Paul Abadie (Chatou 1812- Chatou1884)
Paul Abadie est homonyme de son père Paul Abadie ( architecte néo-classique - 1783-1868 - de la Charente).
Sa formation débute dans l'atelier d'Achille Leclère en 1832 et se poursuit en 1835 à l'Ecole des Beaux-Arts où il étudie l'architecture. En 1844 il est attaché à la Commission des Monuments Historiques et il élabore ses premiers projets pour la restauration de Notre-Dame de Paris sous la codirection d'Eugène Viollet-le-Duc et de Jean-Baptiste Lassus. En 1845 ces deux architectes s'attachent la collaboration de Paul Abadie comme Second Inspecteur.
En 1849 est créé le Service des Edifices Diocésains au sein duquel Paul Abadie est nommé Architecte pour les diocèses de Périgueux, Cahors et Angoulême.
En 1872 il est nommé Inspecteur Général des édifices diocésains et en 1875 il est Membre de l'Institut.
Ses interventions et œuvres les plus connues dont :
Cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême (Charente - 1849 à 188à),
Cathédrale Saint-Front de Périgueux (Dordogne - 1851-1883)
(Abadie devient l'archétype très contesté du parti des files de coupoles traduites en extérieures qu'il reprendra pour la basilique du Sacré-Chœur construite de neuf à partir de 1875 et terminée en 1919),
la Grande Synagogue de Bordeaux (1877-1882)
Paul Abadie, en plus de Rioux-Martin en collaboration avec Edouard Warin, est intervenu en Charente et dans la vallée de la Tude à l'église de Montmoreau, de Saint-Eutrope, ...
(Sources : Encyclopédie Universalis, Archives Départementales de la Charente et archives de
M Jean-Louis Mercadé - Musée d'Angoulême, Entre archéologie et modernité - Paul Abadie architecte 1812 6 1884. Musée d'Angoulême, 1984. - "Paul Abadie architecte charentais - suivi de Le Fond Warin aux archives départementales de la Charente", dans, Le Picton - Culture et patrimoine en Poitou et Charentes. n°260. Mars-Avril 2020, p. 24 à 49).
Le prieuré de la Haute Lande
Prieuré de l'abbaye de Fontevraud
Le site est connu depuis fort longtemps, il semble même que la tradition orale ait toujours accompagné l'histoire dont les archives de l'abbaye de Fontevraud gardent traces et souvenirs. Des bâtiments étaient encore visibles au XVIII° siècle.
Localement une publication donne une première mémoire imprimée de ce site :
David instituteur (c'est ainsi que la nom de l'auteur est désigné), La Lande de Rioux-Martin - Notice Historique et Géographique sur la commune de La Genétouze (Charente Inférieure) Saintes, 1909, p. 140.
Les éléments de la dite "monographie de La Genétouze" sont repris dans
: Chalais - son canton - ses princes - Les Talleyran-Périgord. Une publication du Cercle Historique de Chalais sous la direction du Dr Lacamoire avec la collaboration de Messieurs Bodet, Dournois, Fabvre, Nadaud, Nicolas, Pellet, Rocher J.C. et l'abbé Ripoche. Angoulême 1970, p. 77 à 79.
La "monographie de la Génétouse" sus citée [La Genétouze est une commune limitrophe mais à l'époque en Charente-Inférieure sur le secteur de Saintes - voire cartes ci-dessus)] reprenant un Pouillé du diocèse d'Angoulême (page 140) : "Les restes d'une chapelle dite de l'abbaye de La Lande, dépendance de l'abbaye e Fontevrault, vocable inconnu. Aux XVII° et XVIII° siècles, le curé de la paroisse en faisait le service par lui ou par son vicaire moyennant 45 livres par an, plus la jouissance d'un petit domaine". Des difficultés se présentent dans la seconde moitié du XVIII° siècle et le curé de la Genétouse écrivait au comte de Verteillac en 1769 "Le nommé Guenon de la Lande doit des arrérages et il crie reprenant un texte des Archives Départementales sans cesse, il m'a prié de vous le dire mais je luy ay dit que puisqu'il ne fait pas valoir son bien, il fallait le vendre à des gens qui payeraient et le fraient valoir, et il est situé à trouver des acquéreurs".(Archives départementales)
La localisation du site était déjà bien connue avant ces publications puisque les populations des villages environnant y avaient entrepris des fouilles dans les années 1850.
