Chrétien d'Occident qui sera relayé par le second empire Carolingien de Charlemagne " Carolus Magnus"). Trois cents ans après Pascal 1°, Pascal II, pape de 1099 à 1118, aura encore à défendre le pouvoir pontifical face au pouvoir impérial s'opposant aux empereurs Henri IV et Henri V. 
     Les grandes structures architecturales du  nouvel ordre social se mettaient en place. Le palais impérial d'Aix-la-Chapelle restait une villa (romaine) - à laquelle étaient intégrées trois nefs et une rotonde - avec des arcades en péristyles des cours intérieures ou intra-muros (atrium) dont l'architecture même, enrichie de tentures servait à valoriser les représentations impériales après la disparition progressive de l'iconographie romaine par l'effet des entrelacs et autres figures géométriques qui alimentèrent autant l'iconographie musulmane que l'iconographie chrétienne orientale et occidentale. Les croyances païennes persistaient avec les héritage gaulois et des autres anciennes provinces de l'Empire ou périphériques, et ce que le monde romain avait apporté de civilisation survivait aussi. Le Latin était la langue de l'église et des lettrés.
       C'est pendant la fondation de l'Empire Carolingien, que le recours aux images se différencie entre église orientale et église occidentale.
       En Orient le culte de l'image fixé en icônes conserve une représentation stricte, dogmatique (Nicée 787). En Occident Charlemagne rend la liberté aux artistes et l'image (religieuse) ne doit servir qu' "à l'ornement et à la mémoire des actions passées".
        Le XI° siècle est le théâtre de révolutions architecturales très importantes où la symbolique va prendre encore une nouvelle place à travers l'émergence conséquente de la sculpture dans l'architecture. Auparavant, l'ornement monumental était resté lié aux valeurs murales romaines (jeux d'appareils hérités des "opus" romains, entrelacs, mérovingiens, placages ou les lésènes et les bandes lombardes avaient une place de choix, peintures à fresque...). Au XI° siècle l'architecture s'oriente vers une remise en question  de plus en plus importante des valeurs murales et elle seront même richement peintes comme sur les façades harmoniques de l'Ouest de la France , associant les réseaux architecturaux  rythmés aux programmes iconographiques sculptés et peints, écrans des volumes intérieurs de l'édifice.
       Le besoin de trouver de nouveau supports articulés et sculptés prédisposait l'architecture à rechercher ses sources dans les ordres de l'architecture antique et bien sût à en adopter l'ornement. Le cavalier romain trouve une place de choix dans la statuaire médiévale. Les bestiaires médiévaux sont ceux d'un auteur du II°s.ap.J.C. appelé Physologius (le naturaliste), transformés par l'interprétation biblique (exégèse). Les feuilles d'acanthe du chapiteau corinthien (crées selon les hypothèses par Callimachos sculpteur Grec du dernier quart du V° s.av.J.C.) se retrouvent dans l'architecture romane de la tour-porche de Saint-Benoit-sut-Loire par les modèles que l'abbé fait aller chercher à Rome et que le sculpteur  Umbertus (Umbertus fecit) signe au début du XI°s. aux côtés des représentations de la Vierge et de Saint-Martin de Tours.
            Dans la panthéon médiéval les divinités antiques campées dans un jardin extraordinaire ne sont jamais autant mises à l'honneur avec les auteurs, que dans cet énorme poème composé par deux poètes successifs - Guillaume de Lorris et Jean de Meun - du XII° au XIII° s., appelé Le Roman de la Rose. Ce roman est le poème fondateur de l'essentiel de la culture littéraire occidentale moderne. L'extrait qui suit ne glisse que lentement de l'environnement traditionnel (Hortus déliciarum du poète Venantius Fortunatus VI°s. ap.J.C.) médiéval vers les références et sources antiques. Plus loin dans le poème l'appel aux auteurs antiques et à la mythologie est plus clair.
             La traduction en prose du poème en vers nous entraîne d'abord dans le jardin merveilleux jadis chanté par les vers des poètes apocryphes : " Une nuit je rêvais que j'étais en cette saison délicieuse , où tout être s'agite sous le coup de l'amour...L'envie me vint de sortir de cette ville pour entendre la musique des oiseaux...Enjoué, gai et plein de joie, je me dirigeais vers une rivière...Le cours en était moins important que la Seine, mais il était plus étalé. Jamais encore je n'avais vu cette eau dont le courant était si beau...Après avoir parcouru un bout de chemin, j'aperçus un verger vaste et étendu, entièrement clos d'un haut mur crénelé, qui à l'extérieur était peint et sculpté de nombreuses et superbes représentations. J'examinais bien volontiers les images sculptées et peintes sur le mur...Dans le mur je vis la Haine...elle ressemblait plutôt à une femme hors de sens...A côté se trouvait une autre figure...Félonie...à côté à droite... Vilenie...après Convoitise...une autre...Avarice...après Envie...à côté...Tristesse...ensuite Vieillesse...hypocrisie s'appelait Papelardie...la dernière figure représentait Pauvreté...pentes avec des couleurs d'or et d'azur...Le mur était haut et tout à fait carré, et ce qu'il enfermait à la place des haies, c'était un verger, qui n'avait pas été fait par un berger...jamais lieu ne fut aussi riche en arbres et en oiseaux chanteurs...me demandant quel artifice et quel stratagème auraient pu me faire pénétrer dans le jardin...Je découvris un portillon bien fermé...Enfin une jeune fille m'ouvrit le guichet qui était en charme : elle était de très noble allure et belle...Ceux qui me connaissent dit-elle, m'appellent Oiseuse...Je suis l'amie intime et la compagne de Déduit, le gracieux, l'aimable. C'est le propriétaire de ce jardin, qui a fait apporter depuis la terre d'Alexandrie ces arbres qu'il y a fait planter...cet endroit était si plein de délices qu'il paraissait surnaturel...en aucun paradis on se serait senti mieux que dans ce verger..." et tout le poème, tout au long de ses 21677 vers, est en dualités allégoriques en force du bien et forces du mal, de l'extérieur sauvage à l'intérieur des délices.



MYTHOLOGIE ET POESIE
3° partie - Hégémonie du pouvoir royal

Les potins de l'Atelier Poésie - 10 juin 2010

   La lumière allait pénétrer le monde obscur du Moyen-Âge. L'abbé Suger à Saint-Denis ouvrait le chœur de l'abbaye de Saint-Denis : en 1120 l'architecture gothique était née inondant l'église de lumière somptueuse filtrée par des vitraux  aux bleus précieux de Lapis-Lazulis broyés. "Montjoie Saint-Denis" criaient les chevaliers français écrasant à Bouvines le 27 juillet 1214, au nom du Roi de France Philippe Auguste, les troupes impériales d'Otto von Brunschsweig. Le prestige du Roi de France supplante celui de l'Empereur  et l'art gothique, art français par excellence, se répand dans toute l'Europe.
   Lorsque le Roi Philippe Auguste accède au trône le domaine royal est réduit à l'Île de France. A la mort de Philippe Auguste en 1223 le domaine royal a quadruplé sa superficie. L'histoire des croisades, des luttes de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion, contre Jean Sans-Terre, contre l'Empereur Frédéric Barberousse et contre le Sultan Saladin sont des monuments forts de l'hégémonie de la culture française par laquelle La chanson de Roland (1065) devient une sorte d'oeuvre nationale faisant obstacle à La légende du roi Arthur appropriée par les Plantagenets rivaux en France des Capétiens  (famille royale française de la fin du X° s. à la fin du premier tiers du XIV° s.). Philippe Auguste fait construire le premier Louvre qui assoit le pouvoir royal sur le droit romain issu des collégiales royales et des Universités également dirigées par le clergé régulier. En 1205 le terme "Royaume de France" fait désormais partie de tous les textes de l'administration royale. Pour mener sa reconquête le roi de France met au point une architecture militaire de tours standards appelées "Tours de la Reconquête". Le donjon et son château deviennent une sorte de de symbole architectural durable du royaume de France et il n'est pas de "tour romane" (XII°s.) qui ne soit réellement édifiée qu'au XIII° s. Apparaissent alors en France deux vecteurs de l'architecture : d'un côté l'église gothique à la conquête de gigantesques hauteurs ouvre ses parois murales d'immenses verrières colorées et historiées de nouvelles scènes religieuses, et d'un côté l'habitat seigneurial qui s'enferme dans de lourdes murailles où les décors de peintures à fresque vont parfois trouver une place aux cotés des tapisseries monumentales, en marge d'autres survivances de peintures murales dans les églises  rurales gothiques  conservant de grandes valeurs murales (Paulhac/Creuse et églises de commanderies et autres ordres militaires, voire d'ordres religieux conséquents, étant entendu que le cistercien n'interdit pas formellement le décor malgré les points de vues divergents de l'abbé Suger et de Bernard de Clairvaux sur le sujet). La commande religieuse supplante la commande royale et privée, et le décor de la demeure tend même à devenir un privilège ou une exclusivité de la demeure royale, qui ne sera véritablement remise en question qu'au XV° s. avec le Palais Jacques Cœur à Bourges.
      De son côté la papauté va subir une première grave crise et ce sera le Grand Schisme provoqué par l'élection de deux papes : Urbain VI soutenu par l'Angleterre et l'Empire, et Clément VII soutenu par le roi de France et la reine Jeanne de Naples. Avignon devient un autre siège pontifical, parallèle à celui de Rome, de 1378 à 1417, et cette cour papale, luxueuse, est un vecteur et un foyer des tendances ornementales. Cette période des XIII° et XIV° s. en relais des cisterciens défrichant les grands domaines agricoles est également celle de l'hégémonie des ordres mendiants (Franciscains, Bénédictins), de la survenue de nouvelles iconographies avec le culte croissant des saints apocryphe de la Légende Dorée de Jacques de Voragine. La scolastique règne sans partage sur l'Eglise mais voilà que les auteurs antiques viennent jeter un trouble dans le dogme et surtout la philosophie platonicienne qui établit le règne de l'idée avant la naissance de l'homme et lui survit après sa mort. Le monde antique pénètre jusqu'au dogme catholique avant les premières remises en question des protestants au XVI°s. (Réforme et Contre-Réforme). La philosophie des califats vient s'installer doucement dans ce bloc qui explose (Averroès du califat de Cordoue - 1126-1198).  
     Les grandes tendances architecturales de l'art roman de l'Ouest de la France (tours lanternes) et gothique (sens de la lumière et niveaux intérieurs d'élévations) entreront en composantes sensibles et majeures des structures initiales et caractéristiques de l'architecture baroque qui se formera peu à peu tout au long du XVI° s. en péninsule italienne et qui explosera en Europe au XVII° s. 
      L'art de la Renaissance qui va ramener de façon conséquente la mythologie dans l'art occidental se veut pourtant une réaction à l'art gothique français au début du XV° s. en Italie : Santa-Maria deï Fiori à Florence en marque une sorte de point de départ.
       L'art français ne découvrira l'art de la Renaissance Italienne qu'avec les Guerres d'Italie de la fin du XV° s. et la première trace "Royale"  apparaît dans les clés de voûtes du château royal d'Amboise  auprès duquel Léonard de Vinci décède en 1519 (Clos Lucé). 
      De leurs côtés les troubadours du sud de la France (Provence- XII°s.) exportent leur art et l'amour courtois en Toscane : au XIII° s. l'oeuvre de Dante en est le premier éclat. Mais les échanges sont bilatéraux et le genre poétique "sonnet" qu'on confond d'abord en France avec le "son" de la "chanson" est inventé par Giocomo da Lentini à la cour du roi Frédéric II de Sicile (1272-1337). Pétrarque (1307-1374) consacre le sonnet comme un grand genre de la poésie amoureuse mais le sonnet n'arrive en France  que vers 1530 (Mellin de Saint-Gelais) et il est tout de suite repris par Clément Marot (né à Cahors en 1497 et mort à Turin en 1544) qui réhabilite François Villon (1431, après 1463 et qui n'a pas connu le sonnet) en faisant publier ses vers en 1532.
   Les études modernes tendant à montrer que le vecteur royal, même s'il a té déterminant à partir du Val de Loire et du Poitou, n'a pas été le seul, en plus des références antiques que Le Roman de la Rose avait abondamment utilisées demeurent, et François Villon, avant d'être chanté par le "divin" Brassens, en témoigne avec sa fameuse :


 Ballade des dames du temps jadis   

                           Dites moi où, n'en quel pays                         La reine Blanche comme lis
                           Est Flora la belle Romaine                           Qui chantait à voix de seraine,
                           Archipiada, né Thaïs,                                    Berthe au grand pied, Biétris, Alis,
                           Qui fut sa cousine germaine,                        Haremburgis qui tint le Maine,
                           Echo, parlant quand bruit on mène              Et Jeanne, la bonne Lorraine
                           Dessus Rivière ou sus étang,                         Qu'Anglais brûlèrent à Rouen
                           Qui beauté eut trop plus qu'humaine            Où sont-ils, où, vierge Souveraine?
                           Mais où sont les neiges d'antan ?                 Mais où sont les neiges d'antan ?

                           Où est la très sag Héloïs,                              Prince, n'enquérez de semaine
                           Pour qui châtré fut et puis moine                 Où elles sont, ne de cet an,
                           Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?                 Qu'à ce refrain ne vous remaine:
                           Pour son amour en cette épreuve,                Mais où sont les neiges d'antan ?
                           Semblablement où est la reine
                           Qui commanda que Buridan
                           Fut jeté en un  sac en Seine ?
                           Mais où sont les neiges d'antan?


MYTHOLOGIE ET POESIE
4° partie - De Venise au cœur des empires aux origines du monde moderne.

Les potins de l'Atelier Poésie - 17 juin 2010


  Le Golfe de Venise constituait un monopole commercial de Venise en Adriatique et s'étendait à peu près d'Ancône à Zara ville de Dalmatie. Le royaume de Dalmatie/Croatie, est conquis dans la première moitié du XII° s. par le roi de Hongrie à la recherche de débouchés sur la mer. Zara se donne à la Hongrie en 1170. Elle est reconquise par les Vénitiens qui la rendent à la Hongrie en 1186.
   La confusion dans laquelle est plongé l'occident, suite au décès prématuré de l'empereur Henri VI - laissant un fils mineur et une impératrice Sicilienne - affaiblit les pouvoirs occidentaux qui sont contraints de négocier avec Venise pour acheminer en Orient la Quatrième Croisade soutenue par le roi de Hongrie. Le doge Dandolo, devenu par contrôle du convoi maritime le véritable maître de la Croisade, pose comme condition du service de la flotte vénitienne la reconquête de Zara. Après un siège de quelques jours Zara se rend (novembre 1202). Prétextant la période d'hiver et l'expiration du contrat maritime entre croisés et Venise en juin 1203, Dandolo, ayant mobilisé les troupes dans la ville reconquise, va utiliser à son profit un projet de réduction de Constantinople afin de s'assurer la maîtrise du commerce vers l'Orient. Constantinople succombe en 1204 et les Vénitiens obtiennent la moitié du butin de guerre qu'ils mettent quatre ans à acheminer vers Venise. Ce butin considérable est un véritable déplacement de la culture byzantine en occident et bien sûr en premier chef à Venise.
     Le démantèlement de l'Empire Byzantin partagé entre Venise et le Nouvel Empire Latin, dont Baudoin de Flandres reçoit la couronne, sonne le glas d'un impérialisme culturel oriental qui aura duré jusqu'au XIII° s. et qui va survivre dans les fondements, dans les bases de l'art italien qui se constitue, comme on le voit dans la peinture du duecento qui va bientôt influencer l'Europe.
       Au moment où la suprématie du roi de France  s'étend sur l'Europe avec l'art français - l'art gothique - voici qu'en péninsule italienne se constitue une sorte de contre culture revivifiant les vecteurs antiques orientaux. La rencontre des trouvères (du nord de la France en langue d'oïl) et des troubadours (du sud en langue d'oc qui allait jusqu'à Gênes et Turin) dans les châteaux d'Aubusson, de Comborn et de Ventadour dans le centre de la France, avait constitué la langue française., rompant avec la suprématie du latin, alors que l'amour courtois provençal essaimait vers la Toscane à la conquête de l'Italie qui renvoyait l'art du sonnet sicilien en occident en même temps qu'elle véhiculait déjà les premiers caractères iconographiques orientaux que l'occident allait s'approprier (Christ Pantocrator, Haricot byzantin). La grande chronique en langue française et en vers de Geoffroy de Villehardoin allait fixer dans les vers du poète le récit de cette fabuleuse conquête de Constantinople et la rencontre brutale du monde gothique et du monde byzantin.
        Jusqu'au tout début du XV° s. la conquête de la scolastique incruste le culte des saints dans l'iconographie occidentale qui s'enrichit des apports byzantins. Dans le villes de la péninsule italienne des écoles culturelles et notamment de Peinture  se constituent de façon extrêmement puissante (Sienne, Venise, Florence, Rome, Gênes...) Ces artistes circulant en péninsule créent des liens entre les villes et tel foyer influencera tel autre. Les échanges avec le nord de l'Europe sont également très riches  et bientôt les inventions du nord vont être appropriées par le sud et inversement, tant et si bien que le XV° s. est ce siècle étonnant où la culture française n'en finit pas d'évoluer de gothique en gothique rayonnant et flamboyant jusqu'au XVI° s. influençant même Venise. Milan, Assise, alors que naissent en Italie les oeuvres de Giotto puis de Masaccio, inventant de nouveaux sens de l'espace, rompant avec la verticalité gothique, préparant l'arrivée et la réception de la perspective , partant à conquête d'une nouvelle humanité et cherchant déjà des formes de peintures transportables différentes de celles des écus et des polyptyques en bois (tavola), voire la fresque conjuguée à d'autres arts comme la sculpture ou la mosaïque...Un autre art, omniprésent dans le monde médiéval depuis le roi Childebert et la reine Ultrogothe (seconde moitié du VI°s.) chantés par le poète Venantius Fortunatus, est celui des jardins qui est une source et un vecteur puissant d'iconographies "profanes" déjà rencontrées dans Le Roman de la Rose (XIII° s.). Ces jardins sont aussi des lieux de fêtes, grandes consommatrices de fabriques colorées et de fantaisies comme les automates et les décors illusionnistes, dont la maîtrise revient au peintre même pendant la Renaissance (Léonard de Vinci) , la période baroque (Bernardin Mimault) et après la Révolution Française au XIX° s. avant que l'architecte décorateur  n'en prenne une bonne part (Jacques-Ignace Hittorf).

       Le monde médiéval est un monde plein de surprises...alors qu'on s'achemine vers les nymphes de Fontainebleau voilà que revient du fond de la mémoire Œdipe du roman de Thèbes, l'un des trois grands romans médiévaux de manière antique en vers français : Thèbes, Enéas et Troie...

                                 Œdipe, le Sphinx et Jocaste est un poème en vers, anonyme, écrit en langue française vers 1150. Il est composé à partir de  la Thébéïade de Stace avec des emprunts à Ovide et à Silius Italicus :

Œdipe ne demeure pas tranquille                              Il avait inventé une devinette
Il va vers Thèbes à grande allure                              Qu'on en devinait d'aucune manière,
Et dit qu'il n'aura fin ni cesse                                    et néanmoins il octroyait
Jusqu'à ce qu'il ait trouvé son père.                          Que si un homme la devinait,
Tout près de Thèbes, dans une montagne                  celui-ci prît lors de sa vengeance
Haute, de roche vive et bien ronde,                           et que lui-même perdit la tête sur le champ:
Logeait un diable                                                       si l'homme ne pouvait deviner l'énigme
Qui était cruel à enragé:                                           Il serait sûr de perdre la vie:
On l'appelait le Sphinx dans le pays                         [...]
Il avait tué maint gentil homme                                 Œdipe le vit grand, corpulent et fort
                                                                                   Alors il eut une frayeur de mort  


                MYTHOLOGIE ET POESIE
5° partie  - La Renaissance : les Humanistes à la rencontre des grandes inventions du quattrocento (XV°s.)

Les potins de l'Atelier Poésie - 24 juin 2010


   Les érudits, les lettrés du Moyen-Âge avaient montré leur attachement à leur héritage antique. L'art du poète avait bien su fait naître la Chanson Médiévale, chronique des hauts faits d'armes de la chevalerie, la pastourelle chantant l'amour courtois et autres chansons et chansonnettes. Toutefois, jamais une rupture radicale ne s'était produite avec le monde antique même en architecture avec le retour du chapiteau corinthien qu'on était allé chercher de France en Italie pour trouver des répertoires de sites alors que l'édifice religieux français avançait vers de nouvelles articulations qui allaient amener à la transparence gothique et aux dentelles de pierre dans une sorte de confusion des structures architecturales et des programmes sculptés et colorés. La sculpture gothique qui parvenait à un très haut niveau d'exécution et de conception préparait la suprématie de la sculpture monumentale ornementale française et du recours à la stéréotomie pendant sa période classique du XVII° s. Dans le royaume de France , au Moyen-Âge la peinture se réfugiant dans des supports nouveaux s'était en fait enrichie par le vitrail, le carton de tapisserie, la miniature, l'émail, l'enluminure, le polyptyque et tous ces arts étaient arrivés à un degré de perfection jamais atteint et même ignoré dans le monde antique. Mais tout cela semble "barbare" à une classe intellectuelle active en péninsule italienne prônant un retour à l'antiquité romaine  et qu'on appellera les "Humanistes", enseignant la rhétorique et la grammaire antique, fondant les académies. Le poète Pétrarque (1304-1374) fut le premier d'entre eux à relever les inscriptions romaines. C'est ce mouvement des Humanistes qui va essaimer de l'Italie vers l'Europe et bien sûr vers la France au XVI°s., qui est le véritable mouvement culturel de la Renaissance situant l'homme au cœur du monde (humanité). Mouvement culturel qui, en ramenant Platon au devant de la scène intellectuelle et son monde des idées précédant la naissance  et survivant à la mort, va être un des vecteurs de la réflexion de la Réforme au XVI°s. Ce mouvement ne s'implante que peu à peu alors que l'art gothique international et plus tard flamboyant continuent une belle carrière même au XVI°s et dans certains cas jusque tard dans le XVII°s. Ce terme de "Renaissance" apparaît assez tardivement et il est seulement consacré au XVI°s. sous la plume du peintre Giorgio Vasari (1511-1574) fondateur de L'Académie de Dessin de Florence  en 1563, rédigeant de 1560 à 1570 à la demande du Grand Duc de Médicis la première histoire de l'art au service de la gloire de Florence et de la Toscane. En fait cette histoire des artistes florentins avec quelques incursions dans les autres foyers de la péninsule dont Venise, est une sorte d'épopée à la gloire des artistes italiens et principalement florentins pendant la période  gothique jusqu'au Concile de Trente qui marque la fin du Moyen-Âge et l'entrée dans le monde moderne. Ce monument littéraire s'intitule Vies des Meilleurs peintres, sculpteurs et architectes  : l'artiste d'excellence est italien. 

             Toutefois, la résistance de la péninsule à la pénétration de l'art gothique français est à regarder d'un peu plus près. Elle est un peu moins radicale qu'on a coutume de le penser. Le gothique de vecteur cistercien qui conserve de grandes valeurs murales à l'édifice, et qui n'est pas du tout un obstacle à l'ornement, s'implante en Italie du nord de façon  significative en même temps que dans les sud-ouest des Alpes (françaises, provençales au XIII° s.) et crée, avec l'autre apport du gothique international une sorte d'unité culturelle à partir du XIII° s. jusqu'à l'aube du XIV°s. alors que démarre l'hégémonie des ordres mendiants construisant et décorant leur église en gothique (terme qui n'existe évidemment pas au Moyen-Âge puisque ces classifications sont du XIX° siècle) comme à Assise. L'ornement des chapelles peintes du sud-ouest des Alpes témoigne de ces liens avec les différentes pénétrations de l'art gothique en Italie du Nord qui l'enrichit et le singularise de façon significative avec des peintres comme Giotto. Ce dernier va créer une véritable Ecole qui se perpétuera sur plusieurs générations jusqu'au XVI°s.
                     L'art de la composition du tableau "gothique" depuis les révolutions humanistes de Masaccio et les boîtes spatiales de Giotto - toutefois plus inscrites dans l'art de décorer les cathédrales gothiques du royaume et celles qui essaiment en Europe,  qu'on ne le pense généralement - avaient constitué un terrain de réception particulièrement favorable à des nouveautés dont la peinture à l'huile venue du nord de l'Europe à la rencontre de la perspective qui va totalement révolutionner l'art de la perception et de la représentation du monde. L'art du peintre, qui ornait les écus (armoiries), va également se répandre sous forme de petits formats  transportables appelés " Tavola" qui sont de petites peintures su bois donnant leur nom au tableau moderne. La production de ces petits tableaux alimente en plus une nouvelle branche commerciale des marchands ambulants d'est en ouest et du nord au sud de l'Europe à l'origine de collections privées qui commencent à se constituer dans les "studioli" des grands aristocrates. Les grandes familles italiennes collectionnent aussi les monnaies et les médailles antiques, les copies car à la Renaissance l'art de la copie est un art majeur, et de nouvelles formes d'art qui s'implantent  de façon significative comme la majolique et la marqueterie. Le phénomène des 'collectionneurs" date aussi de la Renaissance. De leur côté, l'imprimerie et l'art de la gravure prennent un essor  jamais connu par le passage des incunables tabellaires (plaques de bois gravés) au caractères mobiles en plomb (Gutenberg 1454) qui vont être à l'origine d'une diffusion sans précédent d'idées nouvelles et de répertoires nouveaux, que ce soit par les livres, par les tissus imprimés, par les gravures à encadrer ou par les cartes à jouer.
                La Renaissance Humaniste Italienne et les productions des artistes du quatrocento vont bientôt se confondre dans cette même et unique expression "La Renaissance" qui va faire pâlir d'envie les premiers conquérants de la péninsule une fois l'Anglais chassé hors de France  considérablement agrandie jusqu'aux portes de l'Italie, et l'hégémonie des Sultans une nouvelle fois contenue aux portes de l'Europe  grâce à la collaboration de Pierre d'Aubusson appelé "Le bouclier de la chrétienté" et des chevalier de Rhodes lors de la très difficile succession de Méhémet II entre ses deux fils Bajazet et Zizim, à la fin du règne de Louis XI;
                     Pétraque (1304-1374) est le tout premier humaniste aux origines de la Renaissance. C'est par lui que le sonnet inventé en Sicile arrive en France au XVI°s. Pour comparaisons avec de grands prédécesseurs : Dante (1265-1421 - Héritage troubadours provençaux) et Giotto (1267-1337) fondateur en Italie d'une école de peinture en période gothique qui durera jusqu'à l'aube du XVI°s.).

                           Sonnet de Pétrarque (traduction)

                      Que de fois, tout en pleurs, fuyant le genre humain,
                      Et me fuyant moi-même en mon charmant asile,                    Tantôt elle s'élance en nymphe vaporeuse
                       J'inonde ma poitrine et l'herbe du chemin !                                   Sur les flots argentés de la Sorgue écumeuse,
                       Que de fois mes soupirs troublent l'air immobile !                          Et s'assied près de moi sur ses bords enchanteurs;

                      Que de fois, seul, en proie à mes rêves d'amour,                             Tantôt d'un pied léger, son image chérie,
                      Au fond d'un bois épais et d'une grotte obscure,                              Agite doucement les fleurs de la prairie,
                       Je cherche autour de moi cette femme  si pure                                Et semble à mon aspect prendre part à mes pleurs
.
                      Qui me ravit la tombe où j'aspire à  mon tour ! 
Mag-Bert  - Les années de la Terre qui meurt


MYTHOLOGIE ET POESIE
6° partie - Renaissance italienne et quattrocento (XV°s.):quelques grands repères

Les potins de l'Atelier Poésie - 7 juillet 2010

  La recherche par les humanistes des textes de l'antiquité permit la mise à jour du traité d'architecture de Vitruve, le De Architectura. Jusqu'à l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles et même jusque vers la fin du XV° siècle le traité circule sous forme de versions manuscrites et de traditions orales. Puis, le traité est successivement publié en 1486, 1496 et 1497. Sa première version illustrée est celle de Fra Giocondo (1511) suivie de celle traduite en italien par Cesariano (1521). La grammaire architecturale de Vitruve est fortement analysée par Raphaël (inventeur des bossages plats qui auront tant de succès à Versailles et dans tout le classicisme français) mais les questions posées par la mise en dessin des théories vitruviennes n'apportent finalement des solutions que dans l'édition de Barbaro (1556) que reprend Vignole pour établir sa célèbre théorie La regola delli cinque ordini (1562) qui connaît plus de 250 éditions. Pour leur part Les quatre livres de l'architecture de Palladio sont plus tardifs (1570). Le retour aux ordres de l'architecture antique (base, colonne, chapiteau, entablement, fronton) impose une recherche de logique géométrique architecturale appelée "proportions" (déjà présent dans les règles de la perspective depuis Brunelleschi et Alberti) où intervient le module qui est le rapport géométrique entre la demie-colonne et sa hauteur, variant suivant les ordres grecs, dorien, ionique et corinthien auxquels l'art romain ajoute le composite et le toscan. Plus tard, en France, après le traité de Bullant de 1564, Philibert de l'Orme invente dans son traité de 1567 son propre ordre d'architecture. Le quattrocento apporte donc le dessin d'architecture réglé par la règle et le compas suivant les théories des mathématiciens antiques qu'on redécouvre dans le courant humaniste. Le retour aux ordres antiques enrichit et donne son esthétique au calcul des proportions qui s'impose pour introduire dans le bâtiment les autres arts dont la sculpture et la peinture. Le jardin s'organisant autour du palais et de la villa devient lui aussi un organe essentiel jusqu'à prendre le pas sur l'architecture; modèle de la villa romaine auquel on revient en ne gardant de l'architecture médiévale que la loge et son portique en entrée.
    L'emploi des ordres n'est pas obligatoire si l'édifice est construit en proportion avec la règle et le compas. A Florence les palais à bossages sont remarquables.
     La sculpture du quatrocento reste religieuse. Toutefois Donatello sculpte un David vers 1430-33. Le portrait profane en imitation probable des portraits impériaux de la Roma antique se répand peu à peu et la statuaire copie des modèles antiques dont le déhanchement, le vrillé du corps de la période héllénistique, jusqu'au contraposto qui est bientôt indissociable de la "belle manière" (maniérisme). La statue équestre d'inspiration antique est également présente dans l'art roman et dans l'art gothique mais la présence d'une statue équestre au cœur d'une place publique architecturée est un apport de la Renaissance Italienne.  
     La peinture, quant-à elle, ne bénéficie d'aucun modèle antique. Ce n'est que vers 1480-90 que les répertoires ornementaux de l'antiquité romaine apparaissent dans la peinture (Raphaël en fera grand usage). Cette découverte est faite par des explorateurs archéologues qui se glissent par des occuli zénitaux dans les substructions de la Villa Dorée de Néron à Rome, dites Grottes de l'Esquilin. Ici ces galeries voûtées sont couvertes de ces ornements bizarres "stravaganti pitture" (Ligorio) que Montaigne en 1580 appellera "grottesques" modifiant l'orthographe italienne "grotesco" (ornements de grottes). Les figures bizarres jouant dans des candélabres et de rinceaux envahissent la peinture romaine et Michel-Ange se fait aussi le défenseur de cette "...pittura licienziosa e ridicola" dans une réponse qu'il adresse à Francisco de Olanda vers 1540. C'est au nom de la raison que le célébrissime peintre de la chapelle Sixtine assoit sa position  "Lorsque, pour le divertissement des sens...le peintre introduit...des êtres chimériques, il se montre plus respectueux de la raison que s'il produisait l'habituelle figure des hommes et des animaux". Les décors des "grottes" seront repris au XVII° s. en appellation plus connue de "Décors Berrains" du nom du graveur qui en constitué un répertoire intitulé Diverses pièces très utiles pour les arquebusiers (1659). En 1812 Percier et Fontaine excluent du style les ornements oiseux dans la préface de leur Recueil. Les putti jouant dans les rinceaux sont pour leur part inventés à Venise et Andréa Mantegna (1431-1506) - l'inventeur du raccourci dramatique et un des premiers protagonistes du décor plafonnant vers la recherche en approches de la quadrature du cercle  - va donner les premiers exemples de frises de fruits qui seront si abondantes dans l'art baroque  (XVII°s.), toutefois également utilisées dans l'art de l'enluminure du XV° au XVI° siècle avec en exemple contemporain de Mantégna (1431-1506), les Grandes Heures d'Anne de Bretagne illustrées par Jean Bourdichon de 1503 à 1508).
               On attribue traditionnellement l'introduction en Italie des techniques de la peinture à l'huile du Flamand Van Eyck (1390-1441) à Antonello de Messine (1439-1479). Une autre invention révolutionne l'art de la peinture : il s'agit de la perspective. La perspective trouve ses origines dans la remise à jour des théories du philosophe et mathématicien Thalès (625/547 av.J.C.). C'est l'architecte Filippo Brunelleschi (1377-1446) passionné par les monuments antiques de Rome, qui, par une miniature "la tavoletta" mettant en perspective la cathédrale de Florence Sainte-Marie-des-Fleurs - lors de l'installation du dôme à partir de 1418 - d'après les principes géométriques de Thalès, invente le tout premier modèle de l'image mise en perspective dont le terme "prospecttiva"n'apparaît cependant qu'en 1475 sous la plume du mathématicien Manetti qui rédige la vie de Brunelleschi donnant comme autre source les théories mathématiques d'Euclide (3°s.av.J.C.) que reprendra Vasari dans ses Vies. Cette construction du dôme (et de sa coupole) de Florence marque le point de départ de la Renaissance architecturale et plastique - telle qu'elle sera théorisée plus tard - comme passage de l'humanisme dans le concret de l'art lisible, dans l'artéfact. Des sculpteurs comme Donatello, des peintres, vraisemblablement sous la dictée de Brunelleschi, s'en emparent comme Massaccio qui place une Trinité (1426-1427) dans une niche sous une voûte à caissons mise en perspective, faisant le lien avec les boîte spatiale de Giotto, les plans articulés de la peinture siennoise mais aussi avec le grand modèle romain du Panthéon et des fresques avec des plans en boîtes spatiales ou mises en volumes dans les cathédrales gothiques. La première théorie sur la construction des lignes fuyantes dans le tableau est due à l'architecte et mathématicien Léon Battista Alberti (Gênes 1404 - Rome 1472). Son traité Della Pittura (1435) rédigé en latin est dédié à Brunelleschi. C'est dans cet ouvrage que nous trouvons les premiers traités théoriques dont la fameuse "fenêtre albertienne" qui pose les principes du tableau composé dans l'espace suivant le principe des lignes fuyantes vers un point d'horizon. Alberti est toutefois un des premiers humanistes à prendre des distances avec la culture antique et il organise à Rome en 1441 un concours de poésie en langue vulgaire (Italien) Certame coronario  

Périno del Vaga - Artiste peintre de la Renaissance Italienne, né à Florence en 1501 et décédé à Rome en 1547.

Poème                    Poèmes et peintres vont de pair.                   Rome nous en fournit le modèle,
                               Leur ardeur tend au même but.                    Rome asile de tout beau génie :
                               Comme on le voit bien sur ces feuilles         De ses grottes où il ne fait jamais jour
                               Le rinceau vaut la peine de l'artiste.            Vient tant de lumière au si bel art.


MYTHOLOGIE ET POESIE
7° partie  - Le cinquecento ou le XVI°s., en Italie

Les potins de l'atelier poésie - 15 juillet 2010

      Le quatrocento a lancé les bases  des grandes nouveautés de l'art moderne par la rencontre du courant humaniste et des grandes découvertes. Les facteurs sociaux ont aussi leur importance. Attendons un peu...
        Le questionnement sur les grands exemples du passé avait bien commencé dans la civilisation médiévale avec la recherche des textes bibliques, avec l'enseignement aristotélicien et surtout avec le culte des saints et la martyrologie propulsée au devant de la scène par la scolastique à partir du XI° siècle. En voulant "prouver ce que l'on croit" la scolastique allait à la recherche des preuves de la présence de Dieu et le culte des images achiropoètes allait en être un atout important : La Véronique et Le Saint-Suaire [voir sur cs blog La Véronique - Image ou non de la représentationhttp://coureur2.blogspot.fr/2012/12/la-veronique-de-la-legende-lart.html ]. Ces empreintes directes sans intervention de la main de l'homme du corps du Christ dur des étoffes étaient le point culminant de la preuve du sacrifice de Jésus pour l'humanité médiévale jusqu'au mystère de l'Eucharistie. L'art chrétien, dans cette dynamique, va multiplier les images des martyres du XIII° au XVI°s., en créant son propre panthéon apocryphe ( La Légende Dorée de Jacques de Voragine). Au sein de la martyrologie le nu a une place particulière. Il est le vêtement par excellence du sacré et du sacrifice visible par le corps torturé, stigmatisé, livré au regard des contemporains, inventé par des artistes créateurs d'images, elles-mêmes images d'idées que l'église veut faire passer dans le réel de la vie spirituelle au risque d'être même totalement mises en scène par les seules idées des hommes; cette crise des idées qui fera le XVI° s. Le Christ est nu en croix, Saint-Sébastien est percé de flèches, nu, lié sur son poteau de torture, Saint-Laurent est nu sur son gril, Adam et Eve sont nus au Paradis. Les représentations des âmes sont des corps nus "originels". Par ailleurs, les diables, les âmes déchues en enfer sont d'autres corps nus dénaturés, détournés et souvent vêtus...L'Enfer est plus habillé que le Paradis.
              L'apport des antiques, des Kouros et Korées, des drapés mouillés de Phidias de l'antiquité grecque et des divinités nues du panthéon romain vont permettre une autre expression du nu dans la culture latine alors que le paroxysme du nu sacrificiel chrétien est en même temps atteint à la Chapelle Sixtine peinte par Michel-Ange au XVI° siècle. Jamais le nu, humanisé, jusque dans l'expression du sentiment torturé plus que dans la représentation anecdotique de la torture elle-même, n'avait à ce point pénétré le sacré. Ceci montre que la "position sociale" du  nu en Italie a été bouleversée dans la perception même des images du quatorzième au quinzième siècle ; jusque vers 1450 le nord de l'Europe imposait encore sa suprématie de la représentation de la vie humaine dans la peinture. Le nu sensuel dans la peinture italienne, dans l'image gravée, le nu source de plaisir(s), d'expression intérieure de sentiments et de volupté liée au sexe et à la beauté est un apport du seizième s. italien fondé sur l'idéation mythologique. Les dieux antiques, contrairement aux saints médiévaux, sont des dieux sensuels qui accompagnent les plaisirs de la chaire : Vénus, Dionysos et sa cour de Ménades, Cupidon, Apollon, Volupté...voilà la révolution licencieuse engagée qui va ajouter à la crise des consciences, jetant un trouble sur le sens sacré des images. Ces images qui disent que le corps est beau et qu'il est source de désirs et de convoitise atteint un niveau de réalisme jamais vu avec les représentations en trois dimensions dans les paysages perspectifs, avec des montages comme ceux de Giorgione et de Titien en Vénétie au XVI° s. qui représente même Saine Marie-Madeleine nue (1533) drapée dans dans ses cheveux bonds s'offrant à Dieu avec une intensité sensuelle impensable au XV° s. Le corps source de plaisirs visuels et charnels en même temps qu'outil d'élévation spirituelle est au cœur d'une culture en pleine crise avec le retour au devant de la scène des idées de Platon et de la philosophie d'inspiration orientale (Averroes). Avant Titien (1488-1576), Giorgione (1477-1510), le maître de Titien et de Sebastiano del Piombo, d'inventer même la peinture pour le seul plaisir de la peinture dégagée du sens anecdotique , mystique et narratif, c'est-à-dire la peinture moderne (Les trois philosophes, La Tempesta, La Vénus endormie) posant même par la mathématique la plus inconcevable des énigmes perspectives avec sa Pala de Castelfranco, orientant le mystère sacré de la Sainte Conversation par ou vers le mystère de la géométrie : qu'est-ce que le divin en peinture ?
                    Les images bouleversent la culture,les canons éclatent et il leur faut en trouver d'autres. Le XVI° s. est en pleine crise religieuse. La suprématie de Rome est contestée par les protestants qui nient l'importance des saints : Lutter et Calvin dans les pays germaniques et helvétiques, le roi Henri VIII d'Angleterre fondant sa propre église anglicane (1520) dont il est le chef suprême représenté par un archevêque (Canterbury). Le Pape à Rome a un équivalent à Londres : un  roi d'Angleterre chef de la foi chrétienne émancipée de Rome (religion anglicane) qui convoite même l'Empire en rivalité avec François 1° roi de France, qui, loin d'assassiner ses épouses, introduit au contraire l'idéalisation de la femme et des arts à sa cour alors que les réformés revenant à la confraternité des hommes rejettent la hiérarchie médiévale et celle de Rome; la scolastique est à l'agonie.
                     Les répertoires de la "bonne manière" sont ceux puisés dans les grandes fresques des batailles  que Michel Ange et Léonard de Vinci devaient peindre en concurrence et côte à côte à Florence (1504-1506). Mais ce sont les peintres qui en fixent les règles, ce qui est totalement nouveau. Le portrait lui-même est codifié (Bronzino 1503-1572) et le Livre des emblèmes d'Alciat publié à Lyon en 1534 règle l'emploi des images. La représentation des Mystères, théâtre religieux, et forme théâtrale quasi nique au Moyen-Âge, est interdite en 1548. La Bible de Saint-Jérôme, La Vulgate est elle-même interdire. Pendant toute cette période de crise l'Italie exporte l'humanisme et se divinités à travers toute l'Europe et la période qui suit le Concile de Trente (1545-1563) mettant un terme aux grandes crises religieuses (Réforme et Contre-Réforme) signe une accalmie dite période maniériste où la peinture se répète indéfiniment en techniques décoratives et épidermiques. Il faudra un autre ordre spirituel européen insufflé par l'inspiration de Thérèse d'Avila et sa réforme du Carmel en Espagne, sur fond d'hégémonie des Jésuites  Compagnie de Jésus fondée en 1540 par Ignace de Loyola (1491-1556), pour qu'un nouveau souffle puissant apparaisse.

                                 Michel Ange (1475-1564) Sonnet

                  Le plaisir le plus vif d'u goût sévère et saint                                 De même, purs effets des ornements du ciel,
                       C'est l'oeuvre du plus grand des arts, qui, dans la pierre,        Accordés à nos yeux par l'Artiste éternel,
                        Dans la cire ou l'argile imite un corps humain,                      Ton charme sans égal, te grâce et ton visage.
                        Traits et gestes, vivant par son allure entière.                                

                        Si le temps fait outrage au chef-d'Oeuvre divin                         Peu à peu s'en allant avec le temps et l'âge,
                          S'il le brise ou le tort, ou n'en fait que poussière,                       Me laisseront au cœur souvenir jeune et cher,
                         L'esprit, qui n'en fut pas frappé jadis en vain,                            Une beauté que rien n'entame, aucun hiver.
                          L'évoque et le revoit dans sa beauté première.
                                          
MYTHOLOGIE ET POESIE
8° partie - L'histoire de France et le château français à la rencontre de la Renaissance Iralienne

Les potins de l'Atelier Poésie - 22 juillet 2010

           Les rois de France à la reconquête du royaume de Naples et du Duché de Milan découvrent brutalement la renaissance italienne. C'est par les Guerres d'Italie, à partir de 1494, que le phénomène culturel des Humanistes italiens pénètre le royaume de France de façon décisive malgré les études de Pétrarque à Carpentras et son long séjour dans la papauté d'Avignon. Ce phénomène semble étrange puisque le premier humaniste fait ses études en Provence. A l'époque de Pétrarque, au XIV°s., le comté de Provence (dont le comte est également duc d'Anjou et roi de Naples) comme d'autres provinces ne sont pas encore dans le royaume de France; au nom desquelles le duché de Bretagne, de Bourgogne et d'Aquitaine (Guyenne) dont le duc est le roi d'Angleterre qui multiplie les difficultés pour rendre hommage au roi de France. La Guyenne étant sur le territoire Franc le roi d'Angleterre se trouve être le vassal du roi de France et il doit lui rendre hommage. Le roi d'Angleterre, petit fils par sa mère de Philippe IV le Bel, refuse cette vassalité et réclame le trône de France. 
              Voici donc l'objet de cette Guerre de Cent-Ans, divisée en deux périodes : 1328/1350-1415-1453. Un trêve générale est conclue en 1389. Un an auparavant (1388) Nice se dédie à la Savoie et se détache du comté de Provence après les turpitudes de la reine Jeanne de Naples comtesse de Provence. Le comté de Savoie devient duché vers la nouvelle création du royaume de Sardaigne.
                Par une succession de drames et de reconnaissances de vassalités un enfant de six moi, Henri VI, devient le roi unique des deux pays d'Angleterre et de France alors que l'héritier direct du trône de France, le dauphin Charles futur Charles VII (1422-1461), âgé de 15 ans est d'abord transporté à Melun (1418) puis à Bourges s'autoproclament roi. C'est là qu'intervient la fantastique épopée de Jeanne d'Arc qui reconnaît le roi à Chinon jusqu'à le conduire la même année à l'onction royale à Reims (1429). La Guerre de Cent-Ans se termine en 1453 avec un roi de France victorieux qui décède en 1561 laissant un royaume en ruine pour un roi d'exception, le roi Louis XI qui va régner jusqu'en 1483 réunissant au royaume de France le comté de Provence, un début d'intégration du duché de Bretagne, le duché de Bourgogne, l'Artois, la Picardie, la Franche comté et maintenant l'empire musulman au-delà des frontières turques grâce aux ordres militaires en Orient (Pierre d'Aubusson). Depuis la fuite de Charles VII en Touraine la cour avait élue domicile sur les  bords de la Loire partagés par le Berry (légué à la couronne par le duc Jean à sa mort en 1416), l'Orléanais et le Blésois propriété de Charles d'Orléans (le poète), le duché de Touraine propriété de la couronne d'Anjou propriété de Louis III roi de Naples.
                  Pendant cette période de l'histoire de France, très bouleversée, les artistes ont des relations importantes avec la cour papale d'Avignon et la peinture a ses représentants dans l'art français. Jean de Coste et Girard d'Orléans sont des peintres de la cour de 1344 à 1380. Les enlumineurs atteignent au sommet de leur art alors que le mécénat privé fait son apparition avec Jacques Cœur à Bourges, mais à la fin de la guerre seulement, alors que le duc Jean 1° de Berry demeure dans l'histoire de France le grand prince mécène des arts pendant la Guerre de Cent-Ans.
                  L'architecture civile est profondément bouleversée. Le donjon de guerre au cœur de ses murailles évolue vers le donjon résidentiel. Les cours fermées de courtines ponctuées de leurs tours vont s'ouvrir sur les magnifiques panoramas au cœur desquelles les forteresses s'étaient implantées. Le donjon rond ou carré, isolé au milieu de la place forte ou flanqué de tours, avait son escalier en vis construit dans le plein de la maçonnerie de la tour (en oeuvre) avec accès à l'étage par un passage dans l'épaisseur du mur après un pont-levis à accès par rampe ou par escalier en volée droite ou en vis. Les cheminées et les latrines, lorsqu'il y en avait, étaient également construites en oeuvre. Peu à peu tout cela ressort à l'extérieur en saillie hors oeuvre sur les façades. Les meurtrières évoluent aux étages en fenêtres à traverses et meneaux et coussièges, avant de gagner les rez-de-chaussée encore massifs  maçonnés en escarpes. L'apparition des armes à feu et des canons entraîne de nouvelles conceptions de défenses laissant le champ libre aux voies de confort puisque les petits châteaux de fiefs n'ont plus de guerre à livrer ni de siège à soutenir , tout au plus ont-ils encore à se défendre contre les hordes de brigands des Écorcheurs de la fin de la Guerre de Cent-Ans. Le château français devient par le donjon résidentiel le modèle architectural type de la demeure gothique française dela fin du XV°s. au XVI°s. avec des répercutions lourdes de conséquences jusque dans la seconde moitié du XVII° s., tant pour les nobles, les ecclésiastiques que pour les riches bourgeois; tant dans les champs que dans le villes. Ces résidences de luxe passant de six, cinq  à quatre, trois, deux jusqu'à un seul étage, conservent souvent les symboles du château : tours, chemins de rondes et mâchicoulis en principe sous charpentes ou en avant des hautes toitures, en ornements et symboles de la noble demeure. L'escalier intérieur en vis, logé très à l'étroit dans un élargissement de l'épaisseur du mur de refend à la rencontre du mur de façade du donjon rectangulaire divisé en deux pièces irrégulières par étage, est élargi en projetant sa cage en avant de la façade créant une tour d'escalier hors oeuvre partiellement engagée dans le plein de la maçonnerie générale du bâtiment. Le passage de liaison entre le pont-levis d'entrée à l'étage et la cage de l'escalier en vis en oeuvre disparaît et cette cage d'escalier est alors le seul vestige de l'ancienne distribution intérieure du donjon : elle sert désormais d'unique entrée au château depuis le rez-de-chaussée. Le nouveau bâtiment avec sa cage d'escalier logée de fond en comble dans une tour débordant en ressaut sur la façade va être à lui seul appelé "château" conservant souvent deux tours rondes en flanquement de la façade arrière, mais pas toujours, et pouvant s'enrichir d'un escalier relais en encorbellement faisant le lien entre la partie haute de la tour d'escalier et son propre comble sans lien avec celui du bâtiment. Cette tour d'escalier devient - avec parfois les latrines ressorties hors oeuvre sur les tours d'angles à l'arrière du château mais visibles en façade - un organe majeur de l'ornement de la façade du château ainsi divisée en deux parties non symétriques à la tour d'escalier. Cette tour, orgueil du château , monte plus haut que le bâtiment  A Meillant (Cher) on construira un tempieto en étage  de comble de la tour d'escalier décorée alors qu'au château de Ronsard, La Possonière à Couture (Loir et Cher), c'est la façade qui est ornée de devises latines.
              En important d'Italie l'escalier rampe sur rampe  en pierre, remplaçant l'escalier en vis en bois (voire les échelles de meuniers - dans des cages d'escaliers rectangulaires en oeuvre connues en France mais sans succès car sans aucune traduction extérieure) mais en maintenant une valorisation extérieure de l'escalier par un traitement particulier de la façade jusqu'en fronton sur les très hautes toitures à la française, l'architecture française s'oriente vers ces entrées solennelles et centrales qui donneront, avec l'apport des pavillons d'angles, la division en cinq corps (déjà connue dans les château du XV° s. - Voir le château de Durtal dans le Maine-et-Loire, en Anjou) du classicisme français dont le prototype est décisivement mis en place par Pierre Lescot au Louvre en 1554. Jean Goujon peut sculpter des nus en façades, de la Provence à l'Île de France où la cour s'est désormais fixée.
                              Joachim du Bellay (1522-1560) poète français. Sonnet

              Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage                Que des palais romains le front audacieux
                [...]                                                                                           Plus que le marbre dur me plait l'ardoise fine
              Quand reverrais-le clos de ma pauvre maison                         Plus le loir gaulois, que le Tibre latin
           [ ...]                                                                                                Plus mon petit Liré, que le mont Palatin
                Plus me plaît le séjour qu'on bâti mes aïeux,                           Et plus que l'air marin la douceur angevine.                                                                                                     
     



MYTHOLOGIE ET POESIE
9° partie - La première renaissance française 1495-1525

Les potins de l'Atelier Poésie - 29 juillet 2010

  Alors qu'au sein d'une plus grande richesse architecturale selon les provinces et selon l'importance des châteaux le donjon français continue son inexorable transformation vers le donjon résidentiel et la petite demeure gothique de luxe; voilà qu'apparaissent dans le royaume des inventions qui vont permettre à l'art français d'assimiler les apports italiens sans trahir la puissance de son art national. Au contraire, ces nouveautés ultramontaines vont stimuler, moderniser l'architecture civile française déjà enrichie du décor gothique des églises et des cathédrales depuis le Palais Jacques Cœur à Bourges (1450). Ces assimilations sont favorisées par une rencontre tout à fait surprenante des architectures françaises et italiennes, et pas seulement par le décor. Oh! Il faut parfois peu de chose : une organisation symétrique des bâtiments (Le Verger 1499), un nouveau décor des gâbles gothiques en frontons antiques à ordres et coquilles (Blois, Chenonceau, Chambord), un apport d'ordres (pilastres et corniches) sur les réseaux orthogonaux de baguettes en saillie qui divisaient les façades des  hôtels gothiques  depuis 1450 (environ), réseaux liés aux fenêtres permettant de traiter les encadrements de baies non plus en décors en profondeur d'ébrasements mais en chambranles organisés par les ordres, remplacement de l'escalier en vis par un escalier rampe-sur-rampe dans des cages d'escaliers rectangulaires et passages des petits donjon résidentiels de la fin du XV° s. et du XVI° s. traductions hors oeuvre en façade des cages d'escaliers rectangulaires en oeuvre par des organisations italianisantes au centre de la façade  sur une structure purement française (de Josselin à Bonnivet à Azay-le-Rideau avant le Louvre de Pierre Lescot en 1554). La survivance de la travée à la française va, en revanche, s'opposer à l'installation de lourdes corniches romaines qui disparaissent de Blois à Bonnivet. L'art français va également conserver ce goût pour les très hautes fenêtres issues des empilements de traverses dans les fenêtres étroites pas toujours à meneaux (La Chezotte) et qu'on retrouvera deux siècles plus tard en huisseries (classicisme français). D'autres éléments sont encore des survivances du grand château médiéval français comme les très hautes toitures d'ardoises enrichies de zinc finement ouvragé ou de plombs dorés, comme ce goût pour la traduction extérieure des cheminées et des gargouilles sculptées, comme la galerie qui est cette pièce toute en longueur dans laquelle on ne fait que passer, comme ce sens de l'appareillage typiquement français et sa stéréotomie depuis au moins la vis de Saint-Gilles (XII° s.) jusqu'aux tourelles en encorbellement sur trompes, pendentifs et culots, aux escaliers suspendus du XVII° siècle français aux voûtes surbaissées de François Mansart. D'autres structures et habitudes ornementales, qu'on a voulu attribuer à l'Italie, apparaissent de nos jours comme des caractères communs avec la France. C'est le cas de certaines polychromies de bâtiments liées aux jardins, aux architectures occasionnelles ou aux architectures non appareillées. C'est peut-être aussi le cas des loges en France et loggias en Italie tant à Rome qu'à Blois, qu'à Monaco que dans les petits châteaux français avant ou pendant l'arrivée des idées italiennes. Toutefois, alors que Charles VIII ramène avec lui des ouvriers et des architectes italiens (Dominique de Cortone et Fra Giocondo qui reste dix ans en France), Giuliano da Sangalo vient à Lyon au début de 1496 offrir au cardinal della Rovere (futur pape Jules II) le modèle d'un palais dont la disparition nous prive de l'influence probable qu'eut cette maquette sur les premières idées architecturales italianisantes en France.
       D'une façon générale, des auteurs remarquent que l'apport de la Renaissance Italienne concerne d'abord le décor. D'autres auteurs avancent aussi, non sans raison, des recherches sur une évolution précoce des structures de l'architecture française. Nous, nous restons surpris par cette étonnant rencontre entre l'évolution - au sein d'une logique de la mutation du donjon du petit château résidentiel - des nouvelles organisations du château français contemporaines ou qui précèdent de peu ou de prou l'arrivée et la réception des idées ultramontaines. Réception qui reste toutefois longtemps du domaine  de l'exceptionnel car il ne faut pas croire que le château du grand ou petit seigneur français suit cette dynamique, pas plus qu'il ne faut voir un courant humaniste systématique accompagnant à la lettre ces mutations culturelles qui sont d'abord l'effet de goûts de grands seigneurs, ecclésiastiques ou riches bourgeois, nouveaux mécènes privés de l'art français avant que le roi n'en prenne l'initiative et que des débuts de courants intellectuels naissent sur le sol français. Les aspects politiques de la recentralisation du pouvoir monarchique de Louis XIV à François 1° auront leur importance mais surtout après 1525, après le retour de captivité de François 1° quand la cour se fixera en Île de France.
              Ces mutations sont sensibles à partir de l'arrivé des italiens à la cour de Charles VIII, de Laurana dans le milieu aixois (1475-1481) avant le rattachement de la Provence à la France. Mais des contacts avaient eu lieu en amont. Le peintre Jean Fouquet avait visité Rome au milieu du XV° s. et, en aval, l'imprimerie faisait son oeuvre. Par les maladroites gravures du Terrence publié à Lyon en 1494 parviennent en France les premiers modèles de putti et de guirlandes de fruits. Les Heures Romaines publiées à Paris en 1502 offrent des exemples d'ornements antiques mêlés aux répertoires gothiques. Et, enfin en 1512, l'assimilation des répertoires renaissants semble effective par la publication à Paris de L'Origène. Au début du règne de François 1° le poète Lemaire de Belges reste très attaché au gothique tardif et c'est à-peine si une influence de Pétrarque se profile dans son oeuvre, lorsqu'il s'en inspire. Pourtant, une tradition d'humanistes érudits s'était déjà constituée de Robert Gaguin (1425-1501) à Guillaume Budé (1468-1540) à Lefèvre d'Etaples (1450-1537) qui furent à l'origine des études grecques en France, à partir de 1502. Un peu plus tard, même après 1525, Clément Marot publie et sort de l'oubli François Villon en 1533 alors qu'il publie ses propres traductions de Pétraque en 1539.
                       Une fontaine sculptée par Caggini et Della Porta arrive de Gênes au château de Gaillon  en Normandie en 1508 (château re-construit en Normandie par le cardinal Georges d'Amboise), et, la même année, un bronze de Michel-Ange  arrive en France pour se dresser au-dessus d'une colonne au centre du château neuf de Bury (construit par Florimond Roberté) alors que François 1°, après Marignan, ramène avec lui Léonard de Vinci et sa Joconde à Amboise. Léonard donne les plans de la distribution au cœur de l'extraordinaire château de Chambord par la vis à double révolution - ultime architecture royale du merveilleux médiéval dont l'achèvement étonne encore les auteurs  - et de Romorantin, la fabuleuse capitale dont rêvait le monarque courtois, jamais construite.

Sonnet N°3 de Pétrarque sur la mort de sa dame Laure, traduit de l'italien par Clément Marot (1496-1544), publié en 1539.

                               Qui voudra voir tout ce que peult Nature,                        S'il vient à temps, verra toute beauté,
                                Contempler vienne une qui en tous lieux                             Toute vertu et meurs de royalté 
                                Est ung soleil, ung soleil à mes yeulx,                                  Joinctz en ung corp par merveilles secret:
                                Voire aux ruraulx qui de vertu n'ont cure.                            Alors dira que muette est ma ryme,
                                  Et vienne tost, car mort prent (tant est dure)                      Et que clarté trop grande me supprime:
                                  Premier les bons , laissant les vicieux,                                Mais trop grande aura toujours regret.
                                   Puis ceste cy s'en va du reng des dieux:
                                  Chose mortelle et bien belle peu dur
        



MYTHOLOGIE ET POESIE
10° partie - Le passage du monde féodal au monde moderne et l'installation à la cour de François 1° en Île de France.

Les potins de l'Atelier Poésie - 12 août 2010


 Le règne de Louis XII (1498-1515), fils du poète Charles d'Orléans et de Marie de Clèves, assure la transition entre le règne de Charles VIII son cousin - successeur de Louis XI - et celui de François 1° et donne le duché de Milan en héritage à la couronne de France, en plus du royaume de Naples hérité du roi René à la fi du règne de Louis XI. Charles VIII achève la réunion de la Bretagne à la France - commencée par Louis XI - en épousant Anne de Bretagne duchesse héritière de François II duc de Bretagne. C'est en 1486 que François II fait reconnaître sa fille héritière de Bretagne afin de détournée les avancées de Louis XI qui en 1480 avait acheté les droits de la famille de Penthièvre, seconde famille du duché de Bretagne avec les Monfort qui sont hostiles à la réunion à la couronne de France, ce que l'absence d'héritier mâle au décès de François II risquait rendre inéluctable. Le duc de Bretagne réagit en fiançant sa fille héritière Anne, née en 1477, au prince de Galles. Un conflit s'ensuit entre les souverains de France et de Bretagne et Charles VIII victorieux de la Guerre Folle impose en 1488 que les filles de Bretagne ne soient mariés qu'avec l'assentiment du roi de France. En 1490 le duc François II décède et Anne de Bretagne doit épouser Maximilien 1°, empereur et ennemi du royaume de France. Un nouveau conflit s'engage d'où le roi sort encore vainqueur. L'année suivante, en 1491, Anne de Bretagne épouse Charles VIII dans le château de Langeais construit de neuf pour l'occasion. Au décès de Charles VIII Anne de Bretagne épouse à Nantes en 1499 le nouveau roi Louis XII. Contrairement à son cousin Charles VIII, Louis XII reconnaît à Anne l'héritage du duché de Bretagne. La fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, Claude de France héritière du duché, est d'abord fiancée à Charles de Luxembourg en 1501 mais ces fiançailles sont rompus, contre l'avis d'Anne de Bretagne, pour donner Claude à François 1°, cousin du roi Louis XII et fils de Charles de Valois et de Louise de Savoie, qui devient roi de de France. Ainsi l'oeuvre de rattachement de la Bretagne à la France, commencée pour le roi Louis XI et une première fois scellée par le mariage de Charles VIII et d'Anne de Bretagne, se termine seulement avec le mariage de Claude de France, fille d'Anne de Breetagne et de Louis XII, avec son cousin François 1°. Cette entrée du duché de Bretagne dans le royaume des lys aura durée trente ans : la vie d'une femme témoins malgré elle de l'intégration de son duché à une couronne qiu va revenir sur la tête d'une jeune monarque français qui sera son gendre.  Ce jeune roi d'abord vainqueur en Italie contre l'empereur (Marignan 1515) ramène sur les bords de Loire un des fleurons de Renaissance Italienne Léonard de Vinci. Léonard décède à Amboise quatre ans plus tard abandonnant à un jeune souverain plein de rêves, de fabuleux tableaux (La Joconde et Saint-Jean-Baptiste), d'extraordinaires projets d'ingénieur , des plans merveilleux pour Chambord et Romorantin. Mais voilà que ce magnifique élan est brutalement arrêté par la sixième guerre d'Italien (1521-1526) qui se termine par la défaite de Pavie où, dans un inexplicable renversement des forces, le roi François 1° est fait prisonnier par lempereur Charles Quint. Tous les chantiers s'arrêtent en France.

             François 1° est détenu captif par l'empereur à Madrid en Espagne (1525-1526). A son retour il abandonne les rives de la Loire et s'installe en Île de France. Il entreprend alors la construction de l'extraordinaire château du Bois de Boulogne (15227-1551) plus connu sous le nom du château de Madrid. Ce bâtiment est certainement le plis surprenant jamais construit sur le sol de France avec ses deux corps carrés , cantonnés de tours carrées, reliés par un un corps central plus étroit mais de de même longueur et juché sur un perron à une volée de l'ampleur du bâtiment central plus étroit ayant sa propre toiture à croupes. Curiosité encore plus grand puisque le château en trois façades à effets de loges ou de galeries superposées aux arcades ouvertes sur des grandes baies vitrées est entièrement recouvert de céramiques bleues (majoliques) de Giovani della Robia. Sorte de château-villa brillant er merveilleux au fond de la forêt, Madrid, détruit à la Révolution Française, est regardé comme une folie royale, sans équivalent en Italie, mais peut-être un vestige de l'influence de Léonard de Vinci en France. Le temps est aux folies. A son retour de captivité François 1° construit sept châteaux en quinze ans, à une époque où un château coûtait moins cher qu'une robe de cour : dès 1527 Madrid suivi de Fontainebleau, puis Villers-Cotterêts (1532), Folembray (1538), Saint-Germain (1539, La Muette et Challuau (1542). La cour encore itinérante va de château en château mais Fontainebleau va avoir une importance particulière.
                Ces seigneurs, dont ceux de Bretagne qui illustrent bien leurs rapports au royaume et à l'empire, qui doivent plier devant les rois de France  plus forts que l'empereur depuis Louis XI jusqu'à François 1° marquent en France le passage de l'état féodal à l'état moderne organisé par une administration peu à peu centralisée et appointée par l'Etat. Le Concordat de 1515 permet au roi de récompenser ses serviteurs par des attributions d'évêchés et d'abbayes qui, n'étant pas héréditaires, assurent la soumission des titulaires au monarque généreux mais unique propriétaire comme dans le cas des duchés paieries par lesquels les seigneuries  revenaient à la couronne au décès des seigneurs titulaires de leur vivant. Le roi François 1° constitue autour de lui une importante administration de courtisans (cour), première forme monarchique moderne vers la monarchie absolue que détruira la Révolution Française de 1789 en abolissant définitivement les privilèges - droits d'impôts et de justice - à des particuliers (grands seigneurs) que François 1° avait déjà commencé  à réduire par les charges et que la République commencera un temps à rétablir au mépris le plus total des acquis de la République, deux-cents ans plus tard par l'action de sa magistrature au nom de la séparation des pouvoirs...
            Roi François 1° (1494-1547, début su règne 1515), poésie, Plus j'ai de bien, plus ma douleur augmente

               Plus j'ai de bien, plus ma douleur augmente;                 Ou de le perdre ou bien de l'empirer,
               Plus j'ai d'honneur et moins je me contente;                   Las! je dois bien mon malheur soupirer
              Car un reçu m'en fait cent désirer.                                   Vu que d'avoir un bien je meurs d'envie
              Quand rien n'ai, de riens ne me lamente,                          Qui est ma mort, et je l'estime vie.
              Mais ayant but, la crainte me tourmente,
                

MYTHOLOGIE ET POESIE
11°  partie - Rosso et Primatice à Fontainebleau

Les potins de l'atelier Poésie - 19 août 2010


      Le château préféré de François ° c'est Fontainebleau au cœur d'une immense forêt giboyeuse. Ici s'élève encore tant bien que mal la ruine d'un château de Saint-Louis à laquelle est accolé le couvent d'une abbaye de Trinitaires, ordre religieux fondé à la fin du XII°s. En 1528 le roi entreprend la rénovation du vieux château et, parallèlement, sur le site de l'ancienne abbaye, la construction d'un château neuf. Les deux bâtiments sont reliés par une galerie au sein de chantiers menés par un maître maçon Français Gilles le Breton qui, de toute évidence, n'a pas encore eu accès à la grammaire vitruvienne des Humanistes.
       La peinture française avait eu, avant Fontainebleau, de grands représentants comme Jean Bourdichon (vers 1457-1521) peintre gothique ayant uniquement œuvré en Val de Loire mais dont l'oeuvre témoigne de l'influence de Pérugin. Bourdichon a-t-il visité l'Italie ? La question ne se pose pas pour Jean Perréal ou Jean de Paris né à Lyon vers 1455-60, l'autre grand peintre Français d'avant Fontainebleau. Il accompagne Charles VIII en Italie et rencontre Léonard de Vinci qui note cet événement dans ses carnets. Perréal est un peintre attaché aux réalités, à une forme de "réalisme" dirions-nous de nos jours.
             Si nous allons vers les techniques, l'art du stuc est connu en France depuis fort longtemps puisque nous le trouvons dans l'ornementation des églises romanes de l'ouest de la France. Les reliefs assez prononcés sont aussi des leurres  - notamment en scènes de baies faussement habitées - qu'on rencontre abondamment dans l'architecture civile gothique Française et Provençale. Un sculpteur de bas et hauts reliefs comme Michel Colombe collabore avec le génois Jérôme Pacherot  qui réalise la fontaine de Gallion (1508). Nous en sommes là de la pénétration de la peinture et de la sculpture italienne en France, en marge de Léonard de Vinci à Amboise (1515-1519), lorsque Jean Perréal décède en 1530; Le roi fit appel à deux Italiens : Rosso et Primatice. 
               Rosso (1494-1540) est le plus âgé et le premier arrivé. C'est un Florentin qui a travaillé à Rome. Primatice (1504-1570) est un Bolonais  ayant travaillé avec Jules Romain au Palais du Té à Mantoue. Ces deux artistes appartiennent à la période maniériste dont les bizarreries semblent bien en accord avec certains traits mélancoliques du roi.
                  La première oeuvre confiée à ces deux artistes est modeste puisqu'il s'agit de deux peintures murales en équerre d'un kiosque ouvert en angle d'un jardin de Fontainebleau appelé Pavillon de Pomone. Cette tradition des fabriques ornées de peintures en leurre ou en trompe l’œil n'est pas italienne mais remonte tout de même à l'antiquité en s'inscrivant dans l'ornementation de l'architecture temporaire et des jardins de la tradition occidentale. Dans Le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et de Jean de Meun (France fin XII°, début XIII°) les murs du jardin extraordinaire,, où se déroule le roman écrit en vers sont peints de figures allégoriques. Les façades écrans ou harmoniques des églises de l'ouest de la France étaient elles aussi peintes tout comme celle de la façade de la cathédrale de Strasbourg ou de Poitiers, du roman au gothique. Ces grandes cathédrales qui étaient pratiquement les seuls espaces publics de la cité médiévale (les places publiques, les cours en Provence, sont en effet de la Renaissance) étaient aussi intérieurement peintres de trompe-l'oeil dans l'espace profane séparé de l'espace sacré par le jubé. Une peinture extérieure dans un jardin sous abri dans un kiosque (fabrique) pour marquer un angle ou ponctuer la profondeur d'une allée n'a donc rien de nouveau dans l'art français. On admet que le courant humaniste favorise la réapparition de ces décors dans les domaines extérieurs et privés des grandes demeures, dont les jardins où les nymphes, les naïades, les déesses de la culture humaniste vont gambader joyeusement auprès des fontaines, des emblèmes, des zodiaques, tempérances, vices et vertus médiévales.
                          A Primatice revient les décors de la chambre du roi et de la reine. C'est lui qui aurait introduit les stucs en forts reliefs à Fontainebleau mais leur utilisation absolument nouvelle (indépendante de la tradition médiévale française) et sans précédent en est faite par Rosso à la galerie François 1° (1433-1540). Ici le peintre répartit des cycles analogiques, complexes, chargés de symbole chrétiens, païens et d'allégories à la gloire de François 1° dans une sorte de correspondance des registres qui vont de la peinture au bas et haut relief. La peinture est réservée à la présentation des scènes en registres plats sur le mur et chaque tableau est encadré de stucs qui constituent les degrés progressifs sur la conquête de l'espace réel. Stucs qui à leur tour complètent l'iconographie ou précisent celle des peintures. Les nus en stucs, presqu'en ronde bosse, jusqu'aux nus anatomiques pour el plaisir des yeux et des divinités, les plus crus et les plus beaux, sont projetés en avant dans l'espace du spectateur qui est interpellé jusqu'au fond des peintures où le regard est entraîné par le jeu en profondeur des volumes animés sans effet répétitif mais complémentaire. Les cuirs - cette invention de Rosso à Fontainebleau qui donnera une part du rocaille français - ponctuent des scènes et à leur tour les articulent., les lient au rythme ondoyant, sans monotonie, aux deux programmes qui défilent d'un bout à l'autre de la galerie sur ses deux murs en vis-à-vis dont un seul est percé de fenêtres. Rosso décède en 1540 et la galerie est terminée par Primatice.
                             Primatice devient le maître e'oeuvre des décors de Fontainebleau pendant trente ans. Maître de tous les décors, surintendant, il contrôle tout de la tapisserie à la peinture aux sculptures. collaborant avec tous les artistes il préfigure et annonce le rôle que Le Brun jouera à Versailles. Primatice réalise les décors de la chambre de la duchesse d’Etampes, favorite de François 1°, et une seconde galerie d'Ulysse (1537-1560) aujourd'hui détruite. Cette seconde galerie impose une nouvelle fois ses contraintes architecturales. Primatice divise le défilement linéaire des décors en registres représentant chacun un épisode de la vie d'Ulysse. Mais ici le plafond plat à caissons de la galerie François 1° est remplacé par une voûte peinte de scènes encadrées de stucs, dont le principe se retrouvera à Rome en 1580 à la galerie des Cartes Géographiques.
                                 La mythologie et le nu s'incrustent au sein de l'art royal. Les courtisans vont imiter le roi dans leurs châteaux, les gravures vont diffuser ces modèles dans toute l'Europe, commençant une nouvelle hégémonie de l'art français : l'Ecole de Fontainebleau.


Maurice Scève
 poète, peintre, musicien lyonnais 1501-1564 Sur la Fontaine Vaucluse près de laquelle Pétrarque habita.  
M.Scève et l'informelle "Ecole de Lyon" avec Louise Labbé et Pernette du Guillet, dans la décennie 1530-1540, et au-delà, entre Clément Marot et la Pléïade.