En exploitant sa propriété sur le site Monsieur Pierre-Michel Barlaam a mis à jour par sondages - en enterrant des piquets - un dallage plat d'environ 60 mètres de long.
Au dictionnaire de l'Ordre Monastique de Fontevraud la Haute-Lande figure ainsi :
La Lande-en- Beauchêne (B) , peut -être le même prieuré que (10) La Lande-en-Chalais . Commune de Rioux- (16210)
Un colloque tout récent offre une nouvelle perspective d'approche de ces prieurés.
Fontevraud et ses prieurés - Etudes d'histoires, histoire de l'art et archéologie - Actes du colloque organisé par le Centre d'Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale (Université de Poitiers) les 25/26 septembre 2015 à Fontevraud, en collaboration avec le Centre Culturel de l'Ouest. Textes réunis par Claude Andrault-Schmitt, Patrick Bouvart et Cécile Treffort. Paris, 2020.
La Haute-Lande est inscrite sur la carte des prieurés de cette étude p. 25 - géographiquement à peu près située, sous la désignation "Lande en Ch." avec la qualification "prieuré double dont la date de fondation demeure incertaine". Cependant le prieuré n'apparait plus dans la liste des "établissements religieux et églises cités" p.295 à 299.
Mais La lande-en -Beauchêne y figure (p.297) qualifiée ou suivie de "(La) (Sallertaine, Vendée, diocèse de Poitiers 18, 44, 216".
On voit que la question traitée - loin d'une localisation certaine du site et d'une ignorance des documents départementaux - reste problématique, ainsi que la période de construction des premiers bâtiments.
Avec cette nouvelle exploration sur ce blog, du site, sans fouilles, grâce aux témoignages des populations locales, nous pouvons désormais progresser vers une approche qui relaye parfaitement les éléments publiés hélas sans iconographie alors qu'il y aurait en quelque part une croquis d'élévations de bâtiment (s) de ce prieuré. Toutefois les éléments archéologiques désormais autorisés à figurer sur cette page par les propriétaires des terrains agricoles du site, nous ramènent à des répertoires qui sont ceux de la construction de l'église romane de Rioux-Martin.
Une autre église romane est voisine : celle de Médillac. Les deux partis architecturaux romans contemporains sont toutefois un peu différents.
Les sites de Médillac et de Rioux-Martin sont proches d'une zone de quatre moulins installés sur un seul et vaste bief de la Tude, au plus près de la carrière d'où ont été extraites les pierres de construction des édifices.
Un château ancien, disparu, est signalé sur le secteur de la carrière sous le nom de "Ancien château" qui était l'adresse postale de monsieur Pierre Chadefaud en 1948 (doc. Yves-Michel Foucaud).
La carrière d'où proviennent les pierres qui ont été extraites pour les constructions du prieuré
et de l'église

Les vestiges archéologiques (photos autorisées ci dessous) nous ramènent vers les deux églises romanes du petit secteur géographique aux confins de la Double Saintongeaise et de la basse vallée de la Tude, mais plus vers Rioux-Martin que vers Médillac qui utilise un vocabulaire ornemental sculpté d'un autre vecteur .
L'église de Rioux-Martin
Bibliographie :
Abbé Jean-Hippolyte Michon : Statistiques monumentales de la Charente. Angoulême, 1844, p. 277 et 309.
Abbé Jean Nanglard, Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, 1894, t.III, p.448 - t.IV, p.196.
Jean George, Les églises de France - Charente. Paris, 1933, p.204 et 205.
Charles Connoué, Les églises de Saintonge - Cognac et Barbezieux - Livre IV. Préface de Germain Gaborit. Saintes 1952/55, p. 119 et 120.
Saintonge romane - Edition du zodiaque. 1970; figure sur la carte des églises romanes de Saintonge en tant que "Eglise en partie romane".
Pour le travail de recherche en reconstitution par le second synoptique, ces deux dessins sont d'un grand intérêt. L'apport du texte de l'abbé Michon publié en 1844 viendra apporter d'autres éléments intermédiaires.