                    Quiconques voit de la Sorgue profonde                   Qu'on voit tant d'eaux d'un seul pertuis sortir,
                         L'étrange lieu, et plus étrange source,                           Et en longs bras divers se départir;
                         La dit soudains grande merveille du monde,                 Mais encor plus, du gouffre qui bruit là,
                          Tant pour ses eaux que pour sa raide course.               Qu'oncques ne peut éteindre et amortir
                         Je tiens le lieu fort admirable, pour ce                           Le feu d'amour que Pétrarque brûla.



MYTHOLOGIE ET POESIE
12° partie - La renaissance de l'art français, l'Ecole de Fontainebleau

Les potins de l'Atelier Poésie - 26 août 2010


  Le poème de Maurice Scève Sur la Fontaine de Vaucluse dédié à Pétrarque et sur lequel il questionne la vie de l'auteur et les lieux où il a habité signe une attitude nouvelle en art. Elle ne concerne plus strictement l'oeuvre, le métier, mais elle s'intéresse à la vie intime de l'auteur et amorce les biographies d'artistes et les fameuses futures études psychologiques qui feront tant de fortunes; la querelle entre la position de Sainte-Beuve et celle de Proust en établira les grands principes du XIX° au XX°s. Avant les humanistes il n'y avait guère que les vies de Jésus (Nouveau Testament) et des saints (Légende Dorée) qui faisaient figure de genre malgré les épopées et les chansons de gestes. En célébrant les lieux où Pétrarque avait vécu et créé, le poème de Maurice Scève renvoie la naissance de l'Humanisme sur le sol français (Provence récemment intégrée au royaume) et son fondateur est un héros sur la vie duquel on s'interroge à l'égal d'un dieu pour en suivre la trace sur terre.
    Dans ce mécanisme des auteurs occidentaux, qui s'influencent par voies de traces littéraires du bas moyen-âge jusqu'à la Renaissance Française, il y a une rupture à l'humanisme traditionnel qui allait chercher ses sources dans l'antiquité strictement. Au sein de l'évolution et de la diffusion de la culture humaniste naît un mouvement centrifuge qui fait passer cette culture de l'Antiquité à l'Italie (principalement constituée de villes, comtats, républiques et royaumes indépendants - L'unité politique italienne ne sera effective qu'en 1861)) à la France qui créé le grand mouvement centripète de Fontainebleau et de la contestation de l'italianisme au sein même d'une suprématie acceptée de l'art antique relayé par l'Italie aux XV° et XVI° s. A Florence Giorgio Vasari entreprend Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes publiées de 1550 à 1568 où apparaît clairement et pour la première fois l'opposition entre "gothique" et "Renaissance" (les définitions des périodes et arts médiévaux entre  gothiques et roman datent toutefois du XIX°s.). Les biographies d'artistes par genres entrent dans la culture européenne.
      La renaissance humaniste prend aussi des airs d'art français à l'époque où François 1° transforme son royaume en grande nation moderne créant son art national, art royal, par l'Ecole de Fontainebleau autour de deux artistes italiens, après Rosso, Primatice et Nicolo dell'Albate.
       Cet art de l'Ecole de Fontainebleau né par la volonté d'un roi qui amorce le centralisme de l'Etat royal aura son oeuvre politique d'avantage continuée par l'entourage de son fils Henry II, marié à une italienne Catherine de Médicis, que par lui-même. Montmorency et les Guise auront une importance de premier ordre sous le règne d'Henri II mais aucun n'atteindra le prestige de l'extraordinaire favorite du roi Diane de Poitiers qui, à elle seule, incarne le triomphe de la mythologie à la cour de France au XVI° s. se faisant  peindre et représenter nue en déesse de la beauté et de la chasse, dominant un monde politique de plus en plus absolutiste et toujours aussi barbare sous les dentelles de la courtoise et de l'hommage rendu aux femmes.Le cerf de Diane de Poitiers qui créé sa propre iconographie, c'est Henri II, roi de France qui ne sera pas dévoré par la horde de la favorite mais tué par une lance lors d'un tournoi où il porte le noir et le blanc, les couleurs de Diane de Poitiers à qui il voulait démontrer sa force et sa virilité, le 10 juillet 1559.
        Les italiens à la cour de France son nombreux mais ils ne créent pas d'art italien en France.
        D'abord les architectes et les sculpteurs : Serlio, Primatice et Vignole qui est peut-être le plus doué mais qui n'a pas encore entrepris le grand oeuvre que nous lui connaissons. Primatice, peintre et stucateur, est peut-être aussi l'architecte de l'aile de la belle cheminée (1568) dont l'escalier à montés divergentes révolutionne l'art des entrées par perrons à la française. Mais l'architecte qui a le plus d'influence et celui qui a sans doute le moins de talent c'est Serlio qui diffusait pas ses gravures des ordonnances simples et des plans de châteaux d'un réel rationalisme et d'une efficacité certaine: Le Grand Ferrare 1544-46, Ancy-le-Franc 1546 aux angles marqués par de forts pavillons carrés. Dessins qui , malgré des barbarismes évidents, sont admis comme des modèles. Comment les maîtres maçons se débrouillaient-ils avec ces dessins ? Mais le plus incroyable au sein de cette suprématie apparente des italiens c'est la naissance du classicisme français en plein milieu du siècle et qui fut plus un effet de l'héritage de ce qui s'était peu à peu développé en France avant l'arrivée des italiens à Fontainebleau qu'un effet des influences directes et brutales de la péninsule. C'est bien sûr Pierre Lescot et l'aile Henry II du Louvre qui marque le départ du grand classicisme français qui isolera efficacement l'architecture française du baroque italien, et c'est bien sûr l'émergence du premier grand architecte français capable de rivaliser avec les italiens et apte à inventer autant une architecture nouvelle avec l'héritage médiéval qu'avec l'apport italien créant même son propre ordre d'architecture : Philibert Delorme qui est l'architecte de Diane de Poitiers pour son château d'Anet où elle est enterrée. C'est aussi Jean Bullant (Ecouen et Chantilly, 1560, la Galerie de Chenonceau à partir de 1576 - par dessus le pont de 1559 de Philibert Delorme - commandée par Catherine de Médicis après la disgrâce de Diane de Poitiers). Et c'est toute une cohorte d'architectes de plus ou moins grandes valeurs, certes, qui diffuse l'art de l'architecture nouvelle à travers le royaume : Jacques Androuet du Cerceau, ayant apporté sa pierre à l'invention de l'architecture française moderne, Louis Metezeau, Hugues Sambin, Nicolas Bachelier, Guillaume de Lissorgues, Guillaume Philander...Architecture qui aura cette particularité d'être intimement liée à des programmes sculptés d'une telle qualité qu'ils deviendront une nouvelle signature d'exception de l'art français jusqu'à la Révolution. Ces sculpteurs d'exception c'est Jean Goujon avec ses nus et ses plis mouillé à la Phidias, c'est Pierre Bontemps et Germain Pilon, c'est Mathieu Jacquet...
                 Ensuite la peinture, par laquelle l'influence de Michel-Ange réapparaît comme aux cycles d'Ancy-le-Franc (1546) consacrés à la gloire de Diane de Poitiers, a aussi ses représentants français influencés par les vénitiens comme Jean Cousin qui adopte les femmes nues et lascives de Giorgione à Titien aux formes amphoriques d'une extrême élégance, trait d'union avec le goût gothique et les esthétiques introduites en France par Rosso et Primatice. Et bien sûr les trompe-l'oeil peints reprennent en leurres les stucs de Fontainebleau pour valoriser les scènes allégoriques  mythologiques peintes dans les châteaux de la grande noblesse, imitant Rosso et Primatice, alors que le cycle de Troie se déploie d'ans la galerie d'Oiron conciliant une nouvelle fois Rome et Fontainebleau. Enfin les grotesques de triompher à Villeneuve Lembrun à la Chambre de la Bergère : Honoré d'Urfé allait créer le mouvement bucolique...


Pierre de Ronsard Ode VIII à Diane de Poitiers duchesse de Valentinois, vers 1557 (extrait)
(Le Valentinois qui sera donné par Louis XIII au Prince de Monaco au XVII°s, c'est le duché de la ville de Valence sur le Rhône aux considérables revenus provenant des droits de péage sur le Rhône)

Quand je voudrais célébrer ton renom           Je chanterai le beau sang de Poitiers             Du large Rhône, et poursuis ton destin
Je ne dirais que : Diane est ton nom,               Venu du ciel, et la race divine                           Que conduiras ta voie à bonne fin;
Car on ferait sans se travailler guère              Que Raymondin conçut en Mélusine :             Car là pour jamais le ciel a ta trace
De ton seul nom une Iliade entière.                    Je chanterais comme l'un de leurs fils            Au bord du Rhône a destiné la place.
Mais cherchant les honneurs de plus loin,          Aux bords du Clain dormant, lui fut avis        Il lui conta quels seigneurs et quels rois
Je chanterais, animé de beau soin,                   Que hors de l'eau, le petit dieu de l'onde           Naîtraient de lui, et en combien d'endroits 
Tes aïeux valeureux en la guerre [...]                 Jusques au col tirait sa tête blonde, [...]          Soit d'Italie, ou d'Espagne ou de France [...]              


    

MYTHOLOGIE ET POESIE
13° partie - La Pléiade

Les potins de l'Atelier Poésie - 2 septembre 2010

  Si la psychologie et l'art contemporain ont une naissance à la Renaissance, aucune attitude artistique n'est plus significative et plus clairement exprimée - encadrant la naissance de la peinture moderne avec Giorgione sur la décennie 1500-1510 et les premières recherches sur les éléments du vécu de Maurice Scève à Giorgio Vasari, sans oublier des auteurs qui se soucient de la mise à jour d'autres auteur disparus hors antiquité comme Clément Marot avec l'oeuvre de François Villon - que cette position commune entre l'humaniste romain Laurent Valla (Laurentius dela Vale 1407-1457) et l'humaniste français Guillaume Budé (1468-1540) qui énoncent cet axiome que la pensée n'existe que dans le langage. Position éminemment contemporaine qui pose bien des questions sur la prétendue modernité novatrice de certains courants de pensée du XX° s.
   C'est au milieu du XVI° s. qu'est scellé ce basculement du monde médiéval dans le monde moderne autour de deux événements politiques majeurs ; les traités de Cateau-Cambrésis (1559) qui - par delà les redistributions territoriales, politiques et religieuses de l'Europe Occidentale et une reprise du pouvoir impérial face aux rois d'Angleterre et de France - marquent la fin de la domination  culturelle de la Renaissance italienne, et la Réforme/Contre-Réforme qui signe une redéfinition des la politique impériale par une reprise en main  de la Chrétienté imposant le Concile de Trente de 1545 à 1564. Un peu plus tard le mouvement spirituel né dans l'Espagne Impériale bouleversera l'Europe par les visions de Thérèse d'Avila et du poète Jean de la Croix.
    Au milieu du XVI° siècle La Pléiade est en France un mouvement poétique à l'origine de la création d'une domination culturelle du pays par une élite intellectuelle de lettrés et d'artistes. Au sein de ce mouvement de pensée naît la première académie de musique et de Poésie de Jean-Antoine de Baïf (Venise 1532-Paris 1589, surnommé par Du Bellay le Docte, Docteur, Doctime Baïf). La Pléiade se situe comme un groupe de poètes élitistes rompant avec le passé littéraire français et affirmant son attachement à la rhétorique. C'est ce lien avec la science de l'orateur qui fait de La Pléiade un mouvement unique, aux aspects très proches des avant-gardes du XX° s., par lequel on recherche l'idéal de la beauté de la pensée, de l'idée, par l'écriture strictement ramenant souvent toute forme artistique à une écriture spécifique, certes, mais écriture qu'elle soit plastiques, cinématographique, plastique, musicale, architecturale... et bien sûr poétique et littéraire et avec Henri Chopin purement verbophonique ou mécanique voire plastique; la mécanique et ses processus répétitifs sinon rotatifs engendrant un autre état d'écriture poétique, musical, visuel et déclamatoire. [pour une première tentative de défrichage de la question voir sur ce blog: Langages de l'art contemporain - répétition, bifurcation, ...http://coureur2.blogspot.fr/2013/09/repetition-ordinaire-bifurcation-art-du.htmlLes auteurs de La Pléiade n'ont à-priori aucun soucis de se faire comprendre par le vulgaire même si le but du discours d'un orateur est de convaincre un auditoire. Le plus important c'est la recherche de leur idéal par l'écriture ou par transcription équivalente de l'idée en écriture créant le premier concept de "lumières" face au monde des ténèbres des non initiés. Le Français recherché par La Pléiade au sein d'une langue préexistante est à la fois un trait de néo-platonisme et un perfectionnement quitte à refonder cette langue : c'est là un des traits retenus du texte de Jean Du Bellay Défense et illustration de la langue française (1549) . Avec La Pléiade nous arrivons aux antipodes d'une culture populiste. Nous sommes dans l'initiatique supérieur aux arts et à la nation comme le montrera le rétablissement des désordres et guerres civiles engendrées par la coalition d'Amboise (1560). C'est Pierre de Ronsard en personne, assisté de Guillaume des Autels, qui sera un des outils du rétablissement de l'ordre national.
        Le premier nom de ce groupe d'écrivains fut La Brigade réuni à Paris au Collège Coqueret autour de l'enseignement de Jean Dorat dans les années 1540. C'est en 1556 que Pierre Ronsard remplace le mot Brigade par celui de Pléiade.
           Resituons   maintenant  La Pléiade dans l'histoire de la quinzaine des représentants qui ne se connaissaient pas tous mais qui tous suivirent Ronsard, de déclarer "Vous êtes tous issus de la grandeur de moi". Même les ennemis de Ronsard lui reconnurent en crédit des talents d'orateurs dont ils eurent besoin pour défendre leurs causes. Le cœur de La Pléiade c'est "l'heureux triumvirat", expression de Claude Binet désignant Ronsard, Du Bellay et Baïf du Collège Coqueret à Paris sous l'enseignement de Jean Daurat, venant tous d contrées voisines entre le Maine et la vallée du Loir. Ce premier "triumvirat" a un cercle d'auditeurs, parfois écrivains : Nicolas Denisot, médecin des Mineurs, René d'Urvoy, Berger de Montembeuf et Claude de Lignerie. Puis un second cercle se constitue mais en dehors du collège Coqueret. Parmi eux Pelletier du Mans eut une influence assez importante sur le groupe puisque c'est lui qui écrivit quatre ans avant Du Bellay une première Défense et illustration et qui convainquit Ronsard et Du Bellay de faire revivre les genres antiques dont Baïf sera le docte expert : les odes, la satire, la comédie, la tragédie, l'élégie, l'épitre. Peletier du Mans sera un voyageur de l'humanisme  de La Pléiade. Il ira de ville en ville se spécialisant dans la publication de livres de vulgarisation des mathématiques. Marc Antoine Muret fut lui aussi un représentant itinérant et enseignant jusqu'à Rome. Le cas de Jodelle, le premier auteur de théâtre de La Pléiade, est également singulier car il ne subit jamais directement l'influence du noyau de La Brigade du Collège Coqueret. En revanche il suivit l'enseignement de Peletier du Mans et Ronsard s'étant intéressé  lui mais sans retour. Puis, des auteurs ayant déjà œuvré, se rallient à La Pléiade. Ce sont ceux de l'Ecole Lyonnaise autour de Maurice Scève et du néoplatonisme d'Italie. Ils sont pour nom Guillaume des Autels et Pontus de Tyard. Arrivent ensuite les disciples comme Rémy Bellaud, Olivier de Magny un des plus remarquables., Tahureau, Maclou de la Haye, La Péruse. Le cas de Permette du Guillet n'est pas soulevé puisqu'elle décède en 1545 et celui de Louise Labbé (1524-1566) passe dans l'entourage de Maurice Scève lorsqu'on en remet pas en cause 'existence même de la
"Belle Cordière".

   L'ode qui suit , la Fontaine Bandusie d'Horace, est celle dont se servit Ronsard pour composer Fontaine Bellerie dont le modèle est une source naturelle du parc de son château de Couture-sur-Loir, La Possonnière (Loir et Cher). En fait le modèle c'est l'ode d'Horace. Le sujet de l'ode de Ronsard (La fontaine Bellerie) est un argument au poème dans la dynamique des "imitations" d'antiques propres à la Renaissance. A la Renaissance copier, imiter est un art noble.


Horace (poète latin Quintus Flaccus - 65, -8 av.J.C.) La fontaine de Bandusie (Odes)

      O fontaine de Bandusie, plus éclatante que le verre,                                 L'atroce heure de la canicule brûlante
          Digne d'un doux vin pur accompagné de fleurs,                                                  N'a pas le pouvoir de te toucher,
            Demain on te fera  l'offrande d'un chevreau                                                                   Tu offres sont aimable fraicheur
               Que le front gonflé de cornes naissantes                                        Aux taureaux fatigués par la charrue et au troupeau errant

                 Destine à l'amour et au combat                                                      Toi aussi tu compteras parmi les fontaines célèbres
                         En vain : car il teindra                                                                                           Si je dis l'yeuse enracinée
                   De son sang rouge tes eaux glacées,                                                     Lacs, les rochers creux d'où, bavardes,
                     Lui, le petit d'un troupeau folâtre.                                                                  Descendant en dansant les eaux. 



                  MYTHOLOGIE ET POESIE
14° partie - Les grandes découvertes, la péninsule ibérique et l'Empire au XVI° s.

Les potins de l'Atelier Poésie - 16 septembre 2010 
     
                La dernière grande caractéristique de la Renaissance réside dans les grandes découvertes. Rome encourage le roi du Portugal Henri le Navigateur (1397-1460) à partir de la découverte et à la conquête des côtes africaines, et à chercher la route maritime des Indes (le canal de Sue ne date que de 1869). C'est cette route des Indes - la route de épices plus précieux que l'or - que recherchera Christophe Colomb né à Gènes en 1451 et décédé à Valladolid en 1506. Croyant découvrir les Indes  - pour les Rois catholiques d'Espagne - Colomb atterrit sur le continent Américaine le 12 octobre 1492. Il y fera trois autres voyages.
    A son tour, en 1898, Vasco de Gama, pour le Portugal, ouvre la route maritime des épices vers l'Inde dans par le sus de l'Afrique en doublant le Cap de Bonne Espérance. Enfin Magellan voulant parvenir aux Indes par l'Ouest, après s'être heurté au refus des Portugais, obtient l'accord de l'Empereur Charles Quint et en 1520 il ouvre une voie maritime par le sud du continent américain (Détroit de Magellan). Avec ces découvertes la certitude que la terre est ronde est acquise et la géographie fait des progrès considérables. Les croyances médiévales  sur les terres divines et maléfiques aux confins des océans s'écroulent et les fables religieuses s'effondrent une nouvelle fois. Malgré le prodige de ces expéditions maritimes traversant les océans sans la boussole (arrivé en Europe vers 1600) tout le trafic maritime se faisait à bue des côtes.C'est ce trafic côtier qui donnait toute son importance aux droits maritimes des nations. Des familles émergentes comme le Grimaldi depuis le XIII° s., seigneurs de Monaco, ayant acquis les seigneuries de Menton et de Roquebrune en plus de leur possession du Rocher de Monaco (sous protectorat espagnol de 1524 à 1641) tiraient leur importance stratégique de leurs droits de mer reconnus depuis le XIV° s. Ces petites nations, seigneuries et villes côtières avaient une importance de premier plan pour les grandes puissances et pour l'Empire. Elles jouaient en plus le rôle de vecteurs privilégiés pour la pénétration des grands courants culturels européens . En gardant l'exemple monégasque épisodiquement lié à l'Empire depuis sa fondation, le Premier Art Gothique Cistercien au XIII°s, était peut-être arrivé à Monaco en redescendant les vallées niçoises à moins que cet art soit venu par Monaco et ait remonté les vallées niçoises de Tende, d'Utelle à Grasse, mais la Renaissance, l'art baroque et Versailles ainsi que les nouveautés françaises du XIX° s arriveront dans le sud-ouest des Alpes principalement par la Principauté.
        Le XVI° s est celui de l'hégémonie de la péninsule ibérique en relais des autres puissances européennes et en particulier de l'Espagne dont le souverain n'est pas moins que l'Empereur du Saint-Empire. Charles Quint, descendant des ducs de Bourgogne et fils de Philippe de Habsbourg et de Jeanne 1° de Castille, né le 24 février 1500 au Prinsenhof de Gand dans les Flandres, devient Archiduc d'Autriche à sa majorité en 1515 sous le nom de CharlesII. En 1506, au décès de son père, il avait déjà hérité du duché de Brabant, du comté e Flandre, du comté de Hollande et du comté de Bourgogne. A partir de 1516 il devient roi de Sicile sous le nom de Charles IV et en 1518 il reçoit l couronne de Castille aux Cortès de Valladolid suivie la même année de la couronne d'Aragon à Saragosse (roi de d'Espagne sous le nom de Charles 1°). En 1520, à Aix-la-Chapelle, il est sacré empereur du Saint-Empire-romain-germanique sous le nom de Charles V (Quint). Sa langue maternelle est le français.
            Le règne de Charles Quint est également marqué par la conquêt d'un vaste empire américain couvrant l'Amérique Centrale, le Mexique et le sud des Etat-Unis, à partir de 1521. Ce domaine s'étendra en Amérique du Sud à partir de 1536.
             Avec Charles Quint nous renouons avec le royaume de France, avec l'Angleterre aussi. Au traité de Madrid en 1525, suite à la défaite du roi face à l'Empereur, François 1° doit céder le duché de Bourgogne et le Charolais, renoncer à ses vues sur l'Italie (exception faite de certaines places), sur l'Artois et sur la Flandre. Le traité de Madrid est revu par le traité de Cambrai de 1529 (pais des dames) et François 1° épouse Eléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal, sœur de Charles Quint. La Bourgogne revient à la France. L'année 1535 est celle du retour des réclamations de François 1° sur ses droits au duché de Milan. Le duché de Savoie terre de tradition impériale (gibelins) est envahi oar le roi mais Charles Quint riposte en occupant la Provence (guelfes) et finalement les deux souverains signent la trêve de Nice en 1538 assurant la paix et l'union contre le protestantisme qui descend et dévaste les vallées niçoises. En 1542 les hostilités reprennent entre François 1° et Charles Quint. François ° est d'abord vainqueur mais devant en même temps faire face à une soudaine invasion anglaise il est finalement épuisé par deux fronts et battu. La paix est signée en 1544. La France pers la suzeraineté sur la Flandre et sur l'Artois mais conserve un temps la Savoie et le Piémont. Charles Quint abandonnant la Bourgogne donne une de ses filles, dotée du Milanais, à Charles duc d'Orléans second fils de François 1°. Ce règne très turbulent est le dernier su Saint-Empire romain germanique ayant eu une telle importance avant le Grand Empire de Napoléon. Il est également marqué par une politique méditerranéenne isolant l'Empire Musulman.
                   L'abdication de Charles Quint le 25 octobre 1555 de ses possessions non autrichiennes marque l'éclatement de l'Empire et le titre impérial revient, après l'élection en 1558 par les Grands Electeurs, à son frère cadet Ferdinand 1° de Habsbourg souverain des possessions autrichiennes. Charles Quint este enterré au site royal de Saint-Laurent de l'Escurial édifié par Philippe II d'Espagne, réalisation majeure de la Renaissance Espagnole.
                       Sous le règne de Charles Quint, en 1540, naît la Compagnie de Jésus fondée par Ignace de Loyola. Cet ordre religieux va venir en avant-scène face au Jansénisme et parallèlement à la Réforme du Carmel par Thérèse d'Avila. Au sein de cette reprise du pouvoir religieux (Contre Réforme), la mythlogie continue à creuser son sillon et ouvre les voies de la construction sociale moderne face à laquelle les religions avaient peu à peu reculées jusque vers le dernier quart du XX°s.


François Malherbe - poète français 1555-1628 Consolation à M du Perrier sur la mort de sa fille (fin du poème)

                         Mais elle était du monde, où les plus belles choses                       Le pauvre, en sa cabane où le chaume le couvre,
                                                     Ont le pire destin:                                                                           Est sujet à ses lois;
                            Et, rose elle a vécu ce que vivent les roses,                                        Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
                                                     L'espace d'un matin.                                                                       N'en défend point nos rois.

                            La mort a des rigueurs a nulle autre pareilles:                                  De murmurer contre elle et perdre patience,
                                                       On a beau la prier,                                                                      Il est mal à propos:
                             La cruelle qu'elle se bouche les oreilles,                                               Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
                                                       Et nous laisse crier.                                                                    Qui nous met en repos.
                                                         

MYTHOLOGIE ET POESIE
15° partie - La Réforme du Carmel et ses premières incidences sur la culture occidentale
  
Les potins de l'Atelier Poésie - 16 septembre 2010 


  Le Concile de Trente - hormis les intérêts impériaux - est dans les faits une réponse en 1542 du Pape Paul III aux demandes de Martin Luther. Le Concile débute en la cathédrale de Trente (Italie) le 13 décembre 1545 et s'achève en 1663.
  En 1546 le dogme du "péché originel" est effacé s'il y a baptême. D'abord il faut que l'homme reçoive les sept sacrements pour avoir son salut qu'il peut cependant racheter en menant une vie exemplaire, suivant les canons de l'Eglise. L'Eucharistie est redéfinie et le dogme de la transsubstantiation est confirmé "Consécration qui change le pain et le vin en sang et corps du Christ sans changement de forme". Le est le lieu de conservation de l'Eucharistie sur l'autel sacrificiel dela messe à la table recouverte du mandylion [ au sujet du mandylion voir sur ce blog La Véronique - Image ou non de la représentation http://coureur2.blogspot.fr/2012/12/la-veronique-de-la-legende-lart.html] La messe de Saint-Grégoire (Grégoire le Grand, décédé en 640) reste un sacrifice et La Vulgate de Saint-Jérôme (tout début du V°s), reprise par Charlemagne demeure la bible officielle en latin de l'Eglise bien que cette bible fut interdite avant le Concile de Trente. Mais la question des modalités du Salut et de la Grâce fait polémique depuis Saint-Augustin. Pour le Carmel la Grâce s'obtient par le dépassement de la méditation jusqu'à l'envahissement de l'âme : l'âme dans la nuit reçoit l'infusion de la lumière divine. Avec les Jésuites et le Jansénisme au XVII° s la question des Grâces augustiniennes sera loin d'être simple et touchera le monde politique jusqu'à ce que Pascal y apporte une solution philosophique acceptée par le roi.
     Le Carmel est issu de l'érémitisme : c'est-à-dire de cette tradition des moines ermites isolés dans des cabanes dans des lieux déserts. Le Mont Carmel était dans l'antiquité le nom d'une montagne de Palestine cité dans le Livre des Rois de l'Ancien Testament (1 Rois, XVIII) où étaient réunis des anachorètes (moines vivant dans la solitude) sous le patronage du prophète Elie. Dans l'ancienne Grèce la montagne était un lieu fréquenté par Pythagore, philosophe et mathématicien du VI° s v.J.C. En 1156 de notre ère une chapelle est érigée sur le lieu portant le nom de Notre-Dame du Mont Carmel. La règle de vie communautaire de l'ordre fut rédigée au début du XIII°s par Albert, Patriarche de Jérusalem, et approuvée par les papes Honorius III et Grégoire IX. En 235 les revers que subissent les Croisés en Orient face aux musulmans ramènent la confrérie en Occident et , subissant l'influence des Dominicains, la communauté du Carmel se voue à l'enseignement et aux missions. Enfin, dans la seconde moitié du XVI° s, deux personnalités d'exception, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix rénovent l'ordre en lui rendant sa vocation contemplative (Carmel déchaussé) situant la mystique au sein de nuits soudainement envahies par la lumière divine, la lumière de l'amour divin. Le 9 février 1570 le Christ apparaît à Thérèse d'Avila non pas couronné d'épines mais de lumière.
     La réforme du Carmel commence dans le royaume de Castille un an avant la fin du Concile de Trente. En 1562 Thérèse d'Avila (également un des plus grands écrivains de langue espagnole, 1515-1582) fonde son premier monastère Saint-Joseph puis, de 1567 à 1571, Thérèse ouvre les Carmels de Medina des Campo, de Malagon, de Vallaloïd, de Tolède, de Pastran, de Salamanque et d'Alba de Tormes. Puis, de 1574 à 1576 elle inaugure ceux de Ségovie, de Béas, de Séville et de Caracava.
       Le Carmel prône la destruction des images pour ne laisser place qu'à cette nuit intérieure (Nuit obscure est le titre d'une pièce poétique de Jean de la Croix) au sein de laquelle apparaît la lumière divine par l'acte d'amour avec le Christ ayant transcendé la méditation jusqu'à la physique qui atteignait Thérèse d'Avila malgré elle, interdisant à son entourage d'en parler et se faisant attacher par des cordes aux grilles du couvent pour ne pas "monter trop haut". Ce dépouillement intérieur qui conduit à ces états de lévitation s'accompagne non pas d'u isolement social mais au contraire d'une intégration dans la ville des fondations dont les chapelles demeurent ouvertes au public. La Réforme du Carmel est un nouvel érémitisme en tant qu'isolement intérieur et non pas géographique, une recherche de nuit propice au jaillissement de la lumière : presqu'une définition du sublime avec Kant.
       Un peintre venu de Grèce par la Vénétie, héritier des traditions des icônes byzantines (images pieuses codifiées), s'installe à Tolède en 1577. Gréco (1541-1614), converti au catholicisme romain vers 1571, est gagné par la mystique de la nuit du Carmel et il s'isole dans le noir pour méditer. Son oeuvre témoigne du premier impact que la réforme du Carmel aura sur la peinture occidentale. Ce peintre bouleverse l'iconographie scolastique achiropoète de la Véronique (étymologiquement :  La véritable icône) qui était déjà devenue une image de tabernacle (Eucharistie) sous les pinceaux de Jacopo de Pontormo commandité par le pape en 1515 en la chapelle Santa-Maria-Novella à Florence. Gréco transforme l'iconographie apocryphe de la scène de la servante Véronique qui se précipite devant Jésus montant au calvaire pour essuyer avec son voile la sueur de la sainte face (cf.Légende dorée de Jacques de Voragine), recueillant ainsi spontanément sur l'étoffe le portrait de Jésus couronné d'épines. Gréco, excluant le décorum de la scène et Véronique elle-même, ne retient dans une seconde version que la Sainte-Face miraculeusement fixée sur le voile (mandylion) donnant une vision complètement synthétique - éclairée d'une lumière blafarde mais intense depuis la face - de l'épisode, créant une image emblématique de l'Eucharistie à une époque où les emblèmes (ou devises illustrées) se mettent en place (exemple des emblèmes d'Alciat publiées à Lyon en 1534). Gréco, s'il ne créé pas à partir de cette mystique un mouvement de ténébrisme comme les auteurs l'ont prétendu avec Caravage, ouvre la voie à un véritable dogme eucharistique par l'image qui est définitivement mis en place par la gravure dans la seconde moitié du XVII° s et qui sert de repère à l'art contemporain entre créations poétiques, littéraires et plastiques épiphaniques au XX°s de Georges Rouault à James Joyce à Yves Klein. La construction culturelle et plastique du monde contemporain est ainsi une bonne part de l'héritage de deux pôles très forts qui se cristallisent à cette époque  et qui perdront peu à peu leur sens pour se fixer en formes d'art : les grandes iconographies religieuses et mythologiques. Et la réception des translations de Marcel Duchamp (Ready Made ou Déjà Fait 1914-1917) n'échappe pas à l'analyse : le déplacement d'un objet déjà fait et commun, voire vulgaire, dans un lieu sacralisé (musée ou église) pour en faire un objet de vénération (culte ou art) s'appelle une translation et cette invention est purement médiévale et même scolastique liée au culte des reliques. Qu'est ce que l'art contemporain par les directives culturelles internationales sinon à l'occasion un culte reformulé des antiquités et de leurs mécanismes de fonctionnements en principes et images ?


Jean de la Croix - poète Espagnol 1542-1591 - Cantique Spirituel (verset N°23)

Quand tu me regardais
tes yeux venaient graver ta grâce en moi
c'est pourquoi tu m'aimais
et les miens avaient droit
d'adorer tout ce qu'ils voyaient en toi.

          
MYTHOLOGIE ET POESIE
16° partie - l'Europe de la Contre Réforme

Les potins de l'Atelier Poésie - 7 octobre 2010



       Suite aux Traités de Cateau-Cambrésis (1559) presque la totalité de la péninsule italienne passe sous domination impériale, c'est-à-dire sous le contrôle de l'Espagne. Rome n'a plus qu'un pouvoir spirituel mis à mal par l'anglicanisme et le gallicisme  (catholique français indépendant de Rome) qui risque s'imposer en France où arrive un roi huguenot, le roi de Navarre Henri III qui devient roi de France sous le nom d'Henri IV (1553-1610), qui donne la liberté des cultes par l'Edit de Nantes du 13 avril 1598, mettant un terme aux guerres de religions commencées en 1562.
        La Sainte-Inquisition - juridiction catholique romaine - doit représenter l'autorité papale dans les régions et sanctionne parfois à outrance. L'Inquisition Romaine est rétablie sous le nom de Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle en 1542, m'année où le pape convoque ses prélats pour organiser le Concile de Trente (1545-1563). Pour rappel, le Concile de Trente confirme le culte des saints et des reliques, le dogme de la transsubstantiation, la doctrine du péché originel, l'usage de la Vulgate en latin, prononce le célibat des prêtres et créé les séminaires diocésains pour former les prêtres.
        L'église, pratiquement dépourvue de pouvoir temporel, accueille avec enthousiasme les courants spirituels qui se créent ou qui reviennent à des disciplines d'observance. La réforme du Carmel, bien qu'ayant une incidence majeure sur la peinture et sur l'iconographie européenne, n'est pas la seule force en présence ne serait-e que par l''hégémonie des Jésuites qui imposent peu à peu , à partir de Rome, l'architecture de de beaucoup d''églises baroques en envoyant des modèles de anse (modules directeurs) que des "réviseurs" (terme exact employé dans les textes et archives) présents dans les paroisses adaptent aux souhaits des communautés indigènes. Dans le sud-ouest des Alpes e phénomène a une telle importance que le modèle envoyé pour le Gésu de Nice est décliné sur tout le comté dans une proportion qui tend à l'exclusivité architecturale tant on met de soins à construire et à modifier des églises plus anciennes, même trop petites ou trop étroites, sur ce modèle ou des modèles dérivés proches ou plus originaux conçus par les réviseurs. Seule une vague venue du nord de façades à portique et frontispice polychromes et des courants ornemanistes venus de l'est et du nord-est forment une originalité locale en admettant que la combinaison de ces rencontres typologiques constitue une sorte de caractère vernaculaire de la fin de la période baroque dans le sud-ouest des Alpes. A Grasse, dans l'architecture du Premier Art Gothique Cistercien de la Cathédrale, on coince de tribunes (autres caractères de certaines de ces églises jésuites) dans les collatéraux donnant un aspect encombré et si peu esthétique à ce qui devait être un très beau bâtiment : l’obéissance à l'ordre supplante tout autre considération et, paradoxalement, laisse le champ ouvert à beaucoup d'expressions et de créations individuelles au sein de l'ordre initial s'il est respecté. L'initiative personnelle chez les Jésuites existe bel et bien et elle y est même la bienvenue.
           Au moyen-âge un Jésuite est celui qui devient un autre Jésus après sa mort. L'expression devient alors synonyme d'hypocrisie. En Espagne la ferveur catholique est d'autant plus importante que le pays sort de longues luttes catholiques face aux invasions musulmanes (Califats de l'Andalousie). Ce climat favorise l'émergence de nouvelles bases pour la foi, Carmel et Jésuites.
             Ignace de Loyola, le fondateur de La Compagnie de Jésus , est un noble né en 1491 près de la ville basque d'Azpeita. Il mène une vie normale de jeune aristocrate de son époque jusqu'à ce qu'il soit blessé au siège de Pampelune en 1521. Sa conversion survient pendant sa convalescence en lisant La légende dorée de Jacques de Voragine, ce panthéon des saints catholique du grand étayage de la martyrologie, qui nous est désormais familier. De 1522 à 1523 Ignace de Loyola se mortifie dans son ermitage de  Manresa où il commence la rédaction des Exercices spirituels au sein desquels le "don des larmes" prend une importance considérable. Ce don des larmes se retrouve dans l'iconographie de la Contre-Réforme et notamment associé aux gouttes de sang coulant sur la face du Christ, participant à la mise en place définitive de l'iconographie de La Véronique réformée (iconographie confirmée de l'Eucharistie, probable création iconographique de de Gréco autour du Carmel dans le dernier quart du XVI°s) dans l'ambiance de Port-Royal (France) depuis la Sainte-Face de Philippe de Champaigne au burin de Plate-Montaigne après 1660. Suite à son année d'ermitage Ignace de Loyola se rend à  Jérusalem, puis il va d'université en université, d'Alcalà à Salamanque à Paris. En 1534 les membres du groupe qu'Ignace a formés autour de lui prononcent les vœux de Montmartre faisant foi de pauvreté et de chasteté. Après avoir été ordonné prêtre en juin 1537 à Venise Ignace rédige les premiers fondements de l'ordre des Jésuites la Formula Instituti que le Pape Paul III reconnait en 1540. Seize ans plus tard, au décès d'Ignace de Loyola, l'ordre compte un millier de membres répartis sur douze provinces, soixante dix-neuf maisons et collèges et et soixante douze résidences. De nos jours les Jésuites constituent la seconde famille catholique derrière les fondations franciscaines. L'illumination intérieure fait partie des caractères qui rapprochent la mystique des nuits du Carmel de celle des Jésuites.
             D'autres confréries se fondent autour du Concile de Trente.
             En 1559 à la demande de la Sainte Inquisition le premier "index romain" est publié par le pape Paul IV. La Congrégation de l'Index est fondée en 1571 et sévit jusqu'en 1948, date à laquelle elle est abolie. Son objectif est la censure de tous les ouvrages contraires à la doctrine catholique. Inutile de dire que les premiers livres scientifique modernes sont mis à l'Index et en premières victimes les plus grands : les écrits de Copernic (1473-1543) sur l'héliocentrisme et ceux de Galilée y passent aussi, pour n'être que partiellement rayé de l'Index en 1757 et définitivement en 1835. Et l'expérience scientifique de la matière triomphe mais certes pas sans esprit et les artistes sont là pour en témoigner au sein des reconquêtes de matières et de nuits spirituelles. La porte s'ouvre vers le caravagisme, les nuits s'éclairent de lunes et nymphes et naïades reviennent peu à peu dans la lumière.


RACAN, Honorat de Beuil, seigneur de RACAN - Poète français 1589-1670 : Choeur des jeunes bergers

Sus berger, qu'on se réjouisse                   L'astre doré qui sort de l'onde,              Lorsque ce bel âge s'écoule
Et que chacun de nous jouisse                      Promet le plus beau jour au monde,         Les soucis nous viennent en foule,
Des faveurs qu'Amour lui départ:                 Que puissent choisir nos désirs:              Vénus se retire autre part:
Ce bel âge nous y convie,                                 Tout rit à sa clarté première,               Conservons-en toujours l'envie:
On ne peut trop tôt ni trop tard                      Qui semble apporter les plaisirs               On ne peut ni trop tôt ni trop tard
Goûter les plaisirs de la vie.                         En nous apportant la lumière                   Goûter les plaisirs de la vie.
[...]         [...]                                                   

MYTHOLOGIE ET POESIE
17° partie - Caravage, caravagisme et ténébrisme

Les potins de l'Atelier Poésie - 14 octobre 2010


  "Tout historien de la peinture occidentale des XV° et XVI° siècles finit par rencontrer Caravage...La rencontre choque, inquiète, car elle force à mettre en question ce qui semblait acquis : la structure de la peinture d'histoire...Car le système de la perspective selon laquelle sont ordonnées différentes phases de l'histoire peinte n'est que la projection spéculaire d'une société hiérarchisée et concentrique. Dieu ou les dieux dans le ciel, roi, prince, héros, saint sur la terre commandent les peintures, en orientent le sens, en accaparent les significations. Quand à la masse du peuple, quelques délégués en sont retenus pour la représentation anonyme des admiratifs horrifiés, passifs toujours, aux spectacles des triomphes, des miracles, des plaisirs qui se donnent et donnent et leurs donnent les Grands nés de toute éternité pour les dominer. Peinture aristocratique qui ignore son support.
   Dans la continuité de cette peinture, surgit le cas Caravage."
[Françoise Bardon, Caravage ou l'expérience de la matière. Une publication des Lettres et Sciences Humaines de l'université de Poitiers. P.U.F. Paris, 1978, p.15 et 16]

      Après cette magistrale introduction abordons des questions de peinture significatives d'un cas Caravage à la fois hors norme, inscrit dans le contexte de son époque et dans la continuité de l'histoire de l'art - En fait de l'histoire de l'humanité occidentale et de l'évolution ou de la répétition de ses structures mentales jusqu'à en user les supports eux-mêmes et la trame , atteignant la corde jusqu'à son effilochage et sa dislocation avec des propositions plutôt ludiques de ré-assemblages et de bifurcations : ce qu'il est possible de repérer dans l'art contemporain par exemple dans l'oeuvre d'Antoni Tàpies, artiste et philosophe espagnol né à Barcelone en 1923.
        Les arts graphiques et plastiques, depuis le Renaissance, évoluent par rupture et retour à ce qui pourrait-être appelé "le réel". Réel qui serait une construction, une représentation imitative consensuelle. La peinture de Caravage renverse cette idée, bouleversant le rapport au réel en le rapprochant d'un effet de l'acte de peindre construisant son sujet dans son propre espace : c'est l'abstraction, préambule à la naissance de toute figuration depuis Giorgione et que Chevreul, scientifique français de la couleur pour l'industrie, redécouvre dès la première moitié du XIX° s, bien avant Kandinsky [Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, 1909-1911].
         Les rapports de Caravage à la peinture d'atmosphère vénitienne - de Bellini à Giogione à Tintoret à Véronèse - sont documentés par la formation qu'il reçoit auprès du peintre milanais Simone Petermann qui enseigne à son élève les principes du traité de son ami Lomazo Traité de l'art de la peinture édité à Milan en 1584. Le milieu milanais hérite aussi du maniérisme florentin où courbes et contre-courbes propres à définir des conquêtes de nouveaux espaces picturaux dont celui du "réel" qui, conjugués aux constructions chromatiques de la peinture d'atmosphère et pourquoi pas su sfumato de Léonard de Vinci , forment la base de la réforme caravagesque en peinture. C'est en fait une rupture au maniérisme. Si cela semble paradoxal après ce qui vient d'être dit , il faut comprendre que la peinture maniériste s'était fixée dans une sorte de peinture épidermique et de jeux de changements de couleurs sans aucune logique (cangiantisme) qu'Annibale Carrache (1560-1609), le premier, bouleverse pour renouer avec des scènes peintes sur fonds noirs du second tiers du XVI°s et en venir à des expressions de matière en clair-obscur qui éloignent la peinture du savant dessin coloré. La matière peinture conquiert une valeur plastique propre à générer ses espaces et ses sujets à la foi : la "chose mentale" de Léonard de Vinci et la matière reprennent le chemin du tableau.
             Une nouvelle spatialité de la toile peinte apparaît et la figure au lieu d'exister dans l'espace  créé son propre espace. Ce renversement permet alors de nouvelles compositions beaucoup plus sobres et plus complexes que celles du maniérisme proprement dit. Ces nouveautés impliquent d'avantage l'art du peintre que celui du dessinateur (en héritage de Giorgione).En peignant, les rapports à l'ombre  et à la lumière deviennent des enjeux de peinture qui s'éloignent de la préhension anecdotique des lumières dans le réel alors que la matière elle-même devient enjeu de la lumière saisie  sur la toile du peintre : la source de la lumière dans le réel naît n'est pas la réelle lumière de la scène (Vocation de Saint-Mathieu). Ces enjeux spirituels sur les éclairages du tableau et leurs rapports décalés au réel, transforment les compositions picturales de la première période baroque avant que Georges de la Tour en fixe une nouvelle rigueur orthogonale proche d'une autre composition abstraite contemporaine : celle de Mondrian. Le pigment, et son rapport aux fond et à la scénographie, devient à son tour plus essentiel pour crée une nouvelle trame dramatique de l'oeuvre. Michel-Ange avait créé son propre son sens du drame avec ses fresques lumineuses de la Sixtine. Caravage invente une part du drame du XVII° s avec son ténébrisme qu'organisent les rouges, qui gagne l'Europe en même temps que les mystiques de la nuit du Carmel Réformé. Toutefois qualifier de "caravagesque" toute peinture représentant des rapports avec le clair-obscur comme Rembrandt ne doivent rien à Caravage et à Corrège non plus. C'est ce rapport des peintres aux ténèbres d'où jaillit la lumière comme leurs tableaux surgissent des ténèbres organisées par la lumière de la matière  qui engendre au sein des nocturnes et de la spiritualité des nuits des courants différents caractéristiques s'une part de la peinture du XVII°s. 
              Dans les peintures de Caravage  apparaissent de nouvelles figures dont les vanités - crânes - qui appartiennent à ce climat européen de la Contre-Réforme. La nature morte introduite au nord dans la peinture - Caravage y a sa part au sud - va se développer tout au long du XVII° s et si les thèmes traités par Caravage sont presqu'exclusivement bibliques nous repérons des peintures licencieuses (Bacchus) ou de genre en marge des figures empruntées à la mythologie comme les postures des ménades peut-être issues des modèles de Lorenzo Lotto que Caravage connaissait : ces compagnes de Dionysos et la sulfureuse réputation du maître.   

Jean-Louis Faucon de Ris, marquis de Charleval, poète français 1612-1693  - Sur les dangers de voir les yeux d'Iris (Sonnet)

        Alors que le soleil commence sa carrière                             Imprudent que je suis ! J'ai cru que leur splendeur
        Et que de ses clartés on voit rougir les cieux,                        N'exciteront plus jamais une cruelle ardeur,
         On peut regarder; et sa faible lumière                                  Qu'ils ne brûleront que d'une douce flamme.
         De rayons éclatants n'offense point les yeux. 
                                                                                                 Mais leurs traits aujourd'hui ne sont plus innocents.
         Ainsi, divine Iris, en leur clarté première                                 Leurs rayons lumineux pénètrent jusqu'à l'âme;
           Vos regards tout puissants étaient moins radieux;                        Et troublent plus l'esprit, qu'ils ne troublent les sens.
          Vos beaux yeux reluisaient d'un éclat glorieux :
          Mais l'on souffrait leur feu, sans baisser la paupière. 
     