Ces deux dessins font apparaître les deux verrues latérales qui ne sont pas retenues par Paul Abadie puisqu'il recherche une unité des façades sud et nord ainsi qu'une sacristie qui s'inscrit dans ce projet. Paul Abadie, contrairement aux idées reçues, ne cherche pas systématiquement à transformer la vision romane du XIX° en essayant de lui imprimer ses idées coûte que coûte mais recherche d'avantage une solution pratique pour améliorer le service religieux sans heurter l'esthétique du bâtiment. Et alors il sacrifie ces deux verrues nord et sud.
Le projet 2 garde les verrues latérales et les inscrit dans un ensemble qui porte l'élévation à un étage sur contrefort inexistant sur le relevé 1 avant démolition. A l'étude, ces arcades à l'étage ne peuvent être que des leurres - fausses fenêtres - masquant ou agrémentant, ou animant, la partie en élévation qui cache intérieurement le niveau de la voûte en cul de four. Ce projet 2 s'inscrit dans la mode des leurres et trompe-l'œil propres à la seconde moitié du XIX° siècle contemporaines des enseignements d'Antoine Quatemère de Quincy des publications de Jacques Ignace Hittorff et un peu avant les interventions à l'Académie et de Charles Garnier, les généralisations de l'emploi du ciment, c'est-à-dire des architectures non appareillées qui ont besoin d'apports ornementaux capables de rivaliser avec ceux des architectures appareillées ou de transformer l'expression ornementale monumentale (les expressions du ciment brut ne viendront que plus tard avec les frères Perret à partir de leur garage de la rue de Ponthieu à Paris 1906-7) qui verra le triomphe de ces architectures décorées de frises et leurres architecturaux peints, en céramiques, moulés et sculptés (vendus sur catalogues parisiens parallèlement à des répertoires publiés comme ceux de César Daly et autres modèles de papiers peints sur fond des travaux de Chevreul sur le cercle chromatique) et massivement construits en ornements préférés des nouvelles constructions de la Côte d'Azur après le rattachement du comté de Nice à la France (1861) jusqu'aux années 1950, mais qui feront également le bonheur des nouveaux quartiers construits autour des gares de chemins de fer et des stations balnéaires qui s'édifient un peu partout en Europe diffusant le style du Nord au Sud et de l'Ouest à l'Est dans toutes les capitales européennes et au delà avec les constructions coloniales. Le leurre, le trompe l'œil, soutenus par les idéologies populistes et luxueuses de l'art de décorer les maisons de la période Art-Nouveau, sont tellement ancrés dans les pratiques culturelles de cette époque que même la rampe de l'escalier suspendu du vestibule du château de George Sand à Nohant sera refaite en leurre de fer forgé par son fils Maurice Sand, élève d'Eugène Delacroix, ce peintre qui aurait repeint toutes les façades de Paris selon Charles Baudelaire (Ecrits sur l'Art) bien avant ou pendant que les architectures haussmanniennes soient les sources d'inspirations des décors peints des immeubles du Vieux-Nice.
C'est ce principe que Paul Abadie utilise à Rioux-Martin.
Toutefois la pratique d'Abadie à Rioux-Martin n'a rien à voir avec la révolution ornementale et architecturale internationale d'origine française au XIX° siècle puisque nous possédons des procès d'aristocrates à leur maçons, maîtres maçons et architectes des XVII° et XVIII° siècles, qui leur ont facturé des constructions en grand appareil régulier (pierres de tailles) alors qu'ils ont décorés des murs construits en petits appareils dissolus enduits (cailloux souvent récupérés sur les sites des constructions, sans transport) retracés au fer ou au cordeau, voire au pinceau, pour faire illusion de grand appareil régulier et forcément bien plus cher, transport facturé; l'historien d'art/archéologue qui travaille en archives et qui n'y prend pas garde, ou qui fait lui-même l'économie d'un déplacement sur le site accepte comme tels des documents d'archives qui sont de véritables escroqueries.
Mais il est aussi arrivé que ce soient les propriétaires eux-mêmes qui aient commandé ces décors - et leurs maintiens - lors de remaniements de leur châteaux pour en harmoniser les architectures de différentes époques.
C'est exactement ce que fait Paul Abadie à Rioux-Martin mais sans escroquerie puisqu'il énonce clairement son soucis d'harmonie avec le bâtiment roman.