MYTHOLOGIE ET POESIE
   18° partie - L'art baroque, une introduction par les grands auteurs

Les potins de l'Atelier Poésie - 28 octobre 2010

       Les auteurs communs comme l'amateur sont généralement embarrassés pour donner une claire définition du mouvement baroque , écrivant le plus souvent "art baroque: évolution de l'art de la Renaissance" sans savoir très bien où ça commence et où ça fini. Un quidam, savant de surcroît, donne l'image formée au XVIII° s d'une perle aux contours irréguliers : la perle baroque. Le mieux pourrait être d'aborder très prudemment un ensemble complexe grâce aux grandes lignes fixées par les grands auteurs et qui nous éviterons toujours de nous égarer dans ce XVII°s à la fois baroque et classique où naîtront les académies du royaume de France.
         En allant puiser chez les grands auteurs (H.Wolfflin, .Chastel, M.Ch. et J.J. Gloton, Y Bottineau) nous trouvons une concordance des dates qui situe le genèse du style entre 1600 et 1610, pour atteindre une première maturité vers 1620-1630 et un plein épanouissement vers 1640 et au-delà en Europe, jusqu'en 1715 environ (mort de Louis XIV et Traité d'Utrecht).
            Yves Bottineau dans son  Art baroque (Mazenod, 1986), après avoir fixé le mot adopté par l'Académie Française en 1740, cite Jean-Jacques Rousseau (1776) qui applique l'expression à la musique "confuse, dissonante" que rejoint Quatremaire de Quincy (1795) parlant en architecture d'une "nuance du bizarre). 
               Suivant l'exemple d'Yves Bottineau nous retrouvons Heinrich Wolfflin (Renaissance und barock, Bâle 1961, édition française de 1967, traduction de Guy Ballangé) qui a formé l'entité stylistique du baroque : "Ses réalisations les plus réussies les intérieurs d'églises, font apparaître et introduisent dans l'art un sentiment tout nouveau de l'espace, tendu vers l'infini : la forme se dissout , pour laisser la place au pittoresque dans son acceptation la plus haute, c'est-à-dire à la magie de la lumière. Le propos n'est plus de rechercher une proportion cubique précise, un rapport bienfaisant entre la hauteur , la largeur et la profondeur d'un espace fermé précis ; le style pittoresque pense d'abord aux effets d'éclairage : profondeur d'une obscurité insondable , magie de la lumière tombant des hauteurs invisibles de la coupole, passage de l'obscurité à une clarté toujours plus grande, voilà les moyens avec lesquels le style opère sur nous...Ce que son art veut exprimer, ce n'est pas l'être parfait, mais un devenir, un mouvement...Le baroque agit par l'absence de forme, qui excite en ce qu'elle doit d'abord être surmontée...On pourrait aussi décrire l'idéal corporel du baroque romain ; les formes élancées et déliées de la Renaissance font place à des corps massifs, grands, aux mouvements embarrassés, à la musculature saillante et aux habits bruissants (le type herculéen)...Tout devient pesant, s'appuie sur le sol avec plus de lourdeur. La position couchée devient une torpeur immobile, sans aucune tension...on sent d'avantage la matière que la structure interne ...tout reste pris dans la masse ; la forme reste compacte; Mais il y a plus : à cet effet de masse s'ajoute un mouvement d'une impétuosité et d'une violence exacerbées. L'art en s'attache plus qu'à la représentation de ce qui est en mouvement...c'est l'état d'agitation qui représente l'idéal...Chez Titien la figure est doucement soulevée, chez Le Corrège elle déjà comme un essor, chez Annibale Carrache son élan vers les cieux est quelque chose de fulgurant".
               André Chastel (L'art Italien, 1982) nuance et précise : "Le baroque complet est l'art de Bernin et de Pierre de Cortone; c'est un système architectonique et décoratif...Cette orientation fut vigoureusement définie à Rome, entre 1600 et 1610, par deux groupes qui avaient beaucoup en commun et qu'il est d'usage - mais souvent artificiel- d'opposer : l'un se déclare en effet en rupture avec presque tout ce qui le précède , c'est le "luminisme" intégral du Caravage; l'autre est la peinture claire et idéalise des héritiers de Carrache".
                   Et Marie-Christine Gloton de nous entraîner dans la quadrature du cercle et les envolées du décor plafonnant baroque de Rome [Trompe l’œil et décor plafonnant dans les églises romaines de l'âge baroque. 1965]. La boucle se resserre au cœur de l'Italie papale, jalouse et isolée au sein d'un empire en déclin.
                    Enfin Jean-Jacques Gloton nous rappelle à l'ordre de cette France de Louis XIV, absolutiste, étendant sa suprématie culturelle sur tout le continent et que nous croyions classique et qui livre sa contribution à l'art baroque jusque dans le sud-est de la France  que nous voudrions tant fille et sœur cadette de l'Italie. Eh non! Chacun chez soi : " On se gardera pourtant  d'attribuer à la seule influence italienne le développement spectaculaire du Baroque à Aix-en-Provence...c'est bien une large part le séjour de la cour de France qui a déclenché ici la passion du luxe et de l'ostentation. Les somptueux décors qui vont embellir les nefs et les salons aixois ne nous semblent bien souvent italiens que parce que nous avons perdu le souvenir de que c'était le Marais  et les maison royales sous Louis XIV...Mais il y a plus à Aix. Nulle part on ne trouverait, sinon dans la capitale du royaume, cette abondance, cette fantaisie, ces audaces, ce mélange de goût flamand, italien et versaillais d'où le baroque ressort non affaibli mais amplifié" [Renaissance et baroque à Aix-en-Provence. Ecole française de Rome, en deux volumes, 1979].
                         C'est fait. La synthèse s'est opérée. L'Italie doit partager et se dissoudre dans l'Europe du XVII° siècle commencée dans la lumière des nuits au sud pour s'éteindre et triompher dans la gloire du Soleil déclinant au nord.


Pierre de Marbeuf - Poète français 1596-1645 - désigné comme un des représentants de la poésie baroque en France.

Recueil des vers
  
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage                             La mer de l'amour eut la mer pour berceau,
Et la mère est amère, et l'amour est amer,                                        Le feu sort de l'amour, saa mère sort de l'eau
L'on s'abîme e, l'amour aussi bien qu'en mer                                   Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
                                                                                                           Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,                           Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Celui qui craint les maux qui souffre pour aimer                              Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. 
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.        

MYTHOLOGIE ET POESIE
19° partie - De Fontainebleau au baroque romain, le premier renouveau de la peinture française

Les potins de l'Atelier Poésie - 4 novembre 2010

   Depuis la fin de l'Ecole de Fontainebleau la peinture française s'est diluée. Et quand bien-même le bon roi Henry IV aurait passé commande pour ses châteaux, le temps en a détruit la plus grande partie. Pendant ce temps l'art baroque naît à Rome sous les pinceaux de Caravage et des Granache (1600-1610) alors que Carlo Maderno installe à Rome les premières colonnes en façade de l'église Sainte-Suzanne (fin du chantier 1603) accompagnées de valeurs murales qui avancent en projetant leurs volumes hors oeuvre.
    La peinture française de la fin du XVI° s et du début du XVII° s se cantonne dans un maniérisme tardif dont les représentants les plus connus sont Amboise Dubois (1542/43-1614), Toussaint-Dubreuil (1561-1602) et Martin Fréminet (1567-1619). Amboise Dubois, origine d'Anvers amène en France le maniérisme nordique, mélange d'éléments flamands et de maniérisme international qu'il exprime dans des registres empruntés à la mythologie.  Toussaint Dubreuil continue plus franchement la veine de l'art français. Il est traditionnel de reconnaître dans cet artiste, avant Vouet, le lien entre Primatice et Nicolas Poussin.Quant à Martin Fréminet, formé pendant quinze ans de Venise à Turin, il s'était lié à Rome au Cavalier d'Arpin (1568-1640) autrement dit le peintre Giuseppe Cesari chez qui Caravage a peint des fleurs et des fruits autour de 1593-1594. A ce groupe d'artistes il fauta associer Jacques Bellange, graveur, dont le style étrange n'est pas sans rappeler certaines audaces de Jacopo Pontormo (maniérisme florentin). Bellange traite principalement des thèmes religieux et parfois il grave des scènes de genre qui le rapprochent de Jacques Callot (Nancy 1592-1635) le plus illustre graveur français de la période, contemporain des frères Le Nain (Antoine 1588-1648, Louis 1593-1648 et Mathieu 1607-1677) et de Georges de la Tour (1596-1632) également peintres de scènes de genre (entre autres sujets). Ces scènes de genre s'inscrivent pour une bonne part dans la tradition picaresque née en Espagne avec La vida de Lazarillo de Tormes (1553-54) établissant un lien très fort avec le développement littéraire européen depuis l'Espagne, en rupture avec la renaissance du roman moderne français (La princesse de Clèves 1678) par les prémices de  L'Astrée d'Honoré d'Urfé (1607-1627) sans oublier ce qui est appelé la naissance du roman psychologique avec Le page disgracié (1643) oeuvre autobiographique du poète Tristan L'Hermite. L'Astrée , oeuvre bucolique et sentimentale, marque le début des pastorales françaises des bergers d'Arcadie éliminant le religieux et entraînant, outre le romanesque moderne français, la lente construction de l paysannerie culturelle doont la première traduction iconographique est peut-être celle des frères Le Nain à laquelle succède une mode de maisons de campagne et de plaisirs de la Régence (casins et folies) ainsi que de laiteries (les plaisirs à imiter les bergers) avant Jean-Jacques Rousseau et le Hameau de la Reine à Versailles à l'origine des styles régionaux de la fin du XIX°s. A partir de la fin du XVIII°s cette veine va exploser et rejoindre la construction culturelle ouvrière qui sera hélas le plus souvent un trompe l’œil politicien et d'intellectuels bourgeois qu'une réalité concernant le véritable monde ouvrier désormais instrumentalisé. La misère voyante et l'analphabétisme reculeront cependant de façon conséquente et le sociologue pourra élaborer sa critique sociale du jugement (Bourdieu 1979).
           Dans ce nouveau noeud historique du premier quart du XVII° s, où se précisent et s'amorcent de nouvelles voies de la construction culturelle moderne et contemporaine, la peinture française n'a pas encore trouvé son grand représentant, malgré les frères Lenain et Georges de la Tour. En témoigne en 1630 le peintre Claude Vignon envoyant d'Italie huit caisses de tableaux au duc d'Orléans. Les peintres à l'étranger ont aussi ce rôle de pourvoyeur des collections des grands seigneurs.
            Simon Vouet (Paris 1590-1649) rentre d'Italie en 1627. Talent précoce, il part en Angleterre à quatorze ans pour y peindre un portrait alors qu'en 1611 on le trouve à Constantinople avec l'ambassadeur de France. Puis il revient par l'Italie prolongeant son séjour depuis Venise (1613) à Rome l'année suivante, s'y installant et de là visitant Bologne, Modène et Naples. Élu président de l'Académie Romaine de Saint-Luc en 1624 il revient en France par Venise trois ans plus tard. Pendant les dernières années de son séjour en Italie Simon Vouet s'approprie une part du baroque romain naissant, créant une sorte de première synthèse entre caravagisme et références michelangélesques. L'influence de Guido Réni, dit "Le Guide", héritier des Carrache vers Pierre de Cortone, semble également avoir eu son importance alors que Vouet étudie les plafonds peints de Véronèse, en passant par Venise, et la peinture de Guerchin fortement influencée par Caravage, les Carrache et Rubens qui avait reçu plusieurs commandes de la famille de Mantoue entre 1600 et 1610. En mare des peintres à thèmes religieux les dernières années du séjour ultramontain de Vouet sont marqués pa une production de têtes de bohémiens. Toutefois, l'influence de Poussin et du classicisme se font sentir dans l'oeuvre de Vouet qui commence une production de peintures poétiques et allégoriques dès 1630 ave un grand ensemble illustrant Le Tasse (poète italien 1544-1595) auteur d'une drame pastoral L'Aminte qui eut un grand retentissement dès sa représentations en 1573. Le style multi-directionnel, assez personnel, à la fois proche de l'art baroque et du classicisme que Simon Vouet d'était forgé connaît en France un succès immédiat qui le propulse au premier rang jusqu'à sa mort en 1649. Si sa suprématie est un temps inquiétée par les deux ans que Nicolas Poussin passé à Paris (1640/42) Simon Vouet continue à être le peintre préféré des français du second quart du XVII°s fixant pour un siècle les grandes lignes de la peinture ornementale française en retournant aux sources bellifontaines  de Primatice, réintroduisant stucs, dessus-dessous, grandes perspectives lumineuses, ruines perçant les voûtes, tintamarres, trompe l’œil et effets de rideaux, grotesques et scènes bucoliques dans la contribution française à l'art baroque.

                        François d'Arbaud de Porchères - Brignoles (Var) 1590 -Bourgogne 1640 - Sur l'Esprit malin (Sonnet)

           Nature, prête-moi tes plus noires couleurs                     Il nous ouvrit la voie aux éternelles flammes,
            Fournis pour mon tableau, le sang d'une panthère,            Et ce bourreau cruel et des corps et des âmes
            Le venin d'un dragon, le fiel d'une vipère,                           Détruisit, d'un seul coup, le bonheur des humains.
           D'un crocodile enfin, et l'écume des pleurs.
                                                                                                          C'est à toi-même, Ô Dieu ! que Satan fit outrage.
            Je veux peindre, aujourd'hui, l'artisan des malheurs,            L'homme est ta ressemblance et l'oeuvre de tes mains :
            Le lion, le serpent, le monstre sanguinaire                                 Venge l'original, en sauvant son image.
             Qui nous fit tous mortels, en tuant notre père,
             Et, par lui, nous causa d'éternelles douleurs.



MYTHOLOGIE ET POESIE
20° partie - 3 expositions parisiennes - J.M.Basquiat, C.Monet, P.Rubens/N.Poussin - Regards mêlés, oeuvres, mythes et société.

Les potins de l'Atelier Poésie - 4 novembre 2010

       La grande rétrospective sur les dix ans de création de Jean-Michel Basquiat (1960-1988), artiste plasticien américain dit "underground", nous interpelle. La jeunesse de l'artiste et ses relations avec Andy Warhol pourraient nous rapprocher d'Arthur Rimbaud. La comparaison ne tient pas. En revanche, l'exposition du musée d'art contemporain de la ville de Paris, par la seule qualité de son installation, permet une lecture aisée de l'oeuvre de Jean-Michel Basquiat et une illusion de création construite par les galeristes américains du XX°s autour du mythe du graffiti y est évidente. Ce qui surprend c'est l'amalgame - comme un grand bazar - de beaucoup d'inventions de l'art du XX°s.: Picasso, Braques et Léger pourraient y trouver leur place. Ainsi, nous remontons aisément au portrait-charge du XIX°s pour basculer directement vers la figuration narrative des années 1960. Entre temps nous sommes passés par la figuration libre de Gaston Chaissac jusqu'au Pop-Art et à sa simultanéité dont l'invention en composition plastique revendiquée par Sonia Delaunay (1913) est transmise aux USA par le graveur britannique Hayter (1940). Support-Surface y est manifeste (1965). On remonte encore de Monet à la Gestualité Abstraite de Jackson Pollock à la Gestualité Figurative ce vecteur mnémonique de Mag-Bert (40/85) fondé sur la mémoire colorée très rapidement projetée en thèmes identifiables, en clôture du mouvement de pleinairisme entré dans l'atelier depuis les vallées des Deux-Creuse  au confluent desquelles Claude Monet  avait défini l'Acte Rapide de Peindre (1889).
                Est-ce un hasard si la retrospective de l'oeuvre de Claude Monet (1840-1926) a lieu en même temps que l'exposition Basquiat autour de la pulsion et du geste ? Au musée Marmottan le visiteur est impliqué dans une authentique création par le geste rapide de peindre saisissant la lumière seulement. Monet bouscule complètement l'ordre de la perspective des couleurs en vigueur depuis le XVI°s, du basculement de l'image à l'inversion. Le tableau est inversé. Le spectateur - car il s'agit d'un spectacle - devient lui-même récipiendaire du point de fuite, de la constitution optique du tableau, dans un espace qui s'intercale entre le dit spectateur et l'oeuvre préparant le phénomène d'espace coloré qui apparaîtra face aux peintures de Jackson Pollock (1912-1956). Le spectateur est à la fois objet et acteur de la construction optique du tableau et les cadres lourds de Monet deviennent aériens par la magie des peintures: c'est prodigieux!
                     Outre l'aspect très agressif des oeuvres de Basquiat, ou voulant l'être par une forme expressionniste qui n'a rien de nouveau depuis les Expressionnistes Allemands et la "mauvaise peintre" (Bade), nous sommes là face à des recettes allant de ci de là à l'illusion d'une rupture à l'art du tableau sans jamais parvenir à autre chose qu'à des oeuvres de salons ou de galeries ; un art du décor adapté à certaines sensibilités contemporaines, fugitives et de convention. Pour un artiste présenté comme graffeur d'origine haïtienne et portoricaine, né dans la misère des quartiers défavorisés de New-York, ce sont les murs du salon/dollar qui ont la parole, pas ceux de la rue révoltée (Paris 1968 au mur de Berlin). A aucun moment l'artiste convainc avec ses supports triturés : angles apparents des chassis, toiles aux bordures peintes non rabattues, constructions simultanées redondantes et polyptyques aux pièces décalées ou projetées dans l'espace, palissade. Tout cela est archi-connu, usé ou trituré. Ces réemplois dans le dernier quart du XX°s font même figure de maniérisme de l'art contemporain, et, si d'aventure l'aérosol remplace le pinceau, depuis les salons napoléoniens aux années 10 et 60, la voie des nouvelles technologies dans l'art avait été largement ouverte à Paris même...passons à autre chose...  
                          Hélas, la présentation de l'exposition Rubens/Poussin (XVII°s), dans ce somptueux hôtel Jacquemart-André où sont conservées des merveilles, ne permet pas à l'amateur de se faire une idée très nette de ce qu'un confluent d'influences historico-artistiques ouvre en possibilités créatives d'inventions. Le catalogue de l'exposition Rubens/Poussin, à la syntaxe délicate, s'il est très érudit sur le plan de l'histoire, péche hélas par une approche particulière de l'art de la peinture où les thèmes tiennent lieu d'études techniques. Dans un XVII° s où l'origine des thèmes est souvent connue par estimation, tant ceux-ci ont pu être diffusés par une multitude de vecteurs dans des climats mystiques conséquents, il est difficile d'adhérer à des conclusions par des apparences. Dans la littérature sérieuse sur l'art du XVII°s Anthony Blunt part bien des thèmes ouvrant les voies qui conduisent à l'originalité des oeuvres et à des ruptures stylistiques. Pierre Rosenberg avance encore dans la démarche comme avec ses observations sur la série des saints de Latour et de son prétendu caravagisme. Ici, la démonstration qui voudrait aller vers un renversement des influences picturales entre Paris et les Pays-Bas  au XVII° s se heurte au même déficit d'analyses techniques qu'avec la construction "galeriste" de l'oeuvre de Basquiat. Peut-on être acteur responsable de sa propre culture par un accès analytique scientifique et technique plutôt obscur et oblitéré ?
                   Les oeuvres apportent à chacun. Le spécialiste de l'art n'est qu'un électron isolé, confronté au jugement de l'histoire et son avis technique est peu de chose face aux goûts qui conduisent les modes et les sociétés, quand le pire n'est pas atteint par la codification légalo-politico-juridique. Ors ce modes, ces goûts, ont, en retour, des origines, des sources,. Comme ces potins se situent dans un cadre psychiatrique et comme nous avons constaté avec quelle liberté on nous propose une lecture de création à ce qui est réemplois, c'est avec une grande liberté d'esprit que nous voyons dans cette exposition Basquiat, se réclamant d'origines africaines et exploitant des sources structurelles occidentales, une question primordiale. Cette question se trouve partout chez les artistes du Hip Hop. En exemple, à l'âge de neuf ans un jeune homme marocain arrive en France où il est scolarisé. A l'adolescence il produit des oeuvres Hip Hop avec des composition simultanées et de bandes dessinées bousculées par des brakes qui sont l'héritage des écritures scandées du cubisme ayant transitées par les mouvements contemporains de l'invention d'Isidore Isou de ce terme générique de Lettrisme (1945) dont la publicité peinte, les manchettes de journaux (Mallarmé) Raoul Hausmann (années 20) et les poètes en général sont les véritables pionniers. Cet artiste déraciné, s'épanouissant artistiquement dans le milieu culturel français, pourra affirmer avec la plus grande honnêteté que les sources de son originalité sont dans sa culture marocaine ou dans sa cité alors qu'il applique  strictement - même dans le cadre d'une marginalité de l'art de la rue - des concepts de l'art culturel occidental, sans s'en rendre compte et surtout en étant persuadé du contraire. Y aurait-il une faculté mentale spécifique à l'assimilation globale et spontanée d'une mémoire culturelle étrangère jusqu'à son appropriation par des populations déracinées qui pourraient la restituer avec, pourquoi pas, une certaine originalité liée à des racines anciennes mais enfouies ou sédimentaires ?

          Bricolage avait dit Levi Strauss : c'est là que serait peut-être l'intérêt de l'oeuvre talentueux de Jean-Michel Basquiat mais pour les approches scientifiques de l'exposition Rubes/Poussin qu'en est-il de la proposition du célèbre scientifique des mythes ?

      Poème affiche de Sonia Delaunay, invention de la simultanéité en composition plastique, 1913, vers le Pop Art et les années 60/80.

Ci-dessus: B.Cendrars et Sonia Delaunay, La prose du transibérien et de la petite Jeanne de France - 1913
Ci-dessous : Pierre Garnier et Seiichi Niikuni : Poème franco-japonais 1966.


La démultiplication des oeuvres dans l'espace/temps
Installation de deux dessins de Vincent Alliot encadrant une peinture à l'huile sur toile de Pierre Marchetti. Cadres et  montage de Claude Peynaud,  avec reflet d'une composition en perspective des échos, encadrée de Pierre Courtaud et de Scanreigh (gravure commune).
MYTHOLOGIE ET POESIE
21° partie - aux sources de l'iconographie moderne, l'artiste gogol marche-t-il toujours aux côtés du gentil fou ?