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Une version poétique a été publiée de ce château : Claude Peynaud, Pierre Garnier, Pierre Courtaud, Terrail - Ecrire le château - Poèmes d'architecture - Séries linéaires. La Main Courante, 1993 |
Le projet 2 montre une possible alternative hâtivement "croquée" de deux fenêtres latérales (?), d'où une seconde proposition sur le synoptique N°2.
Le dessin 1 est un relevé avant destruction. Il fait apparaître que la voûte du chœur est déjà effondrée et que l'appel à des "restaurations" est pleinement justifié redonnant un plein et entier caractère de légitimité aux propositions de Paul Abadie mais aussi à celles d'Edouard Warin car ce dessin montre une élévation originale du clocher sur arcades. Toutefois le débat peut s'installer car la suite des documents sont susceptibles de donner une période de réalisation de ce dessin alors que le clocher a déjà été restauré ou reconstruit par Paul Abadie et Edouard Warin.
Les dessins 1 et 2 font tous les deux apparaître une réduction des volumes de la nef pour édifier le clocher.
La flèche octogonale, très haute, serait ancienne mais je ne l'ai pas retenue dans ma reconstitution romane (synoptique 2) car les bibliographies consultées ne donnent ces types de flèches appareillées sur de petites églises qu'à la période gothique (et même sur les grandes). Toutefois en 1844 - c'est-à-dire avant les interventions d'Edouard Warin et de Paul Abadie, cette flèche existe et le clocher refait par Edouard Warin répond presque en tous points au descriptif qu'en donne l'abbé Jean-Hippolyte Michon dans son compte rendu des statistiques monumentales de la Charente publiée en 1844. Je donne le passage complet publié par l'abbé Michon, p.309. Il s'agirait donc d'une réelle restauration.
"L'église de Rioux-Martin est remarquable par une flèche romane à huit pans.
Cette flèche mérite une description spéciale. Elle s'élève au-dessus d'une coupole dont la partie supérieure est construite en glacis. Sur ce massif est une corniche où prend naissance la tour carrée du clocher. s'élève au-dessus d'une coupole dont la partie supérieure est construite en glacis qui a quatre vingt quinze centimètres d'ouverture pendant que les autres n'ont que trente centimètres (ce sont les dimensions actuelles). C'est sur cette base carrée qui est au dehors de 5 m 45 de diamètres et 3 m.45 au dedans (ces dimensions extérieures sont à peu près celles actuelles, mais un peu différentes à l'intérieur), que s'élève la flèche octogone. Elle se compose de 55 assises de 25 centimètres d'élévation sur 17 d'épaisseur , ce qui donne au clocher une extrême légèreté. Par une ingénieuse disposition, l'architecte a évidé chaque pierre de la flèche au moyen de deux longues coupes longitudinales séparées par deux petits oculus...cette flèche souvent lézardée par la foudre , va être restaurée prochainement".
A l'analyse archéologique du clocher actuellement visible et accessible, nous ne repérons aucune lézarde ni usure de la structure (sauf à la base comme précisé plus loin) et l'abbé Michon ne dit rien des lanternons qui amortissent les angles en réserve entre le carré du clocher et l'octogone de la flèche. Ces lanternons sont pourtant des éléments forts de l'esthétique du clocher actuel et constituent également des masses qui jouent le rôle des pinacles au-dessus des culées gothiques, et remplacement de certains éléments vu la sécheresse des éléments taillés et sculptés. Un autre détail pourtant important manque au descriptif de l'abbé Michon c'est l'habillage des ébrasements des baies par des rythmes de colonnes pourtant savamment agencés et qui figurent en indications sur le dessin N°1 transmis par la mairie de Rioux-Martin mais comme dit plus haut la situation de ce dessin sur le temps des restaurations/reconstructions porte à discussion. Ce système ornemental des baies est également un élément fort et original à Rioux-Martin.
Charles Connoué (1952/55) donne l'observation suivante (p. 119) : "Très beau clocher moderne (et un tantinet prétentieux) ...sur un étage carré ajouré suivant les faces d'une ou de deux baies accompagnées de nouvelles colonnettes. La souche a conservé d'anciennes petites fenêtres étroites. Sur la base du mur sud se voient encore des traces d'incendie."
Toutefois, en reprenant la lecture d'Eugène Viollet-le-Duc qui aurait pu influencer la restauration de ce clocher, on voit qu'il donne des structures de flèches appareillées dès le XII° siècle et parfois avant. Pour la Charente il donne l'exemple de Roulet (ou Roullet) "Le plan de l'étage carré du beffroi, et le plan de la base du cône avec ses quatre petits pinacles à jour. La figure 19 donne la coupe de ce clocher, et la figure 20 son élévation (en note 1 nous lisons : Nous devons ces dessins, ainsi que ceux de Brantôme, à M. Abadie, l'architecte de Saint-Front)".
Les clochetons appareillés sont bien des structures romanes comme on en voit aux angles de la façade de Notre-Dame-le-Grande à Poitiers et sur d'autres églises, même si leurs expressions sont sensiblement différentes.
Un auteur comme Jean George, op.cit. p. 214 et 215, reprend bien à Roulet une reconstruction et non pas une réfection du clocher en 1874 et 1875 mais s'il remarque qu'effectivement la flèche pourrait rejoindre le XII° siècle, et qu'on ne possède toutefois pas la date de consécration. Il ne confirme pas non plus une consécration une fois le monument terminé. Et ce sont peut-être plus les dates d'achèvements - qui ne posent pas trop de problèmes avec les grands édifices désormais souvent bien datés - qui sont les principales difficultés pour traiter ce sujet par les petites églises même avec une relative certitude.

Remarque : les dimensions relevées à la base du clocher sont les mêmes entre celles que j'ai relevées in situ et celles publiées par l'abbé Michon en 1844. En revanche, pour que l'abbé Michon ait pu fournir des dimensions aussi précises de la flèche il faut qu'il ait eu à sa disposition un système d'échelles ou d'échafaudages déjà en place en 1844, car la flèche est absolument inaccessible sans dispositif particulier à un maintien de la structure par étais ou échafaudage.
Les dimensions et les rapports de dimensions que j'ai exploitées pour mon étude ci-dessus sont celles obtenues par mes relevés, par calculs géométriques complémentaires ajustés à ce qui est fourni par l'abbé Michon et ce qui est évaluable tant de l'intérieur du clocher que depuis la base extérieure de l'église. L'étude pourrait donc avoir ainsi un relatif pourcentage d'exactitude métrique avec des écarts terrain de plus ou en moins 5 cm. Toutefois si les écarts terrains étaient de 5 cm leur report sur papier millimétré à l'échelle de 5 cm par mètre amènerait à des écarts de dessin papier de 2, 5 cm ce qui est absolument impossible pour des plans carrés dessinés qui mesurent 22 cm. Je propose donc ce montage avec un fort pourcentage d'exactitude. Toutefois, parce que ni l'abbé Michon ni moi n'avons toutes les dimensions des rangs qui en plus peuvent varier de la base au sommet de la flèche (l'abbé Michon donne 25 cm d'élévation pour chaque rang pour une épaisseur de 17 cm - seule la valeur de 17 cm intéresse le dessin en plan - valeur que j'ai respectée ) à cause de niches d'incertitudes de dimensions toujours possibles, entre celles données par l'abbé Michon, celles que j'ai pu relever et celles que j'ai pu calculer, je produits la superposition de la flèche à la base, qui reproduit ce qui est visible, en deux figures supplémentaires au modèle initial de Paul Abadie.
Pour les dimensions dessinées des bases des clochetons c'est purement une estimation visuelle.
C'est donc une structure montée en flèche par ceinturages des lits de poses, par en principe des agrafes et des goujons (système qui remonte depuis l'antiquité grecque), où les vides accompagnent ce principe sans ruptures. Quatre angles de la base carrée, socle de la flèche, sont traités en puissant contreforts chargés de masses supplémentaires en clochetons jouant le rôle des pinacles ajoutés sur les culées des arcs-boutants des églises gothiques.
La souche a été reconstruite pour obtenir une assise carrée au dispositif : glacis et encorbellements.
Voire plus bas les photos des détails archéologiques du clocher, ajoutées d'une icône d'élévations de fonds en rapport avec les études techniques publiées par Viollet-le-Duc pour construire ces grands clochers terminés par des flèches appareillées.