Les potins de l'atelier Poésie - 6 janvier 2011


                 A notre époque, tout échange d'idées sur l'art, avec en cible principale les arts plastiques, devient impossible tant chacun en a sa conception qu'il revendique en tant que droit démocratique au discours sur l'art sans jamais réclamer de formation sérieuse aux pratiques artistiques (les Anglais appellent cela art speak . C'est comme si l'art dans l'abstrait avait cette particularité au sein des sciences humaines de n'avoir aucun fondement scientifique et de pouvoir être livré à tout négociateur d'idées pour peu qu'un statut social lui confère une reconnaissance d'élite intellectuelle, ou prétendue telle. L'artiste étant bien sûr généralement exclu de cette reconnaissance des compétences. Assez curieux. Par ailleurs, les ateliers thérapeutiques en milieu hospitalier où sont reçues toutes les classes socioprofessionnelles permettent de faire le point sur la formation à l'école publique des populations à l'art : le constat et sans appel. Ce grand vide éducatif ouvre à des professionnels un terrain en friche et de choix en libre accès pour faire admettre des productions pathologiques et leurs auteurs dans le champ de l'art qu'il barricadent - et c'est là que la bât blesse - aussitôt dans les murailles des forteresses de leur savoir, si tant est que ce savoir soit fondé, et leurs propos deviennent des estimations catégoriques d'art ayant force de vérités face à la Loi alors que ces experts qui ont dans leurs spécialités médicales, juridiques autre,  force d'expertise n'en n'ont certes pas en art. Dans cette faillite de l'art certains de ces professionnels n'éprouvent aucune gène à tenir des colloques sur l'art, allant jusqu'à donner de nouvelles définitions des concepts artistiques de totale appropriation. Le monde scientifique de l'art est lui-même pris au piège de ses propres spécificités s'il ne s'attache pas à certaines ouvertures de voies de recherches comme par exemple Jean Dubuffet l'avait fait à travers les productions des états pathologiques, s'il ne se repositionne pas sur les bases scientifiques spécifiques dont il est pourtant de bon ton - contrairement à tout autre science - de faire de nos jours la navrante économie. C'est comme si un musicien pouvait jouer spontanément d'un instrument sans apprentissage : c'est absurde. Une catégorie sociale se positionnant en élite intellectuelle exclusive voudrait donc, entre autres, repositionner le monde de l'art dans l'exclusivité d'un appareil psy propre à créer de nouveaux concepts pour une redéfinition de l'art en dehors de toute pratique des métiers. Le monde de la pathologie mentale devient à l'occasion celui du négoce de l'art. La folie passe dans le goût de l'autre qui achète en galerie un morceau de folie. Extraordinaire et étrange hérésie d'un retour au culte des reliques par le commerce des âmes sublimées en artéfacts de bric et de broc et Duchamp d'en organiser la translation suivie d'un Cage à la relance d'un taoïsme médiéval du vide et du plein - le trou y ayant la vedette - en processus d'idées différenciées dans l'art contemporain (depuis le rapport du Commandant Perry - New-York 1853). "Tous les artistes sont fous" (sans nous donner ni l'échelle d'étalonnage de l'art ni celle de la folie et encore moins du rapport de l'art à la folie sinon par des échelles et tableaux confectionnés à valeurs de preuves imprimées et publiés alors qu'elle n'en sont aucune et en aucune façon puisque seulement dépendante de celui qui en organise la conception et l'exploitation, voire la diffusion) nous vient du commerce de la folie à travers des artéfacts comme le clergé ayant jadis celui des âmes en monopole vendait des indulgences. Ces professionnels de la psyché (de la santé) connaissent encore moins d'artistes  (si tant-est qu'ils les identifient à juste titre et non selon les concepts qu'ils se sont fabriqués sur mesure) que le clergé qui en avait l'étroit contrôle au moins par la commande et par la conformité des iconographies par l'institution de l'Index. En revanche ces thérapeutes peuvent avoir des clients qui présentent des caractères fréquemment rencontrés  dans les milieux de l'art, dont l'exhibition et la souffrance de certains thérapeutes. Si le milieu de l'art exerce une certaine attraction et fascine des personnes en souffrance cela ne fait pas pour autant de l'artiste, qui est un homme de métier, quelqu'un de pathologique. Au sein même du métier d'Art-Thérapeute nous ne savons pas toujours très bien reconnaître une production médicale d'une production artistique car seul le procédé mental projectif est pris en compte. La connaissance des métiers d'art y est pourtant importante pour s'y retrouver et se situer en tant que thérapeute au regard des productions mentales car toutes les productions artistiques sont bien  - dans les problèmes qu'elles arrivent à résoudre dans leur confrontation au réel et à la matière, comme toutes les activités humaines - entraînées par une part importante de l'énergie psychique, sauf handicaps moteurs. Handicaps qui ne sont pas pour autant des freins à la création lorsque nous sommes face à un d'authentique créateur indépendant des schémas projectifs imposés par les pathologies, c'est -à-dire à un inventeur que nul ni rien ne peut remplacer dans le champ des inventions spontanées ou non, reconnues ou identifiées par le groupe social récepteur ou censeur, quand le politique n'aggrave pas le champ de réception du génie national, ce qui est une très grave question posée à notre société sponsorisée et dirigée par les seuls intérêts des grands puissances. Les artistes, les créateurs authentiques ont donc tout à fait le droit d'être malades tout comme tout autre individu, et le vrai thérapeute  doit le reconnaître avec des outils propres et non pas avec des idées en l'air qui épatent le beau monde, voire qui alimentent le clientélisme en psychiatrie. Un médecin tombant malade ne fera pas un artiste pour autant. Et inversement. La recherche artistique est aussi complexe que la recherche médicale mais dans tous les cas le processus est le même. Il s'agit du fonctionnement d'un champ de l'activité humaine et en thérapie (dont l'art-thérapie) de permettre un réinvestissement dans le paradigme social des activités humaines normales à des personnes éprouvées par la maladie. Si les artéfacts sont utilisés en thérapie il s'agit bien de supports potentiellement récepteurs ou vecteurs de productions psychiques mais en aucun cas des oeuvres élaborées par un savoir faire scientifique et de métier issu d'apprentissage(s). La spécificité de la pathologie mentale étant bien par ailleurs d'altérer les capacités d'un sujet dans l'exercice de son métier au sein des exigences d'une société, même si l'art est son métier. Les médecins, y compris les médecins psychiatres, ne signent pas des arrêts maladies pour le plaisir ou alors le problème est encore plus grave que ci-dessus exposé.
         Le symbole et le genre dans l'art du XVII° siècle posent certainement autant de problèmes à l'amateur d'art que l'art à l'apprenti sorcier dans les rapports entre l'art et la pathologie mentale sous la plume de ceux qui veulent qu'il y ait un rapport obligé au regard superficiel des images. Mais ce dernier point de vue affirmé avec force médicale entraîne bien tout à fait en contresens la symbolique  artistique dans le champ de la sémiologie. Prenons un guide. Si les études d'Emile Mâle ne sont pas des vérités universelles elles ont considérablement fait avancer l'étude de l'art par l'iconologie. La conclusion que cet auteur donne à sa gigantesque étude  sur l'iconographie religieuse articule la fin du moyen-âge à la période moderne par le Concile de Trente (1545-63) :
     " Le moyen âge finissant avait exprimé tous les côtés humbles de l'âme...C'est un art de l'humilité profonde...Tout différent est l'art de la Renaissance. Son principe caché est l'orgueil; l'homme désormais se suffit à lui-même et aspire à être un dieu. La plus haute expression de l'art c'est le corps humain sans voile ; l'idée d'une chute ...Les saints, le Christ lui-même se mirent à ressembler à des héros antiques, à des empereurs divinisés qui planent au-dessus de la nature humaine...Mais cette conception nouvelle ne modifia en rien les dispositions iconographiques. Si l'esprit est différent, la forme reste identique...Si la tradition du moyen âge est morte, ce n'est pas la Renaissance qui l'a tuée, c'est la Réforme.
          C'est la Réforme qui, en obligeant l'Eglise catholique à surveiller tous les aspects de sa pensée et à se ramasser fortement sur elle-même, a mis fin à cette longue tradition de légendes, de poésie et de rêves."
           Emile Mâle nous expose alors la fin du théâtre médiéval sous les coups de la Réforme ; Les Mystères "Quand le théâtre religieux disparut, il n'y eut plus d'autres traditions que celles qui se perpétuent encore quelque temps dans les ateliers...C'est ainsi qu'à la fin du moyen âge nos artistes se trouvèrent tout d'un coup sans traditions en face des sujets chrétiens. Voilà comment la Réforme, en tuant le théâtre du moyen âge, atteignit directement l'iconographie". En attendant de poursuivre avec les prochains potins, remarquons Caravage qui reprit l'iconographie médiévale de "La mort de la Vierge" pour une de ses compositions (1605-1606) : cette peinture fut refusée.


Emile Verhaeren - poète Belge, Flamand 'expression française - 1855-1916 La folle (extrait)

        Or aujourd'hui c'est la réalité                                                   qu'on veut avec ténacité
        Secrète encore, mais néanmoins encloses                                   Saisir, pour ordonner la vie et sa beauté,
        Au cours perpétuel et rythmique des choses                             Selon les causes.

  MYTHOLOGIE ET POESIE
22° partie - Art, iconographie et censure, du moyen âge à nos jours à la recherche du XVII° s.

Les potins de l'Atelier Poésie - 13 janvier 2011
    
      Qu'y a-til de surprenant à ce qu'une société essaie de contrôler la production de ses artistes ? Les sociétés, que ce soit par la doctrine, l'Index ou la censure, par l'idéologie, ont toujours tenté de maîtriser sinon la production des oeuvres au moins leur diffusion. De nos jours l'équilibre se situerait entre contrôle et tolérance avec une forte tendance ces dernières décennies à orienter l'esprit même des créations à des fins de compétitivités sur les marchés internationaux de l'art. Le musée national des Philippines à Manille consacre même une salle à entreposer des productions alignées à ce marché, salle dont le guide ne vous entrouvre que difficilement la porte tant il est mal à l'aise avec ces productions dans le musée national. Cette vaste salle du musée est isolée des productions de l'art national -également présenté dans un autre musée national de Manille - par ailleurs parfois de grande qualité mais pas nécessairement "alignées" alors qu'au siège de l'Alliance Française à Manille  le personnel français ne répond au visiteur français que  s'il parle en anglais (authentique et vécu), apprenant toutefois le français au personnel philippin , derrière le comptoir d'accueil, qui lui se ferait un plaisir de vous répondre en français. L'humour et l'indépendance des asiatiques regardant les modèles occidentaux sont assez extraordinaires et nous pouvons le voir encore à Manille en plein air avec des sculptures très singulières installées à l'abandon dans un parc de la ville proche du théâtre national dont les murs extérieurs sont des leurres de papier vinyle colorés avec des entrées dignes des architectes de Cléopâtre vus dans Astérix. En revanche les quartiers ultra modernes de Manille sont les contre-pieds de cette distanciation. En France le principe de subvention des artistes fut par ailleurs souvent pour une part celui déguisé des partis politiques mais pour l'honneur de notre pays un Président de la République de la transition des siècles avait un peu nettoyé le système (Chirac), non sans réactions et au nom de la culture et de l'art, on s'en serait douté. Pour justifier ces subventions face à Bruxelles il fallait bien sûr des productions alignées. L'Europe est elle-même une nouvelle censure. L'invention en art au XX° s est encore récupérée en mode consensuel d'art contemporain dont on serait bien embêté de donner une définition scientifique vu que tous les 30 à 40 ans les artéfacts deviennent des antiquités. L'espérance de vie étant de quatre vingt ans l'homme mur du XXI° s dans ses rapports culturels pourrait être une forme "kitch", à paillettes et miroirs, disloquée de Niki de Saint Phalle entre anthropomorphisme archaïque et Nouveaux Réalismes de mannequinat. Toutefois, personne n'impose de limites à l'artiste qui oriente ses voies de recherches dans la solitude de son atelier, dans sa clandestinité nécessaire s'il se situe en tant que chercheur en art, en pratiques artistiques ou en histoire de l'art sans être protégé par des groupes idéologiques. La menace de folie plane comme un corbeau autour de l'atelier et dans notre monde contemporain c'est imparable car la pirouette lorsque cela va trop loin c'est de reconnaître la folie comme la substance de l'art, voire l'art comme thérapie  de la  folie  dans la plus grande des confusions entre art et art-thérapie. Le procédé est ignoble mais c'est une réalité culturelle de notre société qui fait même autorité auprès des dignitaires. Si l'artiste n'a pas besoin de faire reconnaître la pratique de son art en tant qu'activité professionnelle ou en dehors de toute reconnaissance narcissique il devrait alors avoir la sagesse de cacher son oeuvre et encore plus ses recherches s'il y a recherches. C'est généralement ce qui se produit à notre époque lorsque des chercheurs se retranchent dans les abris de leurs ateliers qui peuvent être très symboliques et avoir de multiples facettes, même les plus inattendues et l'aventure de l'écrivain millionnaire Raymond Roussel (1877-1933) faisant le tour du monde en train sans jamais ouvrir les rideaux de son compartiment fait sens.
            L'artiste masqué. Ceux du Hip-Hop dans les années 90 utilisaient les images de Zorro et de Robin des Bois pour se donner une image sociale. Cette fusion identificatrice de l'artiste dans l'anonymat justicier entraîne la censure pour répression dans une recherche de signes au sein des factures anonymes puisque générées par un collectif lui-même usager de ses propres principes. En revanche, par une enquête, nous avions découvert que certains de ces artistes pouvaient être à la fois réprimés et subventionnés.   
             Ce processus de la clandestinité théorique des créations et de l'anonymat des oeuvres, pouvant être commandité par des moyens eux-mêmes déguisés, rejoint l'oeuvre anonyme par absence ou par disparition des signatures mais dont la société veut garder la trace. C'est au sein de la muséographie que Pierre Rosenberg a proposé un travail sur les oeuvres en recherches de signes/Signatures d'un artiste. Seulement il faut bien reconnaître que la transmission de ce savoir de très haut niveau implique la création d'écoles également de très haute tenue. De leurs côtés les psychanalystes pensent pouvoir par ce procédé aller à la rencontre de la personnalité de l'artiste. Mais, lire une oeuvre d'art, surtout ancienne, nécessite d'abord un long et difficile apprentissage auquel les psychanalystes dans l'absorption de leur tache déjà très lourde ne parviennent généralement pas, au moins dans le champ des arts plastiques. La pratique  littéraire apprise à l'école ouvre plus de possibilités. Ces fondements sur l'anonymat des oeuvres par sociétés répressives, permissives, ambivalente ou stratèges, ne sont pas détachées de l'histoire. Reprenons comme guide la conclusion d'Emile Mâle sur sa gigantesque étude sur l'iconographie religieuse au moyen âge :
    "On est étonné lorsqu'on étudie de près l'art de la fin du moyen âge, d'être obligé de reconnaître que certaines oeuvres, qu'on pouvait croire sorties de l'imagination d'un peintre, ont été arrêtés dans tous les détails par un clerc...semblait témoigner en faveur de la science iconographique de l'artiste ; un contrat passé par-devant notaire a établi que le peintre Enguerrand Charanton n'avait rien eu à imaginer. C'est un prêtre, Jean de Montagnac, qui a tout réglé : l'artiste n'a même pas eu la liberté de choisir la couleur du vêtement de Notre-Dame, "Qui doit être de damas blanc". Si ce contenu rejette toute idée d'une responsabilité de l'artiste à travers les choix iconographiques de l'oeuvre et par extension vis-à-vis de sa propre création, elle nous renseigne également sur l'évolution de la peinture qui doit désormais s'intéresser au rendu des matières - ici le damas - pour répondre aux exigences des commanditaires. Voilà un nouvel aspect qui fait débat sur tout le XVI°s. Un commentateur dans un récent compte-rendu télévisé de l'oeuvre de Titien situait même l'évolution de ce peintre en fonction de sa capacité à transcrire la matière des différents tissus. Il y a très peu de hasard dans l'art et l'artiste de métier doit répondre à la commande. En revanche, il est fort possible que le jeu en thème artistique et triomphant au XVII° s ait préparé la réception du jeu et du hasard dans les processus de création du XX°s et qu'il soit à son tour responsable ou en partie de la porte ouverte sans garde-fous aux explorations et appropriations de toute nature depuis Mallarmé jusqu'aux Surréalistes jusqu'aux dérives. Allons à la rencontre des thèmes licencieux...

                       Grands Corps Malade - Attentat verbal (2004) extrait - Slam (poésie du mouvement Hip-Hop)

C'est        quoi,        c'est      qui,     ces     mecs       chelous      qui       viennent       pour       raconter     leur        vie ,
C'est        elle,        c'est      lui,      c'est     moi,       c'est     nous,       on        vient       même      si     t'as    pas     envie,
Mais         si          t'écoutes          un        tout      petit      bout,        p't-être        bien       que       t'en     sortiras    ravi
Et ça c'est important pour nous, c'est grâce à ça qu'on ses sent en vie.


MYTHOLOGIE ET POESIE
23° partie - L'art et le temps humain

Les potins de l'Atelier Poésie - 27 janvier 2011

 C'est sur les années qui chevauchent la Révolution de 1917 qu'est né en Russie le Suprématisme de Malevitch de 1915 (le peintre comme "constructeur") Quadrangle (carré blanc sur fond noir) à 1918 Carré blanc sur fond blanc, que certains regardent de nos jours comme le prototype du monochrome du mouvement Zéro précédent les Nouveaux Réalismes des années 60. L'oeuvre postérieure aux années du Constructivisme (1922) de l'artiste française Aurélie Nemours (1910-2005) nous incité à plus de prudence face à ces créations d'un seul ton ou ton sur ton, qui ne sont pas non plus des camaïeux. Le principe est énoncé un siècle plus tôt, en 1810, par le traité des couleurs du poète allemand Goethe "Une couleur isolée suscite dans l’œil, par une impression spécifique, une activité qui tend à concilier la totalité.
     Dès lors, pour percevoir cette totalité, et se satisfaire de lui-même, il (l’œil) cherche à côté un autre espace qui soit incolore, afin de produire sur celui-ci la couleur exigée.
       Là réside donc la loi fondamentale de toute harmonie des couleurs."
    Tant que la théorie reste la théorie enfouie dans les livres et dans les traités cela ne dérange personne mais dès qu'elle s'affiche, que l'écriture devient outil plastique, qu'elle s'affirme en tant qu'expression iconographique minimale vers une réflexion en extension ( le Pré-constructivisme auquel appartient le suprématisme, sera récupéré par le productivisme des soviets), qu'elle devient tableau, l'art se trouve "révolutionné" et lorsque cette révolution se constitue au sein d'une autre révolution, qui a ponctuellement besoin de créer son iconographie pour sa propagande, la recherche artistique fondamentale bascule dans le domaine du justiciable alors que les deux discours politiques et artistiques deviennent totalement étrangers l'un à l'autre. La rupture à la perspective par le retour à l'art muraliste médiéval sous l'impulsion du romantisme, des néo gothiques et néo-romans, de Courbet, de l'impressionnisme, par basculement des images et esthétiques de cartes à jouer, avait créé un puissant mouvement de l'art qui avait peu à peu permis cette réception d'un principe en oeuvre complète sous forme d'art plat visible  au mur, impensable auparavant, réduit à une expression plastique  en "tableau" de la théorie constitutive. Tant et si bien que ces théories de la nouvelle construction et réception du tableau, sont devenues les initiations de nouveaux styles, des modèles de l'art contemporain en fragments isolés cherchant une nouvelle efficacité autonome  et aniconique vis-à-vis des idéologies qui ne s'y retrouvaient plus sauf devenir soudains les pilier du soutien de ces nouvelles formes sans les comprendre en outil d'une prétendue révolution de l'ordre social et de ses goûts. L'iconographie disparaît ou dans les meilleurs cas échappe soudain  toute logique de construction référentielle sociale et de métier globalement et bien compris et, dès que l'artiste chercheur et connaissant son métier veut redresser la trajectoire engagée dans une filiation  de recherche qui inclue  la théorie au lieu de la mettre à nu ou en exergue, ou qui n'est pas celle du bric et du broc, ou qui n'est pas post-dadaïste, ou qui redonne des limites au hasard introduit dans un principe créateur par le coup de dès de Mallarmé (1898), ou qui n'est pas...ou qui n'est pas...entraîne dès lors la réception des oeuvres dans des conflits ouverts entre les artistes et la critique comme ce fut le cas avec Balthus accusé de perversion alors que toutes ses oeuvres sont imprégnées d'une haute spiritualité que peut assez facilement comprendre celui qui sait lire l'iconographie religieuse de la Renaissance, et l'autre qui ne sait pas n'y accède évidemment pas. Et l'artiste, bien que défendant son travail et ses recherches qui ne sont désormais plus identifiables par le groupe de l'élite sociale - ou s'auto-érigeant en élite et arbitre - ne sachant plus lire une oeuvre savante ni isoler les recherches techniques de fonctionnement des images  et les images elle-mêmes, y perd son identité jusqu'à l'outrage (l'outrage fait à Balthus). Cette atteinte grave à l'identité même de l'artiste et de son travail, par recours au langage psy, surtout s'il n'est pas aligné à l'intelligentsia, n'est pas du tout comparable à celle engendrée par les directives iconographiques des clercs qui ne s'attaquaient pas à la personnalité de l'artiste  mais à la forme de l'histoire racontée par le peintre suivant les registres et les sites. L'Eglise répressive de l'Inquisition pouvait être, paradoxalement, beaucoup plus permissive que ne le sont nos démocraties en matière d'art. Reprenons la conclusion d'Emile Mâle sur l'iconographie religieuse du moyen-âge : 
          "La beauté vient du ciel. Toute belle oeuvre, qu'elle soit païenne ou chrétienne, est un message de Dieu... Hospitalier à la beauté antique, le clergé ne le fut pas moins aux caprices de l'imagination populaire, aux saillies de la gaieté gauloise...Rien ne témoigne mieux en faveur de leur tolérance que ce stalles du XV° et du XVI° siècle. Il n'y a aucune place pour les choses du ciel : c'est la vie de tous les jours. Voici le porteur d'eau qui va à la fontaine...Et le diable lui-même, si puissant qu'il soit, est encore mois fort que la femme : deux femmes coupent le diable en deux avec une scie...Une paysanne offre une couronne de marguerites à un porc...un renard à moitié écorché sort de la bouche d'un ivrogne : écorcher le renard, c'était, dans la vieille langue, subir les conséquences de son intempérance...l'homme était ainsi fait."
           La Contre Réforme allait censurer ces productions mais ce qu'elle ne pouvait pas censurer c'était le métier de peintre, d'artiste dans les ateliers, par le besoin que la société avait de ses artistes et au plus haut niveau. Ces artistes sur les bases de leurs métiers allaient pouvoir reprendre des thèmes mineurs pour en faire des thèmes majeurs. Dans les ateliers des petites mains s'étaient spécialisées en natures mortes, en bouquets, en peinture animalière, de là émergèrent de très grands artistes comme Caravage. Ce sont ces mobiliers du tableau, construits pas la maîtrise d'un savoir-faire de haut niveau et qu'auto perfectionnant, qui allaient bientôt apparaître au XVII°s aux côtés des grands thèmes majeurs et refondus par la Réforme vers le baroque et le classicisme, comme des thèmes constitutifs traités pour eux-mêmes dans la totalité du tableau et amener les consciences à reconsider la spiritualité artistique, le respect du savoir-faire vecteur de l'idée jusqu'au poète Goethe et au Suprématisme de Malévitch, jusqu'à Aurélie Nemours, jusqu'à Balthus...

        Dans la continuité de la recherche artistique contemporaine de l'idée de métier de haut niveau : Pierre Courtaud (1951-11 janvier 2011) :

  "Séries linéaires"  extrait.Terrail,édition La Main Courante 1993)                                                               "Récit d'une petite mort blanche
                                                                                                                                           avec les objets qui les accompagnent (Atelier de l'agneau 2004)   

                                     Lignes.                                                                                               What's
               En nous promenant il y avait cette odeur                                                                     What's
                                  d'herbe sèche.                                                                                       What's
                        Vous voulez dire au bord de mer.                                                                       What's
             Une odeur ne s'imagine pas. Une odeur divague                                                             What's
                                 Divagation du vent.                                                                               What's  
                                Une odeur peut revenir.                                                                               An
                              Il emporte. Il s'est emporté                                                                           Elevation
                        Personne ne revient sur une décision                                                                 Une
                     Entre deux tours elle prend ses distances.                                                         Elevation
                        Pouvez-vous comprendre une décision.                                                               Est
                                                                                                                                              Une
                                                                                                                                              Voix 
                                                                                                                                                Faite
                                                                                                                                      Profonde
                                                                                                                                                 &
                                                                                                                                                 Sonnante
                                                                                                                                                                                 (dans l'édition originale de 2004 du récit de cette petite mort blanche, les séries sont parfaitement alignées les unes sous les autres , avec en parallèle un vide, une vacuité, une place pour une iconographie absente et potentiellement présente, épiphanie abstraite de simultanéité ...vers...l'atteinte du Tao)
                                                                                                                 
Albert Picard - 1980 - Chromolithographie sur pierre de Munich - Monotype - Atelier d'Usson
(Collection particlière)
                                                                                                            C.Claude Peynaud
                 MYTHOLOGIE ET POESIE
24° partie - Psyché et le Lézard

Les potins de l'Atelier Poésie - 3 février 2011


     Albert Pomme de Miremonde (1897-1985) - pionnier de l'iconographie musicale et héritier des études d'Emile Mâle - illustre son article publié dans La revue du Louvre (1970) par ces vers de Dante (poète italien 1265-1321).
                                                          Non v'accorgere voi che noi siam vermi
                                                          Nati à formar l'agelica farfalla
                                                          Che vola alla giustizia senza schermi ?
(Ne vous apercevez-vous pas que nous sommes des vers, nés pour former le papillon agnélique qui vole sans défense sans la justice ?)

        Albert Pomme de Miremonde essaie de résoudre par ces vers l'énigme que lui pose une nature morte des collections du musée du Louvre dont l'auteur est le peintre italien Paolo Porpora (1617-1673), élève à Naples de Gioaccomo Recco (1603- vers 1653), qui subit l'influence des peintres néerlandais lorsqu'il se rendit à Rome où il fut reçu à l'Académie Saint-Luc en 1656.
          Au XVII°s les peintres du nord sont présents au sud mais ceci n'est pas nouveau, d'Antonello de Messine (1430-1479), important du nord les techniques de la peinture à l'huile, à Albrecht Dürer (1471-1528), ils se rendent en péninsule sur cette période historique où les génois commencent à constituer d'importantes collections de peinture du nord, introduisant les phylactères dans le sud des Alpes et la gravure à caractères mobiles de Gènes à Venise depuis la vallée du Rhône pour remonter enrichie dans les pays germaniques par le centre de l'Europe. La circulation des artistes du nord au sud et du sud au nord qui enrichissent les images, leurs capacités à traduire les recherches de l'esprit pour l'ornement des cours, est déjà un lieu commun au XVI°s et la plus importante conséquence pour la peinture française est bien sûr la création de l'Ecole de Fontainebleau et au siècle suivant la création des académies d'où naîtra le grand art de Versailles qui bouleversera l'Europe.