Un document d'archives et un nouveau dessin de Paul Abadie nous permettent d'avancer un peu plus.
C'est un document de 4 pages, provenant d'archives privées mais parfaitement authentique, qui nous renseigne sur les premiers chantiers qui font suite au texte de l'abbé Michon publié en 1844. Toute la restauration principale semble avoir démarré en 1850 ...
Page 1
" Vu les travaux de restauration effectués jusqu'à ce jour à l'église et au clocher de cette commune par Mr Laurent entrepreneur et de Mr Abadie Architecte.
Vu l'état de situation présente en 1849 par le dit Mr Laurent avise par Mr Abadie Architecte duquel il résulte que Mr Laurent est encore en avance pour une somme assez considérable .
Vu la demande de fonds de Mr Laurent appuyé par Mr Abadie considérant que le receveur municipal ne peux sans aucune autorisation spéciale a l'autorité compétente de dessaisir des fonds pour la commune de Rioux-Martin.
En conséquence faites que cette autorisation soit acceptée pour qu'il puisse verser entre les mains du dit Mr Laurent une somme de 1000 F dont[...] pour Mr Abadie Architecte, imputable sur l'exercice 1850, somme accordée par le gouvernement pour la restauration dont il s'agit.
Ainsi délibère les jours et mois, le conseil signe après lecture.
An 1850.
Par tous ces motifs le conseil doit renouveler auprès de son excellence Mr le Ministre des cultes la demande de secours du 5 Août dernier et la prier de vouloir bien accorder à la commune la somme de F 6173, 60 nécessaire au complément des travaux de ce monument si précieux.
Il croit aussi ne point devoir lui laisser ignorer que la portion à restaurer, une partie a déjà croulé, et que la chute du chœur en entier étant imminente, les étais qu'on y avait placé pour el soutenir ne pouvant plus suffire;
La commune se voit dans les jours [...] dans l'obligation de faire fermer l'église aux fidèles pour prévenir tout accident.
[...]
Monsieur le Ministre des Cultes veuillez bien ne point laisser annuler le crédit de F 7000, réservé à l'exercice 1850; par con collègue le Ministre de l'Intérieur pour la restauration en question et qui accordera de son côté la somme de F 6173, 60 nécessaire pour compléter les dépenses.
Le Conseil lui exprime d'avance....
Page 2
Délibération pour les dépenses de l'église 1860
" Le Conseil Municipal de Rioux Martin réuni en sessions ordinaire au lieu habituel ses séances en vertu de la circulaire de Mr le Préfet en date du 23 janvier dernier [...]Mr le Maire a exposé aux membres comprenant cette assemblée que l'état actuel de l'église de cette commune exige l'achèvement le plus prompt des travaux de restauration commencés depuis environ 10 ans.
Que les travaux exécutés vers 1850 par les soins de la commission des Monuments Historiques ne s'étant appliquées qu'aux parties qui menaçaient ruine laissées sans réparation bien des dégradations tant intérieurs qu'extérieurs (sic).
Que depuis cette époque la commune avec ses propres ressources (la reconstitution de chœur et de la sacristie).
Qu'il existe encore une infinités de réparations aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur qui importe d'exécuter pour la conservation de l'édifice et de le rendre à son état primitif. Que l'état de ces divers réparations se trouve établi dans un devis dressé par Monsieur l'Architecte Diocésain (C'est-à-dire Edouard Warin). Lequel devis élève la dépense à une somme de F 7049, 54 et que la commission qui a tant fait de sacrifices jusqu'ici pour la conservation du remarquable monument qu'elle possède.
Fait encore imposer de nouveaux et appeler à son aide le Ministre des Cultes et la Commission des Monuments Historiques pour conduire à leur fin les travaux en question. A quoi la sur dite commission des Monuments Historiques se trouve elle-même intéressée par les précédents sacrifices.
Les choses en cet état, le Conseil et le plus hauts cotisés.
Vu l'état de l'église.
Vu les travaux à y exécuter.
Vu le devis.
Vu aussi la délibération du Conseil de Fabrique constatant qu'il ne peut disposer d'aucune ressource."
Page 3
"Vu encore ue autre délibération du Conseil Municipal de cette commune et des plus hauts cotisés, en date du 8...1857 par laquelle il a été voté, pour les mêmes travaux de l'église une somme de dix huit Francs recouvrable en trois annuités.
La reconstitution du chœur et de la sacristie.
Joint d'avis malgré la gène ou la laissant depuis longtemps, les dépenses en question que la commune soit de nouveau imposée pour une somme de deux milles Francs, qu'il vote ainsi pour être recouvrée en trois annuités et après le recouvrement intégral de l'impôt voté en 1857, c'est-à-dire en 1862, 1863, 1864, priant l'autorité [...] et lui accorde à tire de secours la somme nécessaire pour compléter les dépenses en question...
Page 4
Registre délibérations municipales de Rioux-Martin
" 15 juillet 1860
L'an mil huit cent soixante, le Conseil de la commune de Rioux-Martin, canton de Chalais, arrondissement de Barbezieux, Charente, réuni extraordinairement au lieu de ses séances en vertu de la lettre de Monsieur le Préfet en date du 1° juillet courant à l'effet de voter si possible une subvention en faveur du Comice Agricole de l'arrondissement de Barbézieux, après avoir examiné la sus dite lettre de Monsieur le Sous Préfet et les ressources de la commune.
Considérant que la commune n'a aucun fond libre; que toutes les ressources sont plus qu'épuisées par les travaux qui ont été exécutés à son église, et que chaque année elle est même dans l'obligation de voter des fonds pour couvrir des dépenses obligatoires.
Par ces motifs et tout en reconnaissant l'utilité de l'œuvre du comice, le Conseil à le regret de ne pouvoir voter aucune subvention.
"Ainsi délibéré....Le Maire : Champagne...les Conseillers....."
Fin de la liasse
De ce document il ressort que la restauration de l'église, ou une première restauration a duré dix ans, de 1850 à 1860 engloutissant des budgets très importants (sans que nous en connaissions les destinations) et se terminant par le chœur qui ne sera pas "restauré à l'identique" mais très largement reconstruit suivant la proposition de Paul Abadie, comme les documents originaux, signés et datés, déjà produits en témoignent.
Et comme le montrent encore ces autres documents iconographiques qui proviennent exclusivement du fond en propriété à Monsieur Jean-Louis Mercadé, le clocher est parfaitement construit au moment du projet ou de l'achèvement du projet de reconstruction du chœur.
A Roullet la flèche a été entièrement reconstruite...
Les plus importantes dépenses de restaurations ayant été faites entre 1850 et 1859 on peut s'orienter vers un clocher déjà restauré au moment du projet de la sacristie proposé par Paul Abadie en 1859.
Edouard Warin n'arrivant en Charente que vers 1858, la restauration du clocher reviendrait donc entièrement à Paul Abadie, comme il est mentionné dans les délibérations du Conseil Municipal de Rioux-Martin, peu de temps après la nomination de Paul Abadie au poste d'architecte du service des édifices diocésains en 1849.
D'autres détails en photos, documents d'études et de recherches.
Cette flèche est de toute façon édifiée par-dessus une structure plus ancienne et plus basse comme on le voit dans la dernière phase de l'escalier (photos ci-dessous).
L'aménagement de la lourde structure en bois qui soutient la cloche a été étayée par une poutre en face intérieure Nord. C'est une poutre en ciment.
Le ciment est un nouveau matériaux élaboré à la fin du XVIII° siècle sur la base des travaux de Lavoisier. Vicat publie ses travaux sur le sujet en 1818 : ils portent plus spécialement sur les pouzzolanes et plus généralement sur le phénomène de l'hydraulicité. Nées en Angleterre en 1824 les cimenteries Portland commencent une production de ce matériau qui ne devient important qu'après quelques expériences du second quart du XIX° siècle.
Par les documents transmis par M. Jean-Louis Mercadé nous allons voir qu'Edouard Warin a fait appel aux ciments Portland pour régler les assises de l'autel du chœur, qu'il construisit en 1861. Il n'y a donc rien de surprenant ni d'incongru à trouver une poutre au sol de réglage d'un support de cloche sur la décennie 1850-1860, pas plus qu'une chape en ciment.
Il nous faut repartir sur ce document en place des assises modifiées pour explorer les restaurations du clocher.