             Au XVII°s des artistes italiens et des courants venus d'Espagne, des artistes du nord étant passés par la péninsule et ayant été appelés à la cour de France, soit personnellement soit par leurs oeuvres, ont une importance aussi grande pour la formation de la peinture française que ceux directement venus s'installer du nord et du sud à Paris, de Rosso à Primatice à Pierre Paul Rubens à Philippe de Champaigne, alors que les peintres créateurs du classicisme français passent l'essentiel de leur vie en Italie, que ce soit Nicolas Poussin ou Claude Gelée dit Le Lorrain. Même entre péninsules italienne et ibérique le phénomène existe de Gréco à Ribera, à Vélasquez. Le XVII°s est un monde en mouvement , d'échanges interculturels avec ses paradoxes dont celui de la philosophie de Descartes qui n'aura d'incidence en France qu'au XVIII°s alors qu'elle est déjà connue dans les pays du nord de l'Europe, et qu'on dit pourtant mère du classicisme, appellation d'école qui est encore une création des XIX° et XX°s.
                     Le XVII° s c'est le grand siècle de la "naissance" de la nature morte. Non pas que le genre nature morte fut inconnu, mais au XVII°s le tableau entièrement consacré à des fleurs, à des fruits, à des animaux du marché, aux produits de la pêche ou de la chasse, prend ses lettres de noblesse et s'isole surtout parmi les catégories en genres ayant leurs propres règles. Les trois genres de l'académie française apparaissent. Le débat entre les grand genre de la composition avec personnages et portraits au paysage et enfin à la nature morte, établit sa hiérarchie et les peintres sont reçus à l'Académie selon ce classement. Chardin au XVIII°s, malgré la profondeur de son génie, est reçu en tant que peintre de genre mineur.
                          Le respect des règles iconographiques appartient aux codifications académiques:
           "Une telle étude doit être menée en partant de textes précis ou de traditions bien établies; sinon les interprétations proposées, si ingénieuses soient-elles, ne sont que des fantaisies : l'imagination des hommes du XX° siècle suggère, en effet, des rapprochements métaphoriques qui sont sans rapport avec ceux qui avaient cours jadis...
               ...Les peuples de la méditerranée orientale assimilaient l'âme à un souffle aérien qui s'échappait du corps avec la dernière expiration, puis flottait dans l'atmosphère. L'art archaïque grec la représentait sous la forme d'un oiseau. Lorsque le mythe de Psyché se répandit dans l'Hellade le papillon devint l'image de l'âme - car, en grec, Psyché signifie à la fois âme et papillon - et les représentations en furent innombrables, tant dans les intailles que dans la sculpture funéraire. Parfois près d'Eros endormi, le papillon venait se poser ; il était guetté par le lézard, c'est-à-dire par la mort mais, inspiré par l'amour divin, il parvenait à s'envoler à temps.
                      La religion chrétienne n'a pas répudié cette fable si poétique et si évocatrice. Au VI° siècle Fulgence, évêque de Carthage, en faisait ressortir le caractère moral. Bien mieux, le christianisme allait en compléter le symbolisme : la chenille correspond à l'homme dans sa constitution terrestre, la chrysalide à la mort apparente, et le papillon à l'âme. C'est ce qu'a exprimé Dante en trois vers célèbres que Diderot..." retour aux trois vers de cette introduction de l'étude d'Albert Pomme de Miremonde. 
                           Ainsi le monde du symbole au XVII°s est cette boucle qui se retourne sur elle-même entraînant ensuite en spirale l'inspiration iconographique de source antique et que la Réforme avait cru épurer alors qu'elle contribuait au contraire à en favoriser l'épanouissement jusque dans la richesse du détail, jusque dans les règles de l'académie naissante imposant ses lois, tout comme le peintre contemporain met en toile les chapitres des poètes et des philosophes qui l'on conduit et qu'il voudrait qu'on ignore ou ignorer pour célébrer l'indépendance de son seul génie immense et universel : le chardon maudit de la Genèse lié au pêché originel côtoie désormais le liseron symbole de l'éphémère de la vie à côté de l'escargot, né de la boue, image du pêcheur.
                           Le chemin est long, lent, toujours pittoresque à travers les siècles antiques qui sont notre passé, notre présent et notre avenir.

        Nicolas Boileau-Despréaux - Poète français (1636-1711) Art poétique - Chant II (extrait) - Le sonnet est une invention médiévale sicilienne du XII° s. Il est confondu avec les modèles antiques car l'importateur en France fut Pétrarque père de l'Humanisme.

                       On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre,            Surtout de ce poème il bannit la licence;
                 Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,              Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
                  Inventa du sonnet les rigoureuses lois;                                Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
                  Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille                    Ni qu'un mot déjà mis osât sy remontrer.
                   La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille;             Du reste il l'enrichit d'une beauté suprême:
                   Et qu'ensuite six vers artistement rangés                             Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
                     Fussent en deux tercets par le sens partagés. 
                                                                                                                                                                                     
....j'arrive"
            ("je ne pars pas j'arrive" épitaphe Gaby Morlay)

Ainsi se termine cet exercice de style sur la Psyché/papillon échappant à la mort du lézard par Eros, projeté dans l'histoire occidentale de l'antiquité à nos jours, pour servir un atelier thérapeutique à médiation poétique en milieu hospitalier. 

1° janvier 2017 - Bonne et heureuse année à toutes et à tous, avec ce soleil levant de
Marc Vaugelade
(Architecte, plasticien, peintre cartonnier pour Aubusson)

Acrylique et matière synthétique soufflée, sur papier dessin - 1981.
(collection particulière)
                                                                                                  C.Claude Peynaud 


A bientôt       
                                                                                                                          
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Pour un retour en lien
avec quelques articles sur les 145 de ce blog, qui présentent des œuvres, des approches d’œuvres et des artistes
For a return to links
with some 145 articles on this blog, which exhibit works of art and the artists approaches
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Bonnes lectures et bon voyage dans les merveilles de l'art, le plus souvent totalement inédites et toujours parfaitement originales à l'auteur de ce blog.
C'est aussi un blog d'informations, de culture et de voyages



Sommaire/Editorial
(le blog est sous copyright) 

Les Mots d'Azur au château de Mouans-Sartoux - Saison 2017-2018
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  Les mots d'azur au printemps des muses - suite 2016/2017 des soirées au Château de Mouans-Sartoux
    http://coureur2.blogspot.fr/2017/05/les-mots-dazur-au-printemps-des-muses.html

Des poèmes sur la Riviera aux couleurs des Mots d'Azur : suite des rencontres maralpines de poésie
saison 2016-2017
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Festival du Livre à Mouans-Sartoux avec les Mots d'Azur
 - 6-7-8 octobre 2017
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Festival du Livre à Mouans-Sartoux - 7-8-9 octobre 2016 - avec Les Mots d'Azur
http://coureur2.blogspot.fr/2016/10/festival-du-livre-de-mouans-sartoux-7-8.html

Rencontres maralpines de Poésie - Mots d'Azur 2015-2016
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Marie Gay - Pierre-Jean Blazy - Auteurs et Editions - Fondateurs des Mots d'Azur - Marie Gay -
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Psychiatrie - Une histoire et des concepts - l'humain et l'art en enjeux
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Des poèmes sur la Riviera aux couleurs des Mots d'Azur : suite des rencontres maralpines de poésie
saison 2016-2017
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Jean-Marie Bouet - Fresselines/Larzac - de la poésie aux planches au festival de Fresselines, au Larzac
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Renata- Sculpture contemporaine
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Renata - Pierre Cardin Lacoste - Moulin de Sade - Lubéron 2015
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Renata - Akira Murata - Espace Auguste Renoir à Essoyes
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Renata chez Pierre Cardin - Le regard de Lydia Harambourg Historienne et critiques d'art, correspndans de 'Institut des Beaux Arts de l'Académie de France
http://coureur2.blogspot.fr/2016/07/renata-chez-pierre-cardin-le-regard-de.html

Mag-Bert ou la peinture mnémonique de gestualité figurative
http://coureur2.blogspot.fr/2014/10/mag-bert-ou-la-peinture-mnemonique-de.html

Claude Peynaud - Clichés et antithèses...
http://coureur2.blogspot.fr/2015/05/cliches-et-antitheses.html

Claude Peynaud - Jogging - Méthode d'élaboration d'un Jogging
http://coureur2.blogspot.fr/2014/05/methode-delaboration-dun-jogging-method.html

Claude Peynaud - Le cercle des oiseaux
http://coureur2.blogspot.fr/2011/09/le-cercle-des-oiseaux-allegorie-de-la.html

Claude Peynaud - Le don de l'aïeule
http://coureur2.blogspot.fr/2011/07/une-theorie-de-construction.html

Claude Peynaud - Une théorie de Construction
http://coureur2.blogspot.fr/2011/07/une-theorie-de-construction.html

Danielle Benitsa Chaminant - Artiste et mémoire de...
http://coureur2.blogspot.fr/2013/01/danielle-benitsa-chaminant-artiste-et.html

Alliot - Vincent Alliot - Visite d'atelier
http://coureur2.blogspot.fr/2014/02/alio-visite-datelier-une-gestualite.html

Rémy Pénard - Art et souvenirs autour de Pierre Courtaud
http://coureur2.blogspot.fr/2013/12/remy-penard-art-et-souvenirs-autour-de.html

Henry Chopin et la bibliothèque de Valérie Peynaud
http://coureur2.blogspot.fr/2013/12/henri-chopin-et-la-bibliotheque-de.html

Sally Ducrow - Land Art et sculpteur ...
http://coureur2.blogspot.fr/2013/01/sally-ducrow-land-art-et-sculpteur.html

Sally Ducrow l'année 2017 - Nationale et internationale - Sculptures - Land-Art - Installatons - Performances...
https://coureur2.blogspot.fr/2017/08/sally-ducrow-lannee-2017-nationale-et.html

Sally Ducrow l'année 2018 - en suivant le chemin de l'aventure internationale de Sally Ducrow
https://coureur2.blogspot.com/2018/07/sally-ducrow-lannee-2018-de-1017-2018.html

CREPS - Boulouris-Saint-Raphaël - Land Art - Sally Ducrow invitée d'honneur
https://coureur2.blogspot.fr/2017/10/creps-paca-boulouris-saint-raphael-land.html

Sally Ducrow : poésie plastique contemporaine
https://coureur2.blogspot.com/2019/06/sally-ducrow-poesie-plastique.html
Valbonne - Echiquier et Mots d'Azur - Fest'in Val - Festival international de Valbonne
http://coureur2.blogspot.fr/2015/08/renata-akira-murata-essoyes-ville.html

Pierre Marchetti magazine...
http://coureur2.blogspot.fr/2011/12/magazine-pierre-marchetti-un-peintre-un.html

La pochade - Pierre Marchetti et l'art de la pochade.
 http://coureur2.blogspot.fr/2012/09/la-pochade-lart-de-la-pochade-et-pierre.html

L'impressionnisme tardif par les souvenirs de Pierre Teillet - Du plainarisme romantique au
 https://coureur2.blogspot.fr/2012/11/limpressionnisme-inedit-par-les.html

Alliance Française - Tiffani Taylor - Savannah Art Walk - ...
http://coureur2.blogspot.fr/2016/01/tiffani-taylor-gallery-une-artiste.html

H.Wood  - un peintre Anglais à Paris au milieu du XIX° siècle
http://coureur2.blogspot.fr/2016/05/hwood-un-artiste-peintre-de-lecole.html

Sophie Marty Huguenin, sculpteur et le marché de Noël à Biot - Les crèches de Cannes - Le partage du pain du père Guy Gilbert
http://coureur2.blogspot.fr/2016/12/sophie-marty-huguenin-sculpteur-et-le.html

Evolution de la gravure à Venise et en Europe du XV° au XVI° siècles - Histoire et techniques
http://coureur2.blogspot.fr/2017/02/la-gravure-venise-et-en-europe-du-xv-au.html

Aux aurores de la peinture moderne et contemporaine occidentale - Giorgione - Les Trois Philisophes
http://coureur2.blogspot.fr/2017/03/aux-aurores-de-la-peinture-moderne-et.html

La décoration intérieure ou la démocratie de l'art
https://coureur2.blogspot.fr/2012/11/wall-painting-fast-track-collection-une.html

Magda Igyarto - Vibrations et expériences de la matière : du visible à l'indicible et de l'indécible au dicible - Peintre, poète et sculpteur
https://coureur2.blogspot.fr/2018/01/magda-igyarto-vibrations-et-experiences.html

Pour ceux qui aiment jouer aux experts 

Vrai ou faux - Houdon ou Houdon
https://coureur2.blogspot.fr/2014/01/houdon-ou-pas-houdon-jouez-lexpert-en.html

Vrai ou faux - Un tableau inconnu de la Renaissance
https://coureur2.blogspot.fr/2013/01/un-tableau-inconnu-de-la-renaissance.html

Vrai ou faux - Traduction originale du manuscrit de Qumram sur la mer morte ( en cours)
https://coureur2.blogspot.fr/2015/01/vrai-ou-faux-traduction-originale-du.html

Pour ceux qui aiment la recherche en académies de nus - modèles vivants
Nus 2015
https://coureur2.blogspot.fr/2015/03/nus-2015-nackt-2015-nude-2015-2015-2015.html
Nus 2014-2015
https://coureur2.blogspot.fr/2014/09/nus-2014-2015-abac-modeles-vivants-nus.html
Nus 2013-2014
https://coureur2.blogspot.fr/2013/09/nus-2012-2013-abac-nus-2012-2013-2012.html 
Nus 2012-2013
https://coureur2.blogspot.fr/2012/10/nus-abac-20122013-associations-des.html

Et pour ceux et celles qui aiment l'archéologie et l'architecture
voici encore un échantillon de mes recherches sur ce blog
And for those who love archeology and architecture
Here again a sample of my research on this blog

L'ancienne église Saint-Nicolas de Monaco
http://coureur2.blogspot.fr/2012/01/monaco-ancienne-eglise-saint-Nicolas-le.html

Techniques et vocabulaires de l'art de la façade peinte
http://coureur2.blogspot.fr/2012/08/un-tour-dans-le-massif-central.html

Les Vecteurs Impériaux de la polychromie occidentale
http://coureur2.blogspot.fr/2012/06/philippines-les-Vecteurs-imperiaux-de.html

Le clocher des Frères Perret à Saint-Vaury
http://coureur2.blogspot.fr/2012/01/perret-freres-le-clocher-des-freres_10.html

Histoire de la Principauté de Monaco
http://coureur2.blogspot.fr/2012/07/histoire-de-la-principaute-de-monaco.html

Le Palais Princier de Monaco
http://coureur2.blogspot.fr/2012/09/palais-princier-de-Monaco-palais-of.html

Versailles - Monaco - Carnolès - Menton: présence de l'art français en Principauté de Monaco
http://coureur2.blogspot.fr/2012/09/versaillesmonaco-larchitecture.html

Primitifs Niçois - Les chapelles peintes des Alpes Maritimes
http://coureur2.blogspot.fr/2012/03/primitis-nicois-les-Chapelles-facades.html

Eglises du sud-ouest de la France A travers l'art de la polychromie architecturale
http://coureur2.blogspot.fr/2013/02/eglises-du-Sud-Ouest-des-alpes-alpes.html

Des cérémonies et des fêtes Autour de Saint-Nicolas de Monaco
http://coureur2.blogspot.fr/2013/09/des-cérémonies-et-des-fêtes-Autour-de.html

Langages de l'art contemporain - répétition, bifurcation, ...
http://coureur2.blogspot.fr/2013/09/repetition-ordinaire-bifurcation-art-du.html

La polychromie architecturale et l'art de la façade peinte (1° partie) - des édifices civils dans les Alpes-Maritimes
http://coureur2.blogspot.fr/2014/07/la-polychromie-architecturale-et-lart.html

Façades peintes - édifices civils du sud-ouest des Alpes - 2° partie - XX° siècle
http://coureur2.blogspot.fr/2015/01/facades-peintes-edifices-civils-du-sud.html

Aspects de l'évolution des seigneuries historiques de la Principauté de Monaco à travers quelques 
exemples d'architectures polychromes ponctuelles.
http://coureur2.blogspot.fr/2016/01/aspects-de-levolution-des-seigneuries.html

                                                                  
Châteaux de la Creuse - de la fin du moyen âge - XV et XVI° siècle
http://coureur2.blogspot.fr/2011/09/une-histoire-de-lescalier-en-vis.html


1° partie - Archéologie Médiévale - Aspects et singularités du château en France à la fin du Moyen Âge (XV° et XVI° siècles)
http://coureur2.blogspot.fr/2013/10/archeologie-medievale-aspects-et.html

2° partie - Archéologie Médiévale - Aspects et singularités du château en France à la fin du Moyen Âge (XV° et XVI° siècles)
http://coureur2.blogspot.fr/2014/11/2-partie-archeologie-medievale-aspects.html


3° partie - suite des parties 2 et 3 d'Archéologie Médiévale consacrées aux aspects et singularités du château en France autour des XV° au XVI° siècles
http://coureur2.blogspot.fr/2016/04/3-partie-suite-des-parties-parties-1-et.html

Yviers/Charente - Archéologie médiévale - Une synthèse sur l'évolution architecturale du XV° au XVI° et XVII° s. en France - Mutations des donjons et maisons-tours des petits châteaux de la fin de la Guerre de Cent-Ans vers les donjons résidentiels de la fin du XV° siècle au XVI° siècle et  des incidences dans le classicisme français.
https://coureur2.blogspot.fr/2018/04/yvierscharente-archeologie-medievale.html

Allemans en Périgord - Manoir du lau - Archéologie Médiévale
https://coureur2.blogspot.com/2018/09/allemans-en-perigord-manoir-du-lau.html

Maisons-tours et donjons-tours - architectures médiévales françaises du XIII°/XIV° au XVI° - Archéologie médiévale
https://coureur2.blogspot.com/2019/06/maisons-tours-et-donjons-tours.html

Curac - Les énigmes de son château - Département de la Charente - Archéologie Médiévale
https://coureur2.blogspot.com/2019/10/curac-les-enigmes-de-son-chateau.html

Fonctions religieuses apotropaïques et traditions funéraires en France -
http://coureur2.blogspot.fr/2015/08/fonctions-religieuses-apotropaiques-et.html 

Maisons alpines d'économie rurale (Alpes-Maritimes)
https://coureur2.blogspot.com/2011/11/maisons-alpines-deconomie-rurale.html

Pour ceux qui aiment l'iconologie, et l'iconographie
For those who like iconology, and inconography


         Autour du rocaille. Dessin préparatoire d'étude - Le jugement de Pâris
             https://coureur2.blogspot.com/2011/07/dessin-preparatoire-pour-une.html  

La Véronique - Image ou non de la représentation
http://coureur2.blogspot.fr/2012/12/la-veronique-de-la-legende-lart.html 

Langages de l'art contemporain - Répétition ordinaire - Bifurcations - Translation...
https://coureur2.blogspot.fr/2013/09/repetition-ordinaire-bifurcation-art-du.html

Fête de la musique à Nice - Place Garibaldi à Nice - Exposition d'artistes Polonais
https://coureur2.blogspot.fr/2013/07/la-fete-de-la-musique-expositions.html

La Mourachonne à Pégomas (exercice de recherche iconographique)
https://coureur2.blogspot.fr/2012/05/la-mourachone-pegomas-nouvelles.html

Cannes en 4 perspectives albertiennes recomposées - dessin panoramique à la mine de plomb
       https://coureur2.blogspot.fr/2018/02/cannes-en-4-perspectives-albertiennes.html 

Pour ceux qui aiment la poésie et qui en plus, comme moi, la reconnaisse comme la mère de tous les arts y compris de l'art contemporain
For those who love poetry and more, as I recognize it as the mother of all arts including contemporary art

Rencontres maralpines de Poésie - Mots d'Azur 2015-2016
http://coureur2.blogspot.fr/2015/09/rencontres-maralpines-de-poesie-et.html

Des poèmes sur la Riviera aux couleurs des Mots d'Azur : suite des rencontres maralpines de poésie 2016-2017
http://coureur2.blogspot.fr/2016/09/des-poemes-sur-la-riviera-aux-couleurs.html

Pierre Courtaud - Magazine - Un écrivain, un éditeur un poète, un chercheur en écritures - Un spécialiste de nombreux auteurs.
http://coureur2.blogspot.fr/2012/03/pierre-courtaud-magazine-un-ecrivain-un.html

Henry Chopin et la bibliothèque de Valérie Peynaud
http://coureur2.blogspot.fr/2013/12/henri-chopin-et-la-bibliotheque-de.html

Cannes -1° nuit de la poésie et de la musique au Suquet - 21 juin 2014
http://coureur2.blogspot.fr/2014/06/cannes-1-nuit-de-la-poesiefete-de-la.html

 2° nuit de la musique et de la poésie - Cannes 21 juin 2015
http://coureur2.blogspot.fr/2015/05/2-nuit-de-la-poesie-et-de-la-musique-au.html

3° nuit de la poésie et de la musique  au Suquet- Cannes Moulin Forville le 21 juin 2016
http://coureur2.blogspot.fr/2016/06/3-nuit-de-la-poesie-et-de-la-musique-du.html

Golf-Juan - Performance poétique - Brigitte Broc - Cyril Cianciolo
http://coureur2.blogspot.fr/2015/03/golf-juan-performance-poetique-brigitte.html

Marie Gay - Pierre-Jean Blazy - Auteurs et Edition(s) - Fondateurs des Mots d'Azur
http://coureur2.blogspot.fr/2016/03/marie-gay-pierre-jean-blazy-auteurs-et.html

De Vallauris à Cannes - Le Printemps des Poètes sur la Côte d'Azur avec Les Mots d'Azur
http://coureur2.blogspot.fr/2016/03/de-vallauris-cannes-la-cote-dazur-en.html

 Christophe Forgeot : Poète  - Poésie - Poème
http://coureur2.blogspot.fr/2014/09/christophe-forgeot-un-poete.html

Zorica Sentic - Poète-romancière Franco-Serbe
https://coureur2.blogspot.fr/2012/09/zorica-sentic-poete-romancier.html

La Corse des poètes
https://coureur2.blogspot.fr/2015/08/la-corse-des-poetes-porticcio-village.html

Magda Igyarto - Vibrations et expériences de la matière : du visible à l'indicible et de l'indécible au dicible - Peintre, poète et sculpteur
https://coureur2.blogspot.fr/2018/01/magda-igyarto-vibrations-et-experiences.html

Pour ceux qui aiment les légendes
For those who love legends

The Woodcutter and the Revenant - Sedimentary Memory - Essay - Creuse
Http://coureur2.blogspot.fr/2013/07/la-creuse-memoire-sedimentaire.html

La Creuse - Le Bûcheron et le Revenant - Mémoire sédimentaire - Essai - Creuse
http://coureur2.blogspot.fr/2013/07/la-creuse-memoire-sedimentaire.html

Les routards de la baie d'Halong dans la tourmente https://coureur2.blogspot.fr/2013/10/les-routards-de-la-baie-dhalong-dans-la.html

Vietnam - La légende du Dieu des montagnes et du Dieu de la mer
https://coureur2.blogspot.fr/2014/05/vietnam-la-legende-du-dieu-des.html

Pour ceux qui aiment les voitures de collection
Vis-à-vis de Dion-Bouton type E 452 - La voiture emmurée aux enchères à Lyon
https://coureur2.blogspot.fr/2015/09/1900-vis-vis-de-dion-bouton-type-e-452.html

Pour ceux qui aiment l'art lyrique et la musique
Johanna Coutaud (prochainement)
Chanteuse lyrique - Soprano

Elzbieta Dedek - Pianiste virtuose internationale
http://coureur2.blogspot.fr/2016/09/pianiste-virtuose-internationale.html

Pour ceux qui aiment le cinéma
68° festival du cinéma - Alexandra Robin - Léopold Bellanger  - Cédric Bouet
http://coureur2.blogspot.fr/2015/05/68-festival-cinema-cannes-2015.html

Pour ceux qui aiment la danse
 48° Congrès Mondial de la Recherche en Danse - Avignon du 9 au 13 novembre 2016 - Fabienne Courmont présidente -  UNESCO-CID partenaires 
http://coureur2.blogspot.fr/2016/11/48-congres-mondial-de-recherche-en.html  

Festival d'Avignon à Mouans-Sartoux - Danser Baudelaire - Bruno Niver - Marina Sosnina - Répétition générale
https://coureur2.blogspot.fr/2015/02/du-festival-davignon-mouans-sartoux.html


Pour ceux qui aiment s'habiller et sortir
Eliane Horville - soirées - ville - élégance - conseils - coach
https://coureur2.blogspot.fr/2016/01/soirees-ville-elegance-every-wear.html

Sortir - Manifestations -Performances - Expositions...2012/2017
https://coureur2.blogspot.fr/2013/02/evenements-expositions-manifestations.html


Pour des participations citoyennes


Ordre national infirmier - Recommandations sanitaires
http://coureur2.blogspot.fr/2017/06/ordre-national-infirmier-recommandations.html

Pour ceux qui aiment les multiples beautés de la France 

Les oliviers fantastiques de Lucette
https://coureur2.blogspot.fr/2012/10/les-oliviers-fantastiques-de-lucette.html

Carnet de voyage - Ombres et Lumières - L'eau et les Sables, architectures de villégiatures
https://coureur2.blogspot.fr/2014/01/ombres-et-lumieres-leau-et-les-sables.html

2 - La France en vrac
https://coureur2.blogspot.fr/2014/10/visiteurs-des-pages-pour-voir-le-site.html

1 - CP La France en vrac 1
https://coureur2.blogspot.fr/2014/01/la-france-en-vrac-france-in-bulk-franca.html




                                                              







